Métrique en Ligne
LFT_1/LFT83
Jean de LA FONTAINE
FABLES
1678-1694
FABLES CHOISIES MISES EN VERS
Éditions Thierry et Barbin (1678-1679) et Barbin (1694)
LIVRE IV
XXII
L'ALOUETTE ET SES PETITS,
AVEC LE MAÎTRE D'UN CHAMP
Ne t'attends qu'à toi seul ; c'est un commun proverbe. 12
Voici comme Ésope le mit 8
En crédit. 3
Les alouettes font leur nid 8
5 Dans les blés quand ils sont en herbe, 8
C'est-à-dire environ le temps 8
Que tout aime et que tout pullule dans le monde, 12
Monstres marins au fond de l'onde, 8
Tigres dans les forêts, alouettes aux champs. 12
10 Une pourtant de ces dernières 8
Avoit laissé passer la moitié d'un printemps 12
Sans goûter le plaisir des amours printanières. 12
À toute force enfin elle se résolut 12
D'imiter la nature, et d'être mère encore. 12
15 Elle bâtit un nid, pond, couve, et fait éclore 12
À la hâte : le tout alla du mieux qu'il put. 12
Les blés d'alentour mûrs avant que la nitée 12
Se trouvât assez forte encor 8
Pour voler et prendre l'essor, 8
20 De mille soins divers l'alouette agitée 12
S'en va chercher pâture, avertit ses enfants 12
D'être toujours au guet et faire sentinelle. 12
Si le possesseur de ces champs 8
Vient avecque son fils, comme il viendra, dit-elle, 12
25 Écoutez bien : selon ce qu'il dira, 10
Chacun de vous décampera. 8
Sitôt que l'alouette eut quitté sa famille, 12
Le possesseur du champ vient avecque son fils. 12
Ces blés sont mûrs, dit-il : allez chez nos amis 12
30 Les prier que chacun, apportant sa faucille, 12
Nous vienne aider demain dès la pointe du jour. 12
Notre alouette de retour 8
Trouve en alarme sa couvée. 8
L'un commence : Il a dit que, l'aurore levée, 12
35 L'on fît venir demain ses amis pour l'aider. ‒ 12
S'il n'a dit que cela, repartit l'alouette, 12
Rien ne nous presse encor de changer de retraite ; 12
Mais c'est demain qu'il faut tout de bon écouter. 12
Cependant, soyez gais ; voilà de quoi manger. 12
40 Eux repus, tout s'endort, les petits et la mère. 12
L'aube du jour arrive, et d'amis point du tout. 12
L'alouette à l'essor, le maître s'en vient faire 12
Sa ronde, ainsi qu'à l'ordinaire. 8
Ces blés ne devroient pas, dit-il, être debout. 12
45 Nos amis ont grand tort, et tort qui se repose 12
Sur de tels paresseux, à servir ainsi lents. 12
Mon fils, allez chez nos parents 8
Les prier de la même chose. 8
L'épouvante est au nid plus forte que jamais. ‒ 12
50 Il a dit ses parents, mère ! c'est à cette heure… ‒ 12
Non, mes enfants, dormez en paix : 8
Ne bougeons de notre demeure. 8
L'alouette eut raison ; car personne ne vint. 12
Pour la troisième fois, le maître se souvint 12
55 De visiter ses blés. Notre erreur est extrême, 12
Dit-il, de nous attendre à d'autres gens que nous. 12
Il n'est meilleur ami ni parent que soi-même. 12
Retenez bien cela, mon fils. Et savez-vous 12
Ce qu'il faut faire ? Il faut qu'avec notre famille 12
60 Nous prenions dès demain chacun une faucille : 12
C'est là notre plus court ; et nous achèverons 12
Notre moisson quand nous pourrons. 8
Dès lors que ce dessein fut su de l'alouette : 12
C'est ce coup qu'il est bon de partir, mes enfants ! 12
65 Et les petits, en même temps, 8
Voletants, se culebutants, 8
Délogèrent tous sans trompette. 8
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