Métrique en Ligne
LFT_1/LFT159
Jean de LA FONTAINE
FABLES
1678-1694
FABLES CHOISIES MISES EN VERS
Éditions Thierry et Barbin (1678-1679) et Barbin (1694)
LIVRE VIII
XV
LE RAT ET L'ÉLÉPHANT
Se croire un personnage est fort commun en France : 12
On y fait l'homme d'importance, 8
Et l'on n'est souvent qu'un bourgeois. 8
C'est proprement le mal françois. 8
5 La sotte vanité nous est particulière. 12
Les Espagnols sont vains, mais d'une autre manière : 12
Leur orgueil me semble, en un mot, 8
Beaucoup plus fou, mais pas si sot. 8
Donnons quelque image du nôtre, 8
10 Qui sans doute en vaut bien un autre. 8
Un rat des plus petits voyoit un éléphant 12
Des plus gros, et railloit le marcher un peu lent 12
De la bête de haut parage, 8
Qui marchoit à gros équipage. 8
15 Sur l'animal à triple étage, 8
Une sultane de renom, 8
Son chien, son chat et sa guenon, 8
Son perroquet, sa vieille, et toute sa maison, 12
S'en alloit en pèlerinage. 8
20 Le rat s'étonnoit que les gens 8
Fussent touchés de voir cette pesante masse : 12
Comme si d'occuper ou plus ou moins de place 12
Nous rendoit, disoit-il, plus ou moins importants. 12
Mais qu'admirez-vous tant en lui, vous autres hommes ? 12
25 Seroit-ce ce grand corps qui fait peur aux enfants ? 12
Nous ne nous prisons pas, tout petits que nous sommes, 12
D'un grain moins que les éléphants. 8
Il en auroit dit davantage ; 8
Mais le chat sortant de sa cage, 8
30 Lui fit voir en moins d'un instant 8
Qu'un rat n'est pas un éléphant. 8
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