Métrique en Ligne
LEC_3/LEC147
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES ANTIQUES
1852
Les Éolides
Ô brises flottantes des cieux, 8
Du beau printemps douces haleines, 8
Qui de baisers capricieux 8
Caressez les monts et les plaines ; 8
5 Vierges, filles d'Éole, amantes de la paix, 12
La nature éternelle à vos chansons s'éveille ; 12
Et la dryade, assise aux feuillages épais, 12
Verse aux mousses les pleurs de l'aurore vermeille. 12
Effleurant le cristal des eaux 8
10 Comme un vif essaim d'hirondelles, 8
De l'Eurotas aux verts roseaux 8
Revenez-vous, vierges fidèles ? 8
Quand les cygnes sacrés y nageaient beaux et blancs, 12
Et qu'un dieu palpitait sur les fleurs de la rive, 12
15 Vous gonfliez d'amour la neige de ses flancs 12
Sous le regard charmé de l'épouse pensive. 12
L'air où murmure votre essor 8
S'emplit d'arôme et d'harmonie : 8
Revenez-vous de l'Ionie, 8
20 Ou du vert Hymette au miel d'or ? 8
Éolides, salut ! Ô fraîches messagères, 12
C'est bien vous qui chantiez sur le berceau des dieux ; 12
Et le clair ilyssos, d'un flot mélodieux, 12
A baigné le duvet de vos ailes légères. 12
25 Quand theugénide au col de lait 8
Dansait le soir auprès de l'onde, 8
Vous avez sur sa tête blonde 8
Semé les roses de Milet. 8
Nymphes aux pieds ailés, loin du fleuve d'Homère, 12
30 Plus tard, prenant la route où l'alphée aux flots bleus 12
Suit aréthuse au sein de l'étendue amère, 12
Dans l'île nourricière aux épis onduleux ; 12
Sous le platane où l'on s'abrite 8
Des flèches vermeilles du jour, 8
35 Vous avez soupiré d'amour 8
Sur les lèvres de Théocrite. 8
Iapyx et Zéphyre, Euros au vol si frais, 12
Rires des immortels dont s'embellit la terre, 12
C'est vous qui fîtes don au pasteur solitaire 12
40 Des loisirs souhaités à l'ombre des forêts. 12
Au temps où l'abeille murmure 8
Et vole à la coupe des lis, 8
Le mantouan, sous la ramure, 8
Vous a parlé d'amaryllis. 8
45 Vous avez écouté, dans les feuilles blotties, 12
Les beaux adolescents de myrtes couronnés, 12
Enchaînant avec art les molles reparties, 12
Ouvrir en rougissant les combats alternés ; 12
Tandis que drapés dans la toge, 8
50 Debout à l'ombre du hallier, 8
Les vieillards décernaient l'éloge, 8
La coupe ornée ou le bélier. 8
Vous agitiez le saule où sourit Galatée ; 12
Et des nymphes baisant les yeux chargés de pleurs, 12
55 Vous berçâtes Daphnis, en leur grotte écartée, 12
Sur le linceul agreste, étincelant de fleurs. 12
Quand les vierges aux corps d'albâtre 8
Qu'aimaient les dieux et les humains, 8
Portaient des colombes aux mains, 8
60 Et d'amour sentaient leurs cœurs battre ; 8
Vous leur chantiez tout bas en un songe charmant 12
Les hymnes de vénus, la volupté divine, 12
Et tendiez leur oreille aux plaintes de l'amant 12
Qui pleure au seuil nocturne et que le cœur devine. 12
65 Oh ! Combien vous avez baisé 8
De bras, d'épaules adorées, 8
Au bord des fontaines sacrées, 8
Sur la colline au flanc boisé ! 8
Dans les vallons d'Hellas, dans les champs italiques, 12
70 Dans les îles d'azur que baigne un flot vermeil, 12
Ouvrez-vous toujours l'aile, éolides antiques ? 12
Souriez-vous toujours au pays du soleil ? 12
Ô vous que le thym et l'égile 8
Ont parfumés, secrets liens 8
75 Des douces flûtes de Virgile 8
Et des roseaux siciliens ; 8
Vous qui flottiez jadis aux lèvres du génie, 12
Brises des mois divins, visitez-nous encor ; 12
Versez-nous en passant, avec vos urnes d'or, 12
80 Le repos et l'amour, la grâce et l'harmonie ! 12
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