Métrique en Ligne
LEC_3/LEC150
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES ANTIQUES
1852
La source
Une eau vive étincelle en la forêt muette, 12
Dérobée aux ardeurs du jour ; 8
Et le roseau s'y ploie, et fleurissent autour 12
L'hyacinthe et la violette. 8
5 Ni les chèvres, paissant les cytises amers 12
Aux pentes des proches collines, 8
Ni les pasteurs, chantant sur les flûtes divines, 12
N'ont troublé la source aux flots clairs. 8
Les noirs chênes aimés des abeilles fidèles, 12
10 En ce beau lieu versent la paix, 8
Et les ramiers, blottis dans le feuillage épais, 12
Ont ployé leurs cols sous leurs ailes. 8
Les grands cerfs indolents, par les halliers mousseux, 12
Hument les tardives rosées ; 8
15 Sous le dais lumineux des feuilles reposées 12
Dorment les Sylvains paresseux. 8
Et la blanche Naïs dans la source sacrée 12
Mollement ferme ses beaux yeux : 8
Elle songe endormie ; un rire harmonieux 12
20 Flotte sur sa bouche pourprée. 8
Nul œil étincelant d'un amoureux désir 12
N'a vu, sous ces voiles limpides, 8
La nymphe au corps de neige, aux longs cheveux fluides, 12
Sur le sable argenté dormir. 8
25 Et nul n'a contemplé la joue adolescente, 12
L'ivoire du col ou l'éclat 8
Du jeune sein, l'épaule au contour délicat, 12
Les bras blancs, la lèvre innocente, 8
Mais un faune attentif, sur le prochain rameau, 12
30 Entrouvre la feuillée épaisse, 8
Et voit, tout enlacé d'une humide caresse, 12
Ce corps souple briller sous l'eau. 8
Aussitôt il rit d'aise en sa joie inhumaine ; 12
Son rire émeut le frais réduit ; 8
35 Et la vierge s'éveille, et pâlissant au bruit, 12
Disparaît comme une ombre vaine. 8
Telle que la naïade, en ce bois écarté, 12
Dormant sous l'onde diaphane, 8
Fuis toujours œil impur et la main du profane, 12
40 Lumière de l'âme, ô beauté ! 8
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