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Jean de LA FONTAINE
FABLES
1678-1694
FABLES CHOISIES MISES EN VERS
Éditions Thierry et Barbin (1678-1679) et Barbin (1694)
LIVRE XII
XX
LE PHILOSOPHE SCYTHE
Un philosophe austère, et né dans la Scythie, 12
Se proposant de suivre une plus douce vie, 12
Voyagea chez les Grecs, et vit en certains lieux 12
Un sage assez semblable au vieillard de Virgile, 12
5 Homme égalant les rois, homme approchant des dieux, 12
Et, comme ces derniers, satisfait et tranquille. 12
Son bonheur consistoit aux beautés d'un jardin. 12
Le Scythe l'y trouva qui, la serpe à la main, 12
De ses arbres à fruit retranchoit l'inutile, 12
10 Ébranchoit, émondoit, ôtoit ceci, cela, 12
Corrigeant partout la nature, 8
Excessive à payer ses soins avec usure. 12
Le Scythe alors lui demanda 8
Pourquoi cette ruine : étoit-il d'homme sage 12
15 De mutiler ainsi ces pauvres habitants ? 12
Quittez-moi votre serpe, instrument de dommage ; 12
Laissez agir la faux du temps : 8
Ils iront assez tôt border le noir rivage. 12
J'ôte le superflu, dit l'autre, et l'abattant, 12
20 Le reste en profite d'autant. 8
Le Scythe, retourné dans sa triste demeure, 12
Prend la serpe à son tour, coupe et taille à toute heure ; 12
Conseille à ses voisins, prescrit à ses amis 12
Un universel abatis. 8
25 Il ôte de chez lui les branches les plus belles, 12
Il tronque son verger contre toute raison, 12
Sans observer temps ni saison, 8
Lunes ni vieilles ni nouvelles. 8
Tout languit et tout meurt. Ce Scythe exprime bien 12
30 Un indiscret stoïcien : 8
Celui-ci retranche de l'âme 8
Désirs et passions, le bon et le mauvais, 12
Jusqu'aux plus innocents souhaits. 8
Contre de telles gens, quant à moi, je réclame. 12
35 Ils ôtent à nos cœurs le principal ressort ; 12
Ils font cesser de vivre avant que l'on soit mort. 12
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