Métrique en Ligne
LEC_3/LEC139
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES ANTIQUES
1852
Hélène
POÈME
I
Hélène — Démodoce — Chœur de femmes.
Démodoce
Ô muses, volupté des hommes et des dieux, 12
Vous qui charmez d'Hellas les bois mélodieux ; 12
Vierges aux lyres d'or, vierges ceintes d'acanthes, 12
Des sages vénérés nourrices éloquentes, 12
5 Muses, je vous implore ! Et toi, divin chanteur, 12
Qui des monts d'Éleuthère habites la hauteur ; 12
Dieu dont l'arc étincelle, ô roi de Lycorée 12
Qui verses aux humains la lumière dorée ; 12
Immortel dont la force environne Milet ; 12
10 Si mes chants te sont doux, si mon encens te plaît, 12
Célèbre par ma voix, dieu jeune et magnanime, 12
Hélène aux pieds de neige, Hélène au corps sublime. 12
Hélène
Cesse tes chants flatteurs, harmonieux ami. 12
D'un trouble inattendu tout mon cœur a frémi. 12
15 Réserve pour les dieux, calmes dans l'empyrée, 12
Ta louange éclatante et ta lyre inspirée. 12
La tristesse inquiète et sombre où je me vois 12
Ne s'est point dissipée aux accents de ta voix ; 12
Et du jour où voguant vers la divine Crète, 12
20 Atride m'a quittée, une terreur secrète, 12
Un noir pressentiment envoyé par les dieux 12
Habite en mon esprit tout plein de ses adieux. 12
Le Chœur De Femmes
Ô fille de Léda, bannis ces terreurs vaines ; 12
Songe qu'un sang divin fait palpiter tes veines. 12
25 Honneur de notre Hellas, Hélène aux pieds d'argent 12
Ne tente pas le sort oublieux et changeant. 12
Hélène
Par delà les flots bleus, vers des rives lointaines 12
Quel dessein malheureux a poussé tes antennes, 12
Noble Atride ! Que n'ai-je accompagné tes pas ? 12
30 Peut-être que mes yeux ne te reverront pas ! 12
Je te prie, ô Pallas, ô déesse sévère, 12
Qui dédaignes Éros et qu'Athènes révère, 12
Vierge auguste, guerrière au casque étincelant, 12
Du parjure odieux garde mon cœur tremblant. 12
35 Et toi, don d'Aphrodite, ô flamme inassouvie, 12
Apaise tes ardeurs qui dévorent ma vie ! 12
Le Chœur De Femmes
Daigne sourire encore et te plaire à nos jeux. 12
Reine, tu reverras ton époux courageux. 12
Déjà sur la mer vaste une propice haleine 12
40 Des rapides vaisseaux gonfle la voile pleine, 12
Et les rameurs, courbés sur les forts avirons, 12
D'une mâle sueur baignent à flots leurs fronts. 12
Hélène
Chante donc, et saisis ta lyre tutélaire ; 12
Préviens des immortels la naissante colère, 12
45 Doux et sage vieillard, dont les chants cadencés 12
Calment l'esprit troublé des hommes insensés. 12
Verse au fond de mon cœur, chantre de Méonie, 12
Ce partage des dieux, la paix et l'harmonie. 12
Filles de Sparte, et vous, compagnes de mes jours, 12
50 De vos bras caressants entourez-moi toujours. 12
Démodoce
Terre au sein verdoyant, mère antique des choses, 12
Toi qu'embrasse océan de ses flots amoureux, 12
Agite sur ton front tes épis et tes roses ! 12
Ô fils d'Hypérion, éclaire un jour heureux ! 12
55 Courbez, ô monts d'Hellas, vos prophétiques crêtes. 12
Lauriers aux larges fleurs, platanes, verts roseaux, 12
Cachez au monde entier, de vos ombres discrètes, 12
Le cygne éblouissant qui flotte sur les eaux. 12
L'onde, dans sa fraîcheur, le caresse et l'assiège, 12
60 Et sur son corps sacré roule en perles d'argent ; 12
Le vent souffle, embaumé, dans ses ailes de neige : 12
Calme et superbe, il vogue et rayonne en nageant. 12
Vierges, qui vous jouez sur les mousses prochaines, 12
Craignez les flèches d'or que l'archer Délien 12
65 Darde, victorieux, sous les rameaux des chênes ; 12
Des robes aux longs plis détachez le lien. 12
Le divin Eurotas, ô vierges innocentes, 12
Invite en soupirant votre douce beauté. 12
Il baise vos corps nus de ses eaux frémissantes, 12
70 Palpitant comme un cœur qui bat de volupté. 12
Terre au sein verdoyant, mère antique des choses, 12
Toi qu'embrasse océan de ses flots amoureux, 12
Agite sur ton front tes épis et tes roses ! 12
Ô fils d'Hypérion, éclaire un jour heureux ! 12
75 Sur tes bras, ô Léda, l'eau joue et se replie, 12
Et sous ton poids charmant se dérobe à dessein ; 12
Et le cygne attentif, qui chante et qui supplie, 12
Voit resplendir parfois l'albâtre de ton sein. 12
Tes compagnes, ô reine, ont revêtu sur l'herbe 12
80 Leur ceinture légère, et quitté les flots bleus. 12
Fuis le cygne nageur, roi du fleuve superbe, 12
N'attache point tes bras à son col onduleux ! 12
Tyndare, sceptre en main, songe, l'âme jalouse, 12
Sur le trône d'ivoire avec tristesse assis. 12
85 Il admire en son cœur l'image de l'épouse, 12
Et tourne vers le fleuve un regard indécis. 12
Mais le large Eurotas, la montagne et la plaine, 12
Ont frémi d'allégresse. Ô pudeur sainte, adieu ! 12
Et l'amante du cygne est la mère d'Hélène, 12
90 Hélène a vu le jour sous les baisers d'un dieu ! 12
Terre au sein verdoyant, mère antique des choses, 12
Toi qu'embrasse océan de ses flots amoureux, 12
Agite sur ton font tes épis et tes roses ! 12
Ô fils d'Hypérion, éclaire un monde heureux ! 12
Hélène
95 Vieillard, ta voix est douce, aucun son ne l'égale. 12
Telle chante au soleil la divine cigale, 12
Lorsque les moissonneurs, dans les blés mûrs assis, 12
Cessent pour l'écouter leurs agrestes récits. 12
Prends cette coupe d'or par Héphaistos forgée. 12
100 Jamais, de l'Ionie aux flots du grand Égée, 12
Un don plus précieux n'a ravi les humains. 12
Hélène avec respect le remet dans tes mains. 12
Ô divin Démodoce, ô compagnon d'Atrée, 12
Heureux le favori de la muse sacrée ! 12
105 De sa bouche féconde en flots harmonieux 12
Coule un chant pacifique, et les cœurs soucieux, 12
Apaisant de leurs maux l'amertume cruelle, 12
Goûtent d'un songe heureux la douceur immortelle. 12
II
Un Messager
Ô fille de Léda, sur un char diligent, 12
110 Dont la roue est d'ivoire aux cinq rayons d'argent, 12
Un jeune roi, portant sur son épaule nue 12
La pourpre qui jadis de Phrygie est venue, 12
Sur le seuil éclatant du palais arrêté, 12
Demande le repos de l'hospitalité. 12
115 Des agrafes d'argent retiennent ses knémides. 12
Sur le casque d'airain, aux deux cônes splendides, 12
Ondule, belliqueux, le crin étincelant, 12
Et l'épée aux clous d'or résonne sur son flanc. 12
Hélène
Servez l'orge aux coursiers. L'hôte qui nous implore 12
120 Nous vient des immortels et sa présence honore. 12
Dans ce palais qu'Atride à ma garde a commis, 12
Que le noble étranger trouve des cœurs amis. 12
Le Chœur De Femmes
Strophe
Heureux le sage assis sous le toit de ses pères, 12
L'homme paisible et fort ami de l'étranger ! 12
125 Il apaise la faim, il chasse le danger ; 12
Il fait la part des dieux dans ses destins prospères, 12
Sachant que le sort peut changer. 8
Cher au fils de Kronos, sa demeure est un temple ; 12
L'hospitalité rit sur son seuil vénéré ; 12
130 Et sa vie au long cours que la terre contemple 12
Coule comme un fleuve sacré. 8
Antistrophe
Zeus vengeur, vigilant, roi de l'Olympe large, 12
Comme un pâle vieillard marche dans les cités. 12
Il dit que les destins et les dieux irrités 12
135 L'ont ployé sous la honte et sous la lourde charge 12
Des aveugles calamités. 8
Des pleurs baignent sa face, il supplie, il adjure… 12
Le riche au cœur de fer le repousse en tout lieu 12
Ô lamentable jour, ineffaçable injure ! 12
140 Ce suppliant était un dieu ! 8
Épode
Couronné de printemps, chargé d'hivers arides, 12
Né d'un père héroïque ou d'un humble mortel, 12
Entre, qui que tu sois, au palais des Atrides ; 12
De Pallas bienveillante embrasse en paix l'autel. 12
145 Reçois en souriant la coupe hospitalière 12
Où le vin étincelle et réjouit tes yeux, 12
Et préside au festin joyeux, 8
Le front ceint de rose et de lierre, 8
Étranger qui nous viens des dieux ! 8
III
Hélène — Démodoce — Pâris
Chœur de femmes — Chœur d'hommes.
Hélène
150 Oui, sois le bien venu dans l'antique contrée 12
De Pélops, étranger à la tête dorée. 12
Si le sort rigoureux t'a soumis aux revers, 12
Viens, des cœurs bienveillants et droits te sont ouverts. 12
Mais, sans doute, en ton sein, l'espérance fleurie 12
155 Habite encor. Dis-nous ton père et ta patrie. 12
Est-il un roi, pasteur des peuples ? Que les dieux 12
Gardent ses derniers jours des soucis odieux ; 12
Qu'il goûte longuement le repos et la joie ! 12
Pâris
J'ai respiré le jour dans l'éclatante Troie. 12
160 C'est le saint Ilion, demeure des humains. 12
Les fils de Dardanos, fils de Zeus, de leurs mains 12
L'ont bâtie au milieu de la plaine féconde 12
Que deux fleuves divins arrosent de leur onde. 12
Mais Ilos engendra le grand Laomédon, 12
165 Et lui, Priam, mon père, et Pâris est mon nom. 12
Hélène
Sur le large océan à l'humide poussière, 12
N'as-tu point rencontré de trirème guerrière, 12
Qui se hâte et revienne aux rivages d'Hellas ? 12
Tes yeux n'ont-ils point vu le divin Ménélas ? 12
Pâris
170 Un songe éblouissant occupait ma pensée, 12
Reine, et tout autre image en était effacée. 12
Hélène
Pardonne. Vers la Crète assise au sein des eaux, 12
Affrontant Poseidon couronné de roseaux, 12
Mon époux, à la voix du sage Idoménée, 12
175 A soudain délaissé la couche d'hyménée 12
Et ce sombre palais où languissent mes jours ; 12
Et les jalouses mers le retiennent toujours. 12
Pâris
Des bords où le Xanthos roule à la mer profonde 12
Les tourbillons d'argent qui blanchissent son onde, 12
180 Soumis aux immortels, sur les flots mugissants, 12
Je suis venu vers toi, femme aux nobles accents. 12
Hélène
Étranger, qu'as-tu dit ? Vers l'épouse d'Atride 12
Les dieux auraient poussé ta trirème rapide ? 12
Pour cet humble dessein tu quitterais les bords 12
185 Où tu naquis au jour, où tes pères sont morts, 12
Où versant de longs pleurs, ta mère, d'ans chargée, 12
T'a vu fuir de ses yeux sur les ondes Égée ? 12
Pâris
La patrie et le toit natal, l'amour pieux 12
De mes parents courbés par l'âge soucieux, 12
190 Ces vénérables biens, ô blanche tyndaride, 12
N'apaisaient plus mon cœur plein d'une flamme aride. 12
Ô fille de Léda, pour toi j'ai tout quitté. 12
Écoute, je dirai l'auguste vérité. 12
Aux cimes de l'Ida, dans les forêts profondes 12
195 Où paissaient à loisir mes chèvres vagabondes, 12
À l'ombre des grands pins je reposais songeur. 12
L'aurore aux belles mains répandait sa rougeur 12
Sur la montagne humide et sur les mers lointaines ; 12
Les naïades riaient dans les claires fontaines, 12
200 Et la biche craintive et le cerf bondissant 12
Humaient l'air embaumé du matin renaissant. 12
Une vapeur soudaine, éblouissante et douce, 12
De l'Olympe sacré descendit sur la mousse… 12
Les grands troncs respectés de l'orage et des vents 12
205 Courbèrent de terreur leurs feuillages mouvants ; 12
La source s'arrêta sur les pentes voisines, 12
Et l'Ida frémissant ébranla ses racines ; 12
Et de sueurs baigné, plein de frissons pieux, 12
Pâle, je pressentis la présence des dieux. 12
210 De ce nuage d'or trois formes éclatantes, 12
Sous les plis transparents de leurs robes flottantes, 12
Apparurent, debout sur le mont écarté. 12
L'une, fière et superbe, avec sérénité, 12
Dressa son front divin tout rayonnant de gloire, 12
215 Et croisant ses bras blancs sur son grand sein d'ivoire : 12
Fils heureux de Priam, tu contemples Héré, 12
Dit-elle, et je frémis à ce nom vénéré. 12
Mais d'une voix plus douce et pleine de caresses : 12
Ô pasteur de l'Ida, juge entre trois déesses. 12
220 Si le prix de beauté m'est accordé par toi, 12
Des cités de l'Asie un jour tu seras roi. 12
L'autre, sévère et calme, et pourtant non moins belle, 12
Me promit le courage et la gloire immortelle, 12
Et la force qui dompte et conduit les humains. 12
225 Mais la dernière alors leva ses blanches mains, 12
Déroula sur son cou de neige, en tresses blondes, 12
De ses cheveux dorés les ruisselantes ondes ; 12
Dénoua sa ceinture, et sur ses pieds d'argent 12
Laissa tomber d'en haut le tissu négligent ; 12
230 Et muette toujours, du triomphe assurée, 12
Elle sourit d'orgueil dans sa beauté sacrée. 12
Un nuage à sa vue appesantit mes yeux, 12
Car la sainte beauté dompte l'homme et les dieux ! 12
Et le cœur palpitant, l'âme encore interdite, 12
235 Je dis : sois la plus belle, ô divine Aphrodite ! 12
La grande Héré, Pallas, plus promptes que l'éclair, 12
Comme un songe brillant disparurent dans l'air, 12
Et Cypris : — Ô pasteur, que tout mortel envie, 12
De plaisirs renaissants je charmerai ta vie. 12
240 Va ! Sur l'onde propice à ton heureux vaisseau, 12
Fuis ton père Priam, Ilion, ton berceau ; 12
Cherche Hellas et les bords où l'Eurotas rapide 12
Coule ses flots divins sous le sceptre d'Atride ; 12
Et la fille de Zeus, Hélène aux blonds cheveux, 12
245 J'en atteste le Styx, accomplira tes vœux. 12
Le Chœur De Femmes
Ce récit merveilleux a charmé mon oreille. 12
À cette douce voix nulle voix n'est pareille. 12
Des muses entouré, tel le roi de Délos, 12
Mêle un hymne sonore au murmure des flots. 12
250 Serait-ce point un dieu ? Le Délien lui-même, 12
Le front découronné de sa splendeur suprême, 12
Noble Hélène, qui vient, cachant sa majesté, 12
D'un hommage divin honorer ta beauté : 12
Le Chœur D'Hommes
Strophe
Descend des neiges de Kyllène, 8
255 Ô Pan, qui voles sur les eaux ! 8
Accours, et d'une forte haleine 8
Emplis les sonores roseaux. 8
Viens ! De Nyse et de Gnosse inspire-moi les danses 12
Et les rites mystérieux. 8
260 J'ai frémi de désir, j'ai bondi tout joyeux. 12
Il me plaît d'enchaîner les divines cadences 12
Ô Pan ! Roi qui conduis le chœur sacré des dieux ! 12
Antistrophe
Franchis les mers icariennes, 8
Jeune Hélios au char doré, 8
265 Et que les lyres déliennes 8
Chantent sur un mode sacré. 8
Compagnes d'Artémis qui, dans les bois sauvages, 12
Dansez sur les gazons naissants, 8
Ô nymphes, accourez de vos pieds bondissants ! 12
270 Dieux vagabonds des mers, formez sur les rivages 12
Un chœur plein d'allégresse au bruit de mes accents ! 12
Épode
Vierges ceintes de laurier rose, 8
Dites un chant mélodieux : 8
Semez l'hyacinthe et la rose 8
275 Aux pieds de la fille des dieux. 8
Filles de Sparte, que la joie 8
En molles danses se déploie 8
Autour d'Hélène et de Pâris ; 8
Effleurez le sol de vos rondes, 8
280 Et dénouez vos tresses blondes 8
Au souffle céleste des ris ! 8
Hélène
Je rends grâces aux dieux de qui je tiens la vie, 12
S'il faut qu'avec honneur je comble ton envie, 12
Jeune homme. — Parle donc. La fille de Léda, 12
285 Et la reine de Sparte, ô pasteur de l'Ida, 12
Peut, de riches trésors chargeant ton vaisseau vide, 12
Contenter les désirs de ta jeunesse avide. 12
Que réclame ton cœur ? Que demandent tes vœux ? 12
Mes étalons, ployant sur leurs jarrets nerveux, 12
290 Nourris dans les vallons et les plaines fleuries, 12
À cette heure couverts de chaudes draperies, 12
Hennissent en repos. Ils sont à toi, prends-les. 12
Prends cet autel sacré gardien de mon palais, 12
Et l'armure éclatante et le glaive homicide 12
295 Que Pallas a remis entre les mains d'Atride ; 12
Prends, et vers l'heureux bord ou s'ouvrirent tes yeux 12
Guide à travers les flots tes compagnons joyeux. 12
Pâris
Noble Hélène, mon père en sa demeure immense 12
Possède assez de gloire et de magnificence ; 12
300 Assez d'or et d'argent, vain désir des mortels, 12
Décorent de nos dieux les éclatants autels. 12
Garde, fille de Zeus, tes richesses brillantes, 12
Et ce fer qui d'Atride arme les mains vaillantes, 12
Et cet autel d'airain à Pallas consacré. 12
305 Ce que je veux de toi, reine, je le dirai. 12
Il faut abandonner Sparte, Atride et la Grèce, 12
Et, célébrant Éros par un chant d'allégresse, 12
Suivre, soumise aux dieux, à l'horizon des flots, 12
Pâris, fils de Priam, dans les remparts d'Ilos. 12
Hélène
310 Étranger ! Si déjà de la maison d'Atrée 12
Tes pas audacieux n'eussent franchi l'entrée ; 12
Si tu n'étais mon hôte enfin, et si les dieux 12
N'enchaînaient mon offense en un respect pieux ; 12
Imprudent étranger, tu quitterais sur l'heure 12
315 La belliqueuse sparte, Hélène et la demeure 12
D'Atride ! Mais toujours un hôte nous est cher. 12
Tu n'auras pas en vain bravé la vaste mer 12
Et les vents orageux de la nue éternelle. 12
Viens donc, le festin fume et la coupe étincelle ; 12
320 Viens goûter le repos ; mais, ô Pâris, demain, 12
Des rives du Xanthos tu prendras le chemin. 12
IV
Démodoce — Demi-chœur de femmes — Demi-chœur d'hommes
Le Chœur De Femmes
Dieux ! Donnez-vous raison aux terreurs de la reine ? 12
C'en est-il fait, ô dieux, de notre paix sereine ? 12
Je tremble, et de mes yeux déjà remplis de pleurs 12
325 Je vois luire le jour prochain de nos douleurs. 12
Dis-nous, sage vieillard aux mains harmonieuses, 12
Ô disciple chéri des muses glorieuses, 12
Ô Démodoce, ami des immortels, dis-nous 12
Si, loin de Sparte et loin des rivages si doux 12
330 Du natal Eurotas, nos yeux, en leur détresse, 12
Verront s'enfuir Hélène infidèle à la Grèce ? 12
Démodoce
Les équitables dieux, seuls juges des humains, 12
Dispensent les brillants ou sombres lendemains. 12
Ils ont scellé ma bouche, et m'ordonnent de taire 12
335 Leur dessein formidable en un silence austère. 12
Le Chœur D'Hommes
Ô vieillard, tu le sais, le destin a parlé. 12
J'en atteste l'Hadès et l'olympe étoilé ! 12
Bannis de ton esprit le doute qui l'assiège. 12
Non, ce n'est point en vain, vierges aux bras de neige, 12
340 Que l'immortelle née au sein des flots amers 12
A tourné notre proue à l'horizon des mers, 12
Et que durant dix jours nos rames courageuses 12
Ont soulevé l'azur des ondes orageuses. 12
Le Chœur De Femmes
Ô cruelle Aphrodite, et toi, cruel Éros ! 12
Le Chœur D'Hommes
345 Enfant, roi de l'Olympe ! Ô reine de Paphos ! 12
Démodoce
La jeunesse est crédule aux espérances vaines : 12
Elle éblouit nos yeux et brûle dans nos veines, 12
Et des songes brillants le cortège vainqueur 12
D'un aveugle désir fait palpiter le cœur. 12
Le Chœur D'Hommes
Strophe
350 Divine Hébé, blonde déesse, 8
La coupe d'or des dieux étincelle en tes mains. 12
Salut, ô charme des humains, 8
Immortelle et douce jeunesse ! 8
Une ardente lumière, un air pur et sacré 12
355 Versent la vie à flots au cœur où tu respires : 12
Plein de rayons et de sourires, 8
Il monte et s'élargit dans l'Olympe éthéré ! 12
Antistrophe
Les jeux, les ris vermeils, les grâces, 8
Éros à l'arc d'ivoire, Aphrodite au beau sein, 12
360 Et les désirs, comme un essaim, 8
Vont et s'empressent sur tes traces. 8
Le flot des mers pour toi murmure et chante mieux ; 12
Une lyre cachée enivre ton oreille. 12
L'aube est plus fraîche et plus vermeille, 8
365 Et l'étoile nocturne est plus belle à tes yeux. 12
Épode
Ô vierge heureuse et bien aimée, 8
Ceinte des roses du printemps, 8
Qui, dans ta robe parfumée, 8
Apparus au matin des temps ! 8
370 Ta voix est comme une harmonie ; 8
Les violettes d'Ionie 8
Fleurissent sous ton pied charmant. 8
Salut, ô jeunesse féconde, 8
Dont les bras contiennent le monde 8
375 Dans un divin embrassement ! 8
Démodoce
Bienheureuse l'austère et la rude jeunesse 12
Qui rend un culte chaste à l'antique vertu ! 12
Mieux qu'un guerrier de fer et d'airain revêtu, 12
Le jeune homme au cœur pur marche dans la sagesse. 12
380 Le myrte efféminé n'orne point ses cheveux, 12
Il n'a point effeuillé la rose ionienne ; 12
Mais sa bouche est sincère et sa face est sereine, 12
Et la lance d'Arès charge son bras nerveux. 12
En de mâles travaux ainsi coule sa vie. 12
385 Si parfois l'étranger l'accueille à son foyer, 12
Il n'outragera point l'autel hospitalier, 12
Et respecte le seuil où l'hôte le convie. 12
Puis les rapides ans inclinent sa fierté ; 12
Mais la vieillesse auguste ennoblit le visage ! 12
390 Et qui vécut ainsi, peut mourir, il fut sage, 12
Et demeure en exemple à la postérité. 12
Le Chœur De femmes
Vierge Pallas, toujours majestueuse et belle, 12
Préserve-moi d'Éros ! À ton culte fidèle, 12
Dans la maison d'Hélène et dans la chasteté, 12
395 Je fuirai du plaisir l'amère volupté. 12
Sous ton égide d'or, ô sereine déesse, 12
Garde d'un souffle impur la fleur de ma jeunesse. 12
Le Chœur D'Hommes
Déesse, qui naquis de l'écume des mers, 12
Dont le rire brillant tarit les pleurs amers, 12
400 Aphrodite ! À tes pieds la terre est prosternée. 12
Ô mère des désirs, d'Éros et d'Hyménée, 12
Ceins mes temples de myrte, et qu'un hymne sans fin 12
Réjouisse le cours de mon heureux destin ! 12
Démodoce
Le désir est menteur, la joie est infidèle. 12
405 Toi seule es immuable, ô sagesse éternelle ! 12
L'heure passe, et le myrte à nos fronts est fané ; 12
Mais l'austère bonheur que tu nous as donné, 12
Semblable au vaste mont qui plonge aux mers profondes 12
Demeure inébranlable aux secousses des ondes. 12
Le Chœur D'Hommes
410 Le souffle de Borée a refroidi vos cieux. 12
Oh ! Combien notre Troie est plus brillante aux yeux ! 12
Vierges, suivez Hélène aux rives de Phrygie, 12
Où le jeune Iacchos mène la sainte orgie ; 12
Où la grande Cybèle au front majestueux, 12
415 Assise sur le dos des lions tueurs de bœufs, 12
Du Pactole aux flots d'or vénérable habitante 12
Couvre plaines et monts de sa robe éclatante ! 12
Le Chœur De Femmes
Ô verts sommets du Taygète, ô beau ciel ! 10
Dieux de Pélops, dieux protecteurs d'Hélène ! 10
420 Vents qui soufflez une si douce haleine 10
Dans les vallons du pays paternel ; 10
Et vous, témoins d'un amour immortel, 10
Flots d'Eurotas, ornement de la plaine ! 10
Démodoce
Étrangers, c'est en vain qu'en mots harmonieux 12
425 Vous caressez l'oreille et l'esprit curieux. 12
C'est assez. Grâce aux dieux qui font la destinée, 12
Au sol de notre Hellas notre âme est enchaînée ; 12
Et la terre immortelle où dorment nos aïeux 12
Est trop douce à nos cœurs et trop belle à nos yeux. 12
430 Les vents emporteront ta poussière inféconde, 12
Ilion ! Mais Hellas illumine le monde ! 12
V
Hélène — Pâris — Démodoce
Chœur de femmes — Chœur d'hommes.
Hélène
Tes lèvres ont goûté le froment et le vin, 12
Fils de Priam. Ainsi l'a voulu le destin. 12
Des dieux hospitaliers j'ai gardé la loi sainte. 12
435 Mais de Sparte déjà dorant la vaste enceinte, 12
L'aurore a secoué ses roses dans l'azur, 12
Et l'astre à l'horizon incline un front obscur. 12
Dans le large Eurotas ta trirème lavée 12
Sur les flots, par les vents, s'agite soulevée. 12
440 Va ! Que Zeus te protège, et que les dieux marins 12
T'offrent un ciel propice et des astres sereins ! 12
Tu reverras l'Ida couronné de pins sombres, 12
Et les rapides cerfs qui paissent sous leurs ombres, 12
Et les fleuves d'argent, Simoïs et Xanthos, 12
445 Et tes parents âgés et les remparts d'Ilos. 12
Heureux qui, sans remords, et d'une âme attendrie 12
Revoit les cieux connus et la douce patrie ! 12
Pâris
Ô blanche Tyndaride, ô fille de Léda, 12
Noble Hélène ! Aphrodite, au sommet de l'Ida, 12
450 À mes yeux transportés éblouissante et nue, 12
Moins sublime, apparut du milieu de la nue ! 12
N'es-tu point Euphrosyne au corps harmonieux 12
Dont rêvent les humains et qu'admirent les dieux ? 12
Où la blonde Aglaé dont les molles paupières 12
455 Enveloppent les cœurs d'un tissu de lumières ? 12
L'or de tes cheveux brûle, et tes yeux fiers et doux 12
Font palpiter le sein et courber les genoux ! 12
Tes pieds divins sans doute ont foulé les nuées. 12
Les vierges de Phrygie aux robes dénouées, 12
460 Étoiles qui du jour craignent l'auguste aspect, 12
Vont pâlir devant toi d'envie et de respect. 12
Viens ! Aphrodite veut qu'aux bords sacrés de Troie 12
J'emporte avec orgueil mon éclatante proie ! 12
Elle-même, prodigue en son divin secours, 12
465 De mon vaisseau rapide a dirigé le cours. 12
Hélène
Ô vous, fils du grand Zeus, dioscures sublimes, 12
Qui de l'Olympe auguste illuminez les cimes ; 12
Vous qui, levant la pique et le ceste guerrier, 12
Jadis avez conquis le divin bélier ! 12
470 Ô gloire de l'Hellade, amis de mon enfance, 12
Mes frères, entendez votre sœur qu'on offense ! 12
Et toi, vierge Pallas, gardienne de l'hymen. 12
Qui portes l'olivier et la lance en ta main, 12
Vois combien ce regard me pénètre et m'enflamme ! 12
475 Mets ta force divine, ô Pallas, dans mon âme ; 12
Soutiens mon lâche cœur dans ce honteux danger. 12
Le Chœur De Femmes
Dieux ! Chassez de nos murs ce funeste étranger. 12
Pâris
Hélène aux pieds d'argent, des femmes la plus belle, 12
Mon cœur est dévoré d'une ardeur immortelle ! 12
Hélène
480 Je ne quitterai point Sparte aux nombreux guerriers, 12
Ni mon fleuve natal et ses roses lauriers, 12
Ni les vallons aimés de nos belles campagnes 12
Où danse et rit encor l'essaim de mes compagnes ; 12
Ni la couche d'Atride et son sacré palais. 12
485 Crains de les outrager, fils de Priam, fuis-les ! 12
Sur ton large navire, au delà des mers vastes, 12
Fuis ! Et ne trouble pas des jours calmes et chastes. 12
Heureux encor, si Zeus, de ton crime irrité, 12
Ne venge mon injure et l'hospitalité. 12
490 Fuis donc, il en est temps. Déjà sur l'onde Égée, 12
À l'appel de l'Hellade et d'Hélène outragée, 12
Le courageux Atride excite ses rameurs, 12
Regagne ta Phrygie, ou si tu tardes, meurs ! 12
Pâris
La rose d'Ionie ornera ma trirème, 12
495 Et tu seras à moi, noble femme que j'aime ! 12
Les dieux me l'ont promis ; nous trompent-ils jamais ? 12
Hélène
Les dieux m'en sont témoins, étranger, je te hais. 12
Ta voix m'est odieuse et ton aspect me blesse. 12
Ô justes dieux, grands dieux ! Secourez ma faiblesse. 12
500 Je t'implore, ô mon père, ô Zeus ! Ah ! Si toujours 12
J'ai vénéré ton nom de pieuses amours ; 12
Fidèle à mon époux et vertueuse mère, 12
Si du culte d'Éros j'ai fui l'ivresse amère ; 12
Souviens-toi de Léda, toi, son divin amant, 12
505 Mon père ! Et de mon sein apaise le tourment. 12
Permets qu'en son palais où Pallas le ramène, 12
Atride, entre les grecs, soit fier encor d'Hélène. 12
Ô Zeus, ô noble Atride, ô ma fille, ô vertu, 12
Sans relâche parlez à mon cœur abattu ; 12
510 Calmez ce feu secret qui sans cesse m'irrite. 12
Je hais ce phrygien, ce prêtre d'Aphrodite, 12
Cet hôte au cœur perfide, aux discours odieux… 12
Je le hais, mais qu'il parte, et pour jamais ! Grands dieux ! 12
Je l'aime ! C'est en vain que ma bouche le nie, 12
515 Je l'aime et me complais dans mon ignominie ! 12
Le Chœur De Femmes
Ô reine, tes douleurs me pénètrent d'effroi. 12
Le Chœur D'Hommes
Tu triomphes, Éros, et Pâris avec toi. 12
Le Chœur De Femmes
Éros, épargne Hélène, ou frappe-moi pour elle. 12
Le Chœur D'Hommes
Poursuis, divin Éros, dompte ce cœur rebelle. 12
Le Chœur De Femmes
520 Aphrodite et Pallas, ô combat abhorré ! 12
Se disputent Hélène et son cœur déchiré. 12
Hélène
Ne cesserez-vous point, ô dieux inexorables, 12
D'incliner vers le mal les mortels misérables ! 12
Le Chœur D'Hommes
Pleurs, combats insensés, inutiles efforts. 12
525 Tu résistes en vain, et les dieux sont plus forts. 12
Démodoce
Hymne
Toi, par qui la terre féconde 8
Gémit sous un tourment cruel, 8
Éros, dominateur du ciel, 8
Éros, Éros, dompteur du monde ! 8
530 Par delà les flots orageux, 8
Par delà les sommets neigeux, 8
Plus loin que les plaines fleuries 8
Où les grâces, des dieux chéries, 8
Mêlent leurs danses et leurs jeux, 8
535 Tu touches à tous les rivages ; 8
Tu poursuis dans les bois sauvages 8
Les chasseresses aux pieds prompts : 8
Tu troubles l'équité des sages 8
Et tu découronnes leurs fronts ! 8
540 L'épouse, dans son cœur austère, 8
Durant le silence des nuits, 8
Sent glisser ton souffle adultère, 8
Et sur sa couche solitaire 8
Rêve, en proie aux brûlants ennuis. 8
545 Tout mortel aux jours éphémères, 8
De tes flèches sans cesse atteint, 8
A versé des larmes amères. 8
Jamais ta jureur ne s'éteint ; 8
Jamais tu ne fermes tes ailes. 8
550 Tu frappes, au plus haut des cieux, 8
Les palpitantes immortelles 8
D'un trait certain et radieux ; 8
Et, réglant l'éther spacieux, 8
Présidant aux lois éternelles, 8
555 Tu sièges parmi les grands dieux, 8
Toi, par qui la terre féconde 8
Gémit sous un tourment cruel, 8
Éros, Éros, dompteur du monde, 8
Éros, dominateur du ciel ! 8
Pâris
560 Enfant divin, sois-moi favorable ! Attendrai-je 12
Que l'âge sur ma tête ait secoué sa neige 12
Et flétri pour jamais les roses et mon cœur ? 12
Ô volupté, nectar, enivrante liqueur, 12
Ô désir renaissant des dieux, coupe de flamme, 12
565 Tu verses à la fois tout l'Olympe dans l'âme ! 12
Hélène
Heureuse qui peut vivre et peut mourir aux lieux 12
Où l'aurore première a réjoui ses yeux, 12
Et qui, de fils nombreux chaste mère entourée, 12
Laisse au fond de leurs cœurs sa mémoire honorée ! 12
570 Mais quoi ! Ne suis-je plus Hélène ? — Phrygien ! 12
Atride est mon époux, ce palais est le sien… 12
Fuis ! Ne me réponds point. Je le veux, je l'ordonne. 12
Mais je ne puis parler, la force m'abandonne, 12
Mon cœur cesse de battre, et déjà sous mes yeux 12
575 Roule le fleuve noir par qui jurent les dieux. 12
Le Chœur De Femmes
Ô Zeus, secours au moins ta fille malheureuse ! 12
Ô Pallas-Athéné, déesse généreuse, 12
Viens, je t'implore ; rouvre à la douce clarté 12
Les yeux mourants d'Hélène. Ô jour, jour détesté, 12
580 Jour d'amères douleurs, de larmes, de ruine ! 12
Ô funeste étranger, vois la fille divine 12
De Zeus et de Léda ! Remplissez nos remparts 12
De lamentations, guerriers, enfants, vieillards… 12
Hélas ! Faut-il qu'Hélène aux pieds d'argent se meure ! 12
585 Les dieux, ô fils d'Atrée, ont frappé ta demeure. 12
Pâris
Noble Hélène, reviens à la vie et plains-moi. 12
J'ai causé ta colère et ton cruel effroi, 12
Et troublant de ces lieux la paix chaste et sereine, 12
Offensé ton cœur fier et mérité ta haine ; 12
590 Mais la seule Aphrodite a dirigé mes pas ; 12
Plains-moi, fille des dieux, et ne me punis pas ! 12
Plus grande est ta beauté, plus ta présence est douce, 12
Plus l'auguste respect me dompte et me repousse. 12
Pardonne, je retourne en mon lointain pays. 12
595 Pour toi, rebelle aux dieux, je pars et t'obéis ; 12
Heureux si ta pitié, par delà l'onde amère, 12
Suit durant un seul jour ma mémoire éphémère. 12
Fuyons ! Des pleurs amers s'échappent de mes yeux. 12
Noble Hélène, reçois mes suprêmes adieux ; 12
600 Salut, gloire d'Hellas, je t'aime et je t'honore. 12
Hélène
Divin fils de Priam, ton cœur est noble encore. 12
Sois heureux. Je rends grâce au généreux dessein 12
Que ta jeune sagesse a fait naître en ton sein 12
Il est digne des dieux d'où sort ta race antique 12
605 Et se vaincre soi-même est d'un cœur héroïque. 12
VI
Hélène — Démodoce — Chœur de femmes.
Le Chœur De Femmes
Strophe
Ô charme du vaste univers, 8
Ô terre de Pallas, ô glorieuse Grèce. 12
Exhale un hymne d'allégresse, 8
Émeus l'Olympe au bruit de tes sacrés concerts ! 12
610 Hellas, ô belle Hellas, terre auguste et chérie, 12
Mes yeux ont vu pâlir ta gloire, ô ma patrie ! 12
Mais Zeus a dissipé l'ombre vaine d'un jour ; 12
Et de Pallas les mains paisibles 8
Brisent les traits d'Éros, si longtemps invincibles : 12
615 La sagesse a vaincu l'amour ! 8
Antistrophe
Dieux propices aux matelots, 8
Sur les eaux de la mer soufflez, doux éolides ; 12
Poussez nos trirèmes rapides 8
À travers l'étendue et l'écume des flots. 12
620 Reviens, ô fils d'Atrée, au berceau de tes pères, 12
Et poursuis l'heureux cours de tes destins prospères. 12
La fille de Léda, reine aux cheveux dorés, 12
Honneur d'Hellas que Zeus protège, 8
Ô courageux époux, t'ouvre ses bras de neige 12
625 Pour des embrassements sacrés ! 8
Épode
Ciel natal, lumière si douce, 8
De ton plus bel éclat resplendis à mes yeux ! 12
Ô nymphes aux pieds nus, sur un mode joyeux 12
Du Taygète foulez la mousse ; 8
630 Ô Démodoce, chante un hymne harmonieux ! 12
Aux sons des lyres d'or, en longues théories, 12
Les tempes de roses fleuries, 8
Femmes de Sparte, allez vers les sacrés autels ; 12
Et que le sang pur des victimes 8
635 Et l'encens à longs flots et les chœurs magnanimes, 12
Dans l'Olympe aux voûtes sublimes 8
Réjouissent les immortels ! 8
Démodoce
Interrompez vos chants, ô vierges innocentes. 12
La sombre inquiétude et les peines cuisantes 12
640 Du front de notre Hélène assiègent la pâleur. 12
Ô vierges, respectez sa secrète douleur. 12
De votre âge fleuri les tristesses légères 12
Se dissipent bientôt en vapeurs passagères ; 12
Et de vos yeux brillants les doux pleurs sont pareils 12
645 Aux larmes de la nuit sur les rameaux vermeils : 12
Prompts à naître, à tarir plus faciles encore. 12
Votre peine en rosée au soleil s'évapore, 12
Ô vierges ! Mais le cœur où les dieux ont passé 12
Garde longtemps le trait profond qui l'a blessé ; 12
650 Il se plaît à poursuivre une incessante image, 12
Et des pleurs douloureux sillonnent le visage. 12
Hélène
Vieillard, le doux repos s'est éloigné de moi : 12
Mon lâche cœur est plein d'amertume et d'effroi. 12
Tu l'as dit, de ce cœur profonde est la blessure, 12
655 Et les dieux de ma honte ont comblé la mesure. 12
Je l'avoue, — Et mon front en rougit, tu le vois ! 12
Mon oreille a gardé le doux son de sa voix ; 12
De sa jeune fierté l'irrésistible grâce 12
À mes regards encore en songe se retrace… 12
660 Je l'aime ! — Éros ! Voilà de tes funestes jeux ! 12
Dis-moi que mon époux est sage et courageux, 12
Vieillard, et que sans doute, en mon âme abusée, 12
D'injustes dieux ont mis cette image insensée. 12
Dis-moi qu'Atride m'aime et qu'en ce dur moment 12
665 Il brave la tempête et le flot écumant ; 12
Qu'il m'a commis l'honneur de sa vie héroïque, 12
Que je l'aime ! … Ô douleur, ô race fatidique 12
D'Atrée ! Ô noir destin et déplorable jour. 12
Flammes qui consumez mon cœur, ô lâche amour ! 12
670 C'est en vain que sa vue à mes yeux est ravie, 12
Il emporte la gloire et la paix de ma vie ! 12
Démodoce
Noble Hélène, les dieux, d'où naissent nos travaux, 12
Aux forces de nos cœurs ont mesuré nos maux, 12
Et dans les parts qu'ils font des fortunes diverses 12
675 Ils livrent les meilleurs aux plus rudes traverses, 12
Certains que tout mortel armé de sa vertu 12
Sous le plus lourd destin n'est jamais abattu. 12
Rejetez loin de vous, murs belliqueux de Sparte, 12
L'hôte qui vous outrage. Ô dieux justes, qu'il parte, 12
680 Et que les jours futurs dévoilés à mes yeux 12
S'effacent comme l'ombre à la clarté des cieux ! 12
Hélène
Toi que les dieux ont fait confident de leur haine, 12
De quels funestes coups frapperont-ils Hélène ? 12
Démodoce
Laissons faire les dieux. Oublie un vain discours. 12
685 Que Zeus et que Pallas te gardent de beaux jours. 12
Puissent la paix divine et la forte sagesse 12
Descendre dans ton âme et bannir ta tristesse ! 12
La sereine douceur d'un amour vertueux 12
Verse le calme au fond des cœurs tumultueux ; 12
690 Tel, dans la route obscure où grondent les orages, 12
Un regard d'Hélios dissipe les nuages. 12
Hélène
Mon père, ta sagesse est grande. Que le ciel 12
Couronne tes vieux ans d'un honneur immortel. 12
J'écouterai toujours d'un esprit favorable 12
695 L'harmonieux conseil de ta voix vénérable. 12
Et vous, ô sœurs d'Hélène, ô beaux fronts ceints de fleurs ! 12
De vos jeunes accords endormez mes douleurs. 12
J'aime vos chants si doux où la candeur respire, 12
Et mon front s'illumine à votre heureux sourire. 12
Le Chœur De Femmes
700 Penché sur le timon et les rênes en mains, 12
Hélios presse aux cieux le splendide attelage ; 12
Il brûle dans son cours l'immobile feuillage 12
Des bois vierges de bruits humains. 8
Les tranquilles forêts de silence sont pleines ; 12
705 Et la source au flot clair du rocher tout en pleurs 12
Tombe, et mêle aux chansons des furtives haleines 12
Son murmure parmi les fleurs. 8
Ô divine Artémis, vierge aux flèches rapides, 12
Accours, l'heure est propice au bain mystérieux. 12
710 Sans craindre des mortels le regard curieux, 12
Plonge dans les ondes limpides. 8
Chasseresses des bois, ô nymphes, hâtez-vous. 12
Dénouez d'Artémis la rude et chaste robe. 12
Voyez ! Le bois épais et sombre la dérobe 12
715 Aux yeux même des dieux jaloux. 8
Et l'onde frémissante a reçu la déesse 12
Et retient son beau corps dans un baiser tremblant ; 12
Elle rit, et l'essaim joyeux, étincelant 12
Des nymphes, l'entoure et la presse. 8
720 Mais quel soupir émeut le feuillage prochain ? 12
Serait-ce quelque vierge égarée et peureuse, 12
Ou le faune moqueur, ou le jeune sylvain, 12
Qui pousse une plainte amoureuse ? 8
C'est toi, fils d'Aristée, aux molosses chasseurs, 12
725 Qui surprends Artémis dans sa blancheur de neige, 12
Nue et passant du front l'éblouissant cortège 12
Que lui font ses divines sœurs. 8
Fuis, chasseur imprudent ! Artémis irritée 12
T'aperçoit et se lève au milieu des flots clairs, 12
730 Et sa main sur ton front lance l'onde agitée ; 12
Ses grands yeux sont tout pleins d'éclairs. 8
La corne aux noirs rameaux sur ta tête se dresse ; 12
Tu cours dans les halliers comme un cerf bondissant… 12
Et ta meute en abois, dans une aveugle ivresse 12
735 Hume l'arôme de ton sang. 8
Malheureux ! Plus jamais dans les forêts aimées 12
Tu ne retourneras, ton arc entre les mains. 12
Ah ! Les dieux sont cruels ! Aux douleurs des humains 12
Toujours leurs âmes sont fermées. 8
Hélène
740 Oui, les dieux sont cruels ! — Ô jours, jours d'autrefois ! 12
De ma mère Léda doux baisers, douce voix ! 12
Bras caressants et chers où riait mon enfance, 12
Ô souvenirs sacrés que j'aime et que j'offense, 12
Salut ! — Un noir nuage entre mon cœur et vous 12
745 D'heure en heure descend comme un voile jaloux 12
Salut, seuil nuptial, maison du fils d'Atrée, 12
Ô chastes voluptés de sa couche sacrée ! 12
De la grande Pallas autel hospitalier, 12
Où j'ai brûlé la myrrhe et l'encens familier ! 12
750 Ô cité de Tyndare, ô rives de mon fleuve, 12
Où l'essaim éclatant des beaux cygnes s'abreuve 12
Et nage, et comme Zeus, quittant les claires eaux, 12
Poursuit la blanche nymphe à l'ombre des roseaux ! 12
Salut, ô mont Taygète, ô grottes, ô vallées, 12
755 Qui, des rires joyeux de nos vierges, troublées, 12
Sur les agrestes fleurs et les gazons naissants, 12
Avez formé mes pas aux rhythmes bondissants ! 12
Salut, chère contrée où j'ai vu la lumière ! 12
Trop fidèles témoins de ma vertu première, 12
760 Salut ! Je vous salue, ô patrie, ô beaux lieux ! 12
D'Hélène pour jamais recevez les adieux. 12
Une flamme invincible irrite dans mes veines 12
Un sang coupable… Assez, assez de luttes vaines, 12
D'intarissables pleurs, d'inutiles remords… 12
765 Accours ! Emporte-moi, phrygien, sur tes bords. 12
Achève enfin, Éros, ta victoire cruelle. 12
Et toi, fille de Zeus, ô gardienne infidèle. 12
Pallas, qui m'as trahie ; et vous, funestes dieux, 12
Qui me livrez en proie à mon sort odieux, 12
770 Qui me poussez aux bras de l'impur adultère… 12
Par le fleuve livide et l'Hadès solitaire, 12
Par Niobé, Tantale, Atrée, et le festin 12
Sanglant ! Par Perséphone et par le noir destin, 12
Par les fouets ardents de la pâle Érynnie, 12
775 Ô dieux cruels, dieux sourds ! Ô dieux, je vous renie ! 12
Viens, ô fils de Priam, je t'aime et je t'attends. 12
Démodoce
Ô dieux, pressez sa fuite ! — Hélène, il n'est plus temps. 12
Sur l'écume du fleuve il vogue, et j'en rends grâces 12
Aux dieux ! — Les flots mouvants ont effacé ses traces. 12
Hélène
780 Éros brûle en mon sein ! Ô vieillard, je me meurs. 12
Va, Démodoce, cours. De tes longues clameurs 12
Emplis les bords du fleuve. Arrête sa trirème. 12
Dis-lui que je l'attends et le supplie et l'aime ! 12
Démodoce
Par ton vaillant époux, par la gloire d'Hellas, 12
785 Puissent de Zeus vengeur les foudres en éclats 12
Frapper ma tête impie et livrer ma poussière 12
Aux vents d'orage, si j'écoute ta prière. 12
Le Chœur De Femmes
Malheureuse et cruelle Hélène, qu'as-tu dit ? 12
Hélène
Vierges, séchez vos pleurs, car mon sort est prédit. 12
790 Il faut courber le front sous une loi plus forte. 12
Ah ! Sans doute il est lourd le poids que mon cœur porte, 12
Ils sont amers les pleurs qui tombent de mes yeux ; 12
Mais les dieux l'ont voulu, je m'en remets aux dieux. 12
Ils ont troublé ma vie… Eh bien, quoi qu'il m'en coûte, 12
795 J'irai jusques au bout de ma funeste route ; 12
Gloire, honneur et vertu, je foulerai du pied 12
Ce que l'homme et le ciel révèrent, sans pitié, 12
Sans honte ! Et quand viendra le terme de mon âge : 12
Voilà, dirai-je aux dieux, votre exécrable ouvrage ! 12
VII
Hélène — Démodoce — Pâris — Chœur de femmes
Pâris
800 Viens ! Mes forts compagnons, à la fuite animés, 12
Poussent des cris joyeux, des avirons armés. 12
Hélène
Les dieux m'ont entendue !
Démodoce
Envoyé des lieux sombres
Où d'un sceptre de fer Aidès conduit les ombres, 12
Fils de Priam, — Et toi dont le cœur est changeant 12
805 Et perfide ! Écoutez. Sur son trépied d'argent, 12
Dans Larisse, le dieu qu'honore Lycorée, 12
Fit entendre autrefois sa parole sacrée. 12
Jeune encor, mais déjà plein de transports pieux, 12
J'accoutumais ma voix aux louanges des dieux, 12
810 Et le grand Apollon guidait mes pas timides 12
Sur les sommets chéris des chastes Piérides. 12
Livrant à mes regards les temps encor lointains 12
Le dieu me révéla vos sinistres destins, 12
Fils de Priam, et toi, d'Éros indigne esclave ! 12
Pâris
815 Résiste-t-on aux dieux ? Malheur à qui les brave. 12
Vieillard, les feux tombés du char d'or d'Hélios 12
N'amollissent jamais le front glacé d'Athos : 12
Des songes enflammés l'âge froid te protège, 12
Et nul dieu de ton cœur n'échauffera la neige. 12
Démodoce
820 Jeune homme, ils sont aimés des justes immortels, 12
Ceux qui vivent en paix sur les bords paternels, 12
Et des simples vertus suivant le cours austère, 12
Calment à ce flot pur la soif qui les altère. 12
Et toi, ma fille, et toi qu'entoura tant d'amour 12
825 Depuis l'heure si chère où tu naquis un jour ; 12
Ma fille, entends ma voix ! — Mes riantes années 12
Au souffle des hivers se sont toutes fanées ; 12
J'ai vécu longuement. Je sais le lendemain 12
Des ivresses d'une heure et du désir humain ! 12
830 Femme de Ménélas, je te prie et t'adjure : 12
Souviens-toi d'Athéné qui venge le parjure. 12
Le Chœur De Femmes
Ô fille de Léda, noble Hélène aux pieds blancs 12
Nous pressons tes genoux avec nos bras tremblants. 12
Hélène
C'est assez. J'obéis à tes flammes divines, 12
835 Éros. Emporte-moi sur les ondes marines, 12
Ô Pâris ! — Hélios luit dans l'Olympe en feu. 12
Adieu, vierges de Sparte ! Ô Démodoce, adieu ! 12
Le Chœur De Femmes
Arrête, Hélène ! Arrête, ô malheureuse Hélène ! 12
Prends en pitié ta gloire et notre amère peine… 12
840 Elle fuit ! Et déjà son long voile flottant 12
Disparaît au détour du portique éclatant. 12
Tombez, écroulez-vous, murs du palais antique. 12
Ô sol, ébranle-toi sur sa trace impudique ! 12
Démodoce
C'en est fait ! L'eau gémit sous l'effort des nageurs. 12
845 Fuis donc, couple fatal, et crains les dieux vengeurs. 12
Le Chœur De Femmes
Strophe
Divins frères d'Hélène, éclatants dioscures, 12
Qui brillez à nos yeux durant les nuits obscures, 12
À l'horizon des vastes mers ; 8
Refusez vos clartés si pures 8
850 Au vaisseau ravisseur qui fend les flots amers. 12
Beaux astres qui régnez au milieu des étoiles, 12
Laissez, de l'Olympe attristé, 8
D'une éternelle nuit tomber les sombres voiles : 12
Gloire, vertu, patrie, Hélène a tout quitté ! 12
Antistrophe
855 Comme la rose en proie aux souffles de Borée, 12
Qui ne voit pas finir l'aube qui l'a dorée, 12
Tombe et se fane en peu d'instants, 8
Ma jeunesse aux pleurs consacrée 8
Ne verra pas la fin de son heureux printemps ! 12
860 Ô mousses du Taygète, ô fleurs de nos vallées, 12
Propices à nos chœurs joyeux, 8
Qu'autrefois elle aimait, que ses pas ont foulées, 12
Flétrissez-vous : Hélène a renié ses dieux ! 12
Épode
Vers ton palais désert et sombre, ô noble Atride, 12
865 À travers les flots orageux, 8
Ne hâte point le cours de ton vaisseau rapide : 12
Tu ne reverras plus la blanche Tyndaride 12
Aux cheveux d'or, aux pieds neigeux ! 8
Pleure comme une femme, ô guerrier courageux ! 12
870 Du Cygne et de Léda celle qui nous est née, 12
Sur la pourpre étrangère, insensible à nos pleurs, 12
Oublie Hellas abandonnée… 8
Grands dieux ! De roses couronnée 8
Hélène rit de nos douleurs ! 8
Démodoce
875 Ô Phœbos-Apollon ! De ta bouche divine 12
Coule la vérité dont l'esprit s'illumine ! 12
Roi des muses, chanteur des monts et des forêts, 12
Roi de l'arc d'or, armé d'inévitables traits, 12
Ô dompteur de Python, souverain de Larisse ! 12
880 Que l'océan immense et profond se tarisse, 12
Que l'impalpable éther, d'où ton char radieux 12
Verse la flamme auguste aux hommes comme aux dieux, 12
S'écroule, et que l'Hadès impénétrable et sombre 12
Engloutisse le monde éternel dans son ombre, 12
885 Si, délaissant ton culte et rebelle à tes lois, 12
Je doutais, Apollon, des accents de ta voix ! 12
Fiers enfants de l'Hellade, ô races courageuses, 12
Emplissez et troublez de clameurs belliqueuses 12
La hauteur de l'Olympe et l'écho spacieux 12
890 Des plaines et des monts où dorment vos aïeux ! 12
De l'Épire sauvage aux flots profonds Égée, 12
Levez-vous pour venger la patrie outragée ! 12
Saisissez, ô guerriers, d'une robuste main, 12
Et le glaive homicide et la pique d'airain. 12
895 Pousse des cris, puissante Argos ! Divine Athènes, 12
Couvre la vaste mer d'innombrables antennes… 12
Et vous, ô roi d'Hellas, emportez sur les flots 12
La flamme avec la mort dans les remparts d'Ilos ! 12
Le Chœur De Femmes
Strophe
Quand du myrte d'Éros la vierge est couronnée, 12
900 Et, sous le lin éblouissant, 8
S'approche en souriant des autels d'hyménée. 12
Les charites en chœur conduisent en dansant 12
Son innocente destinée. 8
Son cœur bondit de joie ; et l'époux radieux 12
905 La contemple, l'admire et rend grâces aux dieux ! 12
Antistrophe
Sous le toit nuptial le trépied d'or s'allume ; 12
La rose jonche les parvis. 8
Les rires éclatants montent, le festin fume ; 12
Un doux charme retient les convives ravis 12
910 Aux lieux que l'épouse parfume. 8
Salut, toi qui nous fais des jours heureux et longs, 12
Divin frère d'Éros, Hymen aux cheveux blonds ! 12
Épode
Mais, ô chasteté sainte, ô robe vénérable, 12
Malheur à qui sur toi porte une impure main ! 12
915 Qu'il vive et meure misérable ! 8
Qu'Érynnis vengeresse, auguste, inexorable, 12
Le flagelle à jamais dans l'Hadès inhumain ! 12
Malheur à l'épouse adultère, 8
En proie aux lâches voluptés, 8
920 Source de sang, de honte et de calamités, 12
Opprobre et fardeau de la terre ! 8
Frappez-la, dieux vengeurs, noires divinités ! 12
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