Métrique en Ligne
LEC_3/LEC176
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES ANTIQUES
1852
La mort de Penthée
Agavé, dont la joue est rose, Antonoé 12
Avec la belle Inô, ceintes de verts acanthes, 12
Menaient trois chœurs dansants d'ascétiques bacchantes 12
Sur l'âpre kythairôn aux mystères voué. 12
5 Elles allaient, cueillant les bourgeons des vieux chênes, 12
L'asphodèle, et le lierre aux ceps noirs enroulé, 12
Et bâtissaient, unis par ces légères chaînes, 12
Neuf autels pour bakkhos et trois pour Sémélé. 12
Puis, elles y plaçaient, selon l'ordre et le rite, 12
10 Le grain générateur et le mystique Van, 12
Du dieu qu'elles aimaient la coupe favorite, 12
La peau du léopard et le thyrse d'Évan. 12
Dans un lentisque épais, par l'étroit orifice 12
Du feuillage, Penthée observait tout cela. 12
15 Antonoé le vit la première, et hurla, 12
Bouleversant du pied l'apprêt du sacrifice. 12
Le profane aussitôt s'enfuit épouvanté ; 12
Mais les femmes, nouant leurs longues draperies, 12
Bondissaient après lui, pareilles aux furies, 12
20 La chevelure éparse et l'œil ensanglanté. 12
— D'où vient que la fureur en vos regards éclate, 12
Ô femmes ? Criait-il ; pourquoi me suivre ainsi ? — 12
Et de l'ongle et des dents toutes trois l'ont saisi : 12
L'une arrache du coup l'épaule et l'omoplate ; 12
25 Agavé frappe au cœur le fils qui lui fut cher ; 12
Inô coupe la tête ; et, vers le soir, dans Thèbe, 12
Ayant chassé cette âme au plus noir de l'Érèbe, 12
Elles rentraient, traînant quelques lambeaux de chair. 12
Malheur à l'insensé que le désir consume 12
30 De toucher à l'autel de la main ou des yeux ! 12
Qu'il soit comme un bouc vil sous le couteau qui fume, 12
Étant né pour ramper, non pour chanter les dieux ! 12
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