Métrique en Ligne
LFT_1/LFT89
Jean de LA FONTAINE
FABLES
1678-1694
FABLES CHOISIES MISES EN VERS
Éditions Thierry et Barbin (1678-1679) et Barbin (1694)
LIVRE V
VI
LA VIEILLE ET LES DEUX SERVANTES
Il étoit une vieille ayant deux chambrières : 12
Elles filoient si bien que les sœurs filandières 12
Ne faisoient que brouiller au prix de celles-ci. 12
La vieille n'avoit point de plus pressant souci 12
5 Que de distribuer aux servantes leur tâche. 12
Dès que Téthys chassoit Phébus aux crins dorés, 12
Tourets entroient en jeu, fuseaux étoient tirés ; 12
Deçà, delà, vous en aurez. 8
Point de cesse, point de relâche. 8
10 Dès que l'Aurore, dis-je, en son char remontoit, 12
Un misérable coq à point nommé chantoit ; 12
Aussitôt notre vieille, encor plus misérable, 12
S'affubloit d'un jupon crasseux et détestable, 12
Allumoit une lampe, et couroit droit au lit 12
15 Où, de tout leur pouvoir, de tout leur appétit, 12
Dormoient les deux pauvres servantes. 8
L'une entr'ouvroit un œil, l'autre étendoit un bras, 12
Et toutes deux, très-mal contentes, 8
Disoient entre leurs dents : Maudit coq, tu mourras ! 12
20 Comme elles l'avoient dit, la bête fut grippée : 12
Le réveille-matin eut la gorge coupée. 12
Ce meurtre n'amenda nullement leur marché : 12
Notre couple, au contraire, à peine étoit couché, 12
Que la vieille, craignant de laisser passer l'heure, 12
25 Couroit comme un lutin par toute sa demeure. 12
C'est ainsi que, le plus souvent, 8
Quand on pense sortir d'une mauvaise affaire, 12
On s'enfonce encor plus avant ; 8
Témoin ce couple et son salaire. 8
30 La vieille, au lieu du coq, les fit tomber par là 12
De Charybde en Scylla. 6
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