Métrique en Ligne
LFT_1/LFT117
Jean de LA FONTAINE
FABLES
1678-1694
FABLES CHOISIES MISES EN VERS
Éditions Thierry et Barbin (1678-1679) et Barbin (1694)
LIVRE VI
XIII
LE VILLAGEOIS ET LE SERPENT
Ésope conte qu'un manant, 8
Charitable autant que peu sage, 8
Un jour d'hiver se promenant 8
À l'entour de son héritage, 8
5 Aperçut un serpent sur la neige étendu, 12
Transi, gelé, perclus, immobile rendu, 12
N'ayant pas à vivre un quart d'heure. 8
Le villageois le prend, l'emporte en sa demeure ; 12
Et, sans considérer quel sera le loyer 12
10 D'une action de ce mérite, 8
Il l'étend le long du foyer, 8
Le réchauffe, le ressuscite. 8
L'animal engourdi sent à peine le chaud, 12
Que l'âme lui revient avecque la colère. 12
15 Il lève un peu la tête, et puis siffle aussitôt ; 12
Puis fait un long repli, puis tâche à faire un saut 12
Contre son bienfaiteur, son sauveur et son père. 12
Ingrat, dit le manant, voilà donc mon salaire ! 12
Tu mourras ! À ces mots, plein d'un juste courroux, 12
20 Il vous prend sa cognée, il vous tranche la bête ; 12
Il fait trois serpents de deux coups, 8
Un tronçon, la queue et la tête. 8
L'insecte, sautillant, cherche à se réunir ; 12
Mais il ne put y parvenir. 8
25 Il est bon d'être charitable ; 8
Mais envers qui ? c'est là le point. 8
Quant aux ingrats, il n'en est point 8
Qui ne meure enfin misérable. 8
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