Métrique en Ligne
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Charles LE GOFFIC
Poésies complètes
1889-1914
LE BOIS DORMANT
RONDES ET CHANSONS
PAPILLONS DE MER
À Pierre Laurent.
On les voit s’en venir en bandes, 8
À la prime aube, tout le long, 8
Le long des palus et des landes, 8
Glissant de-ci, de-là, selon 8
5 Leur humeur folâtre et changeante. 8
Et tout bleus dans le matin blond. 8
Ô les dunes que l’aube argente ! 8
Les genêts fleuris qu’un par un 8
Frôle leur aile diligente ! 8
10 Et, là-bas, couchés dans l’embrun, 8
Sous leur fourrure d’algues lisses, 8
Les lourds rochers de granit brun ! 8
C’est l’heure pleine de délices, 8
L’heure où s’épanche en larmes d’or 8
15 La rosée au fond des calices ; 8
Et c’est l’heure, plus douce encor, 8
Où le premier flot monte et lèche 8
Vos pieds blancs, grèves de l’Armor. 8
La brise du large est si fraîche ! 8
20 Il fait si doux, si bon, là-bas 8
Où les courlis sont à la pêche ! 8
Et voilà, sans autres débats, 8
Nos lutins partis en maraude 8
Du côté d’Erech ou de Batz. 8
25 Longtemps sur la mer d’émeraude, 8
Ainsi que des bleuets ailés, 8
Leur vol incertain tremble et rôde. 8
Mais ceux qu’une lame a frôlés 8
Sentent bientôt l’éclaboussure 8
30 Alourdir leurs corps fuselés. 8
Même au temps où juillet azure 8
Ses remous et ses tourbillons, 8
La mer est changeante et peu sûre. 8
Déserteurs des calmes sillons, 8
35 Vous êtes pareils à mes rêves. 8
Papillons bleus, ô papillons ! 8
Luise quelque aube aux clartés brèves 8
Penchant ses yeux meurtris et doux 8
Sur le glauque miroir des grèves, 8
40 C’est assez pour eux et pour vous : 8
Leur cavalcade trébuchante 8
Coupe l’infini de bonds fous. 8
Ils vont ! Ils vont ! La vague chante 8
Sous leur essor aventureux… 8
45 Papillons de la mer méchante, 8
j’ai peur pour vous, j’ai peur pour eux ! 8
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