AMOUR BRETON |
LA FLEUR |
Qui t’a fait la douleur t’a laissé les remèdes. |
Théophile de Viaud.
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J’ai vécu. Ce n’est pas que la mort m’épouvante. |
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Mais en sondant mon cœur j’ai vu qu’à ses parois |
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La fleur de poésie était toujours vivante, |
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Dieu bon ! et que jamais sur sa tige mouvante |
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N’avaient autant germé de boutons à la fois. |
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Elle avait pris racine au milieu des décombres. |
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Ce n’était autour d’elle et près d’elle affaissés |
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Que spectres, revenants, esprits, fantômes, ombres, |
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Tumultueux chaos d’apparitions sombres, |
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Où je reconnaissais tous mes rêves passés. |
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Chacun d’eux m’appelait ; chacun d’eux sous son aile |
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Montrait le trou béant de quelque trahison. |
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Vains efforts ! Ils n’ont pu détacher ma prunelle |
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De la rose d’Éden, de la rose éternelle, |
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Qui poussait en mon cœur sa libre floraison ! |
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Et je n’ai pas eu tort, n’est-il pas vrai, mon frère, |
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De comprimer en moi tout élan téméraire. |
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De planter mes deux poings au fond de mes deux yeux, |
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De fermer mon oreille aux voix du suicide |
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Et d’invoquer si haut la Muse au front placide |
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Qu’elle ait à mon appel abandonné les deux ! |
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