Métrique en Ligne
LEC_3/LEC163
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES ANTIQUES
1852
Sourya
HYMNE VÉDIQUE
Ta demeure est au bord des océans antiques, 12
Sourya ! Les grandes eaux lavent tes pieds mystiques. 12
Sur ta face divine et ton dos écumant 12
L'abîme primitif ruisselle lentement. 12
5 Tes cheveux qui brûlaient au milieu des nuages, 12
Parmi les rocs anciens déroulés sur les plages, 12
Pendent en noirs limons, et la houle des mers 12
Et les vents infinis gémissent au travers. 12
Ô Sourya ! Prisonnier de l'ombre infranchissable, 12
10 Tu sommeilles couché dans les replis du sable. 12
Une haleine terrible habite en tes poumons. 12
Elle trouble la neige errante aux flancs des monts ; 12
Dans l'obscurité morne en grondant elle affaisse 12
Les astres submergés par la nuée épaisse, 12
15 Et fait monter en chœur les soupirs et les voix 12
Qui roulent dans le sein vénérable des bois. 12
Ta demeure est au bord des océans antiques. 12
Sourya ! Les grandes eaux lavent tes pieds mystiques. 12
Elle vient, elle accourt, ceinte de lotus blancs, 12
20 L'aurore aux belles mains, aux pieds étincelants ; 12
Et tandis que, songeur, près des mers tu reposes, 12
Elle lie au char bleu les trois génisses roses. 12
Vois ! Les palmiers divins, les érables d'argent, 12
Et les frais nymphéas sur l'eau vive nageant ; 12
25 La vallée où pour plaire entrelaçant leurs danses 12
Tournent les apsaras en rapides cadences, 12
D'une nue onduleuse et molle enveloppés 12
S'éveillent, de rosée et de flamme trempés. 12
Pour franchir des sept cieux les larges intervalles, 12
30 Attelle au timon d'or les sept fauves cavales ; 12
Secoue aux vents des mers un reste de langueur, 12
Et lève-toi, Sourya, dans toute ta vigueur ! 12
Ta demeure est au bord des océans antiques, 12
Sourya ! Les grandes eaux lavent tes pieds mystiques. 12
35 Mieux que l'oiseau géant qui tourne au fond des cieux, 12
Tu montes, ô guerrier, par bonds victorieux ; 12
Tu roules comme un fleuve, ô roi, source de l'être ! 12
Le visible infini que ta splendeur pénètre, 12
En houles de lumière ardemment agité 12
40 Palpite de ta force et de ta majesté. 12
Dans l'air flambant, immense, oh ! Que ta route est belle 12
Pour arriver au bord de la nuit éternelle ! 12
Quand ton char tombe et roule au bas du firmament, 12
Que l'horizon sublime ondule largement ! 12
45 Adieu, Sourya. Ton corps lumineux vers l'eau noire 12
S'incline, revêtu d'une robe de gloire ; 12
L'abîme te salue et s'ouvre devant toi : 12
Descends sur le rivage et te couches, ô roi ! 12
Ta demeure est au bord des océans antiques, 12
50 Sourya ! Les grandes eaux lavent tes pieds mystiques. 12
Guerrier resplendissant qui marches dans le ciel 12
À travers l'étendue et le temps éternel ; 12
Toi qui verses au sein de la terre robuste 12
Le fleuve fécondant de ta chaleur auguste, 12
55 Et sièges vers midi sur les brûlants sommets ; 12
Roi du monde, entends-nous, et protège à jamais 12
Les hommes au sang pur, les races pacifiques 12
Qui te chantent au bord des océans antiques. 12
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