Métrique en Ligne
LEC_3/LEC193
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES ANTIQUES
1852
Les Étoiles mortelles
Un soir d'été, dans l'air harmonieux et doux, 12
Dorait les épaisses ramures ; 8
Et vous alliez, les doigts rougis du sang des mûres, 12
Le long des frênes et des houx. 8
5 Ô rêveurs innocents, fiers de vos premiers songes, 12
Cœurs d'or rendant le même son, 8
Vous écoutiez en vous la divine chanson 12
Que la vie emplit de mensonges. 8
Ravis, la joue en fleur, l'œil brillant, les pieds nus, 12
10 Parmi les bruyères mouillées 8
Vous alliez sous l'arôme attiédi des feuillées 12
Vers les paradis inconnus. 8
Et de riches lueurs, comme des bandelettes, 12
Palpitaient sur le brouillard bleu, 8
15 Et le souffle du soir berçait leurs bouts en feu 12
Dans l'arbre aux masses violettes. 8
Puis, en un vol muet, sous les bois recueillis, 12
Insensiblement la nuit douce 8
Enveloppa, vêtus de leur gaine de mousse, 12
20 Les chênes au fond des taillis. 8
Hormis cette rumeur confuse et familière 12
Qui monte de l'herbe et de l'eau, 8
Tout s'endormit, le vent, le feuillage, l'oiseau, 12
Le ciel, le vallon, la clairière. 8
25 Dans le calme des bois, comme un collier divin 12
Qui se rompt, les étoiles blanches, 8
Du faîte de l'azur, entre les lourdes branches, 12
Glissaient, fluides et sans fin. 8
Un étang solitaire, en sa nappe profonde 12
30 Et noire, amoncelait sans bruit 8
Ce trésor ruisselant des perles de la nuit 12
Qui se posaient, claires, sous l'onde. 8
Mais un souffle furtif, troublant ces feux épars 12
Dans leur ondulation lente, 8
35 Fit pétiller comme une averse étincelante 12
Autour des sombres nénuphars. 8
Chaque jet s'épandit en courbes radieuses, 12
Dont les orbes multipliés 8
Allumaient dans les joncs d'un cercle d'or liés 12
40 Des prunelles mystérieuses. 8
Le désir vous plongea dans l'abîme enchanté 12
Vers ces yeux pleins de douces flammes ; 8
Et le bois entendit les ailes de vos âmes 12
Frémir au ciel des nuits d'été ! 8
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