Métrique en Ligne
LFT_1/LFT186
Jean de LA FONTAINE
FABLES
1678-1694
FABLES CHOISIES MISES EN VERS
Éditions Thierry et Barbin (1678-1679) et Barbin (1694)
LIVRE IX
XV
LE MARI, LA FEMME ET LE VOLEUR
Un mari fort amoureux, 7
Fort amoureux de sa femme, 7
Bien qu'il fût jouissant, se croyoit malheureux. 12
Jamais œillade de la dame, 8
5 Propos flatteur et gracieux, 8
Mot d'amitié, ni doux sourire, 8
Déifiant le pauvre sire, 8
N'avoient fait soupçonner qu'il fût vraiment chéri. 12
Je le crois, c'étoit un mari. 8
10 Il ne tint point à l'hyménée 8
Que, content de sa destinée, 8
Il n'en remerciât les dieux. 8
Mais quoi ! si l'amour n'assaisonne 8
Les plaisirs que l'hymen nous donne, 8
15 Je ne vois pas qu'on en soit mieux. 8
Notre épouse étant donc de la sorte bâtie, 12
Et n'ayant caressé son mari de sa vie, 12
Il en faisoit sa plainte une nuit. Un voleur 12
Interrompit la doléance. 8
20 La pauvre femme eut si grand'peur 8
Qu'elle chercha quelque assurance 8
Entre les bras de son époux. 8
Ami, voleur, dit-il, sans toi ce bien si doux 12
Me seroit inconnu ! Prends donc en récompense 12
25 Tout ce qui peut chez nous être à ta bienséance ; 12
Prends le logis aussi. Les voleurs ne sont pas 12
Gens honteux, ni fort délicats : 8
Celui-ci fit sa main. J'infère de ce conte 12
Que la plus forte passion 8
30 C'est la peur ; elle fait vaincre l'aversion, 12
Et l'amour quelquefois : quelquefois il la dompte ; 12
J'en ai pour preuve cet amant 8
Qui brûla sa maison pour embrasser sa dame, 12
L'emportant à travers la flamme. 8
35 J'aime assez cet emportement ; 8
Le conte m'en a plu toujours infiniment : 12
Il est bien d'une âme espagnole, 8
Et plus grande encore que folle. 8
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