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LFT_1/LFT74
Jean de LA FONTAINE
FABLES
1678-1694
FABLES CHOISIES MISES EN VERS
Éditions Thierry et Barbin (1678-1679) et Barbin (1694)
LIVRE IV
XIII
LE CHEVAL S'ÉTANT VOULU VENGER DU CERF
De tout temps les chevaux ne sont nés pour les hommes. 12
Lorsque le genre humain des glands se contentoit, 12
Ane, cheval, et mule, aux forêts habitoit ; 12
Et l'on ne voyoit point, comme au siècle où nous sommes, 12
5 Tant de selles et tant de bâts, 8
Tant de harnois pour les combats, 8
Tant de chaises, tant de carrosses ; 8
Comme aussi ne voyoit-on pas 8
Tant de festins et tant de noces. 8
10 Or un cheval eut alors différend 10
Avec un cerf plein de vitesse ; 8
Et, ne pouvant l'attraper en courant, 10
Il eut recours à l'homme, implora son adresse. 12
L'homme lui mit un frein, lui sauta sur le dos, 12
15 Ne lui donna point de repos 8
Que le cerf ne fût pris, et n'y laissât la vie. 12
Et, cela fait, le cheval remercie 10
L'homme son bienfaiteur, disant : Je suis à vous ; 12
Adieu ; je m'en retourne en mon séjour sauvage. ‒ 12
20 Non pas cela, dit l'homme ; il fait meilleur chez nous ; 12
Je vois trop quel est votre usage. 8
Demeurez donc ; vous serez bien traité, 10
Et jusqu'au ventre en la litière. 8
Hélas ! que sert la bonne chère 8
25 Quand on n'a pas la liberté ? 8
Le cheval s'aperçut qu'il avoit fait folie ; 12
Mais il n'étoit plus temps : déjà son écurie 12
Étoit prête et toute bâtie. 8
Il y mourut en traînant son lien : 10
30 Sage s'il eût remis une légère offense. 12
Quel que soit le plaisir que cause la vengeance, 12
C'est l'acheter trop cher que l'acheter d'un bien 12
Sans qui les autres ne sont rien. 8
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