FABLES CHOISIES MISES EN VERS |
Éditions Thierry et Barbin (1678-1679) et Barbin (1694) |
LIVRE II |
III |
LE LOUP PLAIDANT CONTRE LE RENARD PAR-DEVANT LE SINGE |
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Un loup disoit que l'on l'avoit volé : |
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Un renard, son voisin, d'assez mauvaise vie, |
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Pour ce prétendu vol par lui fut appelé. |
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Devant le singe il fut plaidé, |
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Non point par avocats, mais par chaque partie. |
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Thémis n'avoit point travaillé, |
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De mémoire de singe, à fait plus embrouillé. |
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Le magistrat suoit en son lit de justice. |
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Après qu'on eut bien contesté, |
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Répliqué, crié, tempêté, |
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Le juge instruit de leur malice, |
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Leur dit : Je vous connois de longtemps, mes amis ; |
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Et tous deux vous paîrez l'amende : |
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Car toi, loup, tu te plains, quoiqu'on ne t'ait rien pris ; |
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Et toi, renard, as pris ce que l'on te demande. |
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Le juge prétendoit qu'à tort et à travers |
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On ne sauroit manquer, condamnant un pervers. |
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Quelques personnes de bon sens ont cru que l'impossibilité et la
contradiction qui est dans le jugement de ce singe étoient une chose
à censurer : mais je ne m'en suis servi qu'après Phèdre, et c'est en
cela que consiste le bon mot, selon mon avis.
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