MÉTRIQUE EN LIGNE

LFT_1/LFT183

Jean de LA FONTAINE

FABLES

1678-1694

FABLES CHOISIES MISES EN VERS

Éditions Thierry et Barbin (1678-1679) et Barbin (1694)

LIVRE IX

XII

LE CIERGE

	C'est du séjour des dieux que les abeilles viennent.	12
	Les premières, dit-on, s'en allèrent loger	12
	Au mont Hymette1, et se gorger	8
	Des trésors qu'en ce lieu les zéphyrs entretiennent.	12
5	Quand on eut des palais de ces filles du ciel	12
	Enlevé l'ambrosie en leurs chambres enclose,	12
	Ou, pour dire en françois la chose,	8
	Après que les ruches sans miel	8
	N'eurent plus que la cire, on fit mainte bougie,	12
10	Maint cierge aussi fut façonné.	8
	Un d'eux voyant la terre en brique au feu durcie	12
	Vaincre l'effort des ans, il eut la même envie ;	12
	Et, nouvel Empédocle2 aux flammes condamné	12
	Par sa propre et pure folie,	8
15	Il se lança dedans. Ce fut mal raisonné :	12
	Ce cierge ne savoit grain de philosophie.	12
	Tout en tout est divers : ôtez-vous de l'esprit	12
	Qu'aucun être ait été composé sur le vôtre.	12
	L'Empédocle de cire au brasier se fondit :	12
20	Il n'étoit pas plus fou que l'autre.	8

1 Hymette étoit une montagne célébrée par les poëtes, située dans l'Attique, et où les Grecs recueilloient d'excellent miel.

2 Empédocle étoit un philosophe ancien, qui ne pouvant comprendre les merveilles du mont Etna, se jeta dedans par une vanité ridicule, et trouvant l'action belle, de peur d'en perdre le fruit, et que la postérité ne l'ignorât, laissa ses pantoufles au pied du mont.