Métrique en Ligne
LEC_1/LEC62
Charles-Marie LECONTE DE LISLE
POÈMES BARBARES
1862
In excelsis
Mieux que l'aigle chasseur, familier de la nue, 12
Homme ! monte par bonds dans l'air resplendissant. 12
La vieille terre, en bas, se tait et diminue. 12
Monte. Le clair abîme ouvre à ton vol puissant 12
5 Les houles de l'azur que le soleil flagelle. 12
Dans la brume, le globe, en bas, va s'enfonçant. 12
Monte. La flamme tremble et pâlit, le ciel gèle, 12
Un crépuscule morne étreint l'immensité. 12
Monte, monte et perds-toi dans la nuit éternelle : 12
10 Un gouffre calme, noir, informe, illimité, 12
L'évanouissement total de la matière 12
Avec l'inénarrable et pleine cécité. 12
Esprit ! monte à ton tour vers l'unique lumière. 12
Laisse mourir en bas tous les anciens flambeaux, 12
15 Monte où la Source en feu brûle et jaillit entière. 12
De rêve en rêve, va ! des meilleurs aux plus beaux. 12
Pour gravir les degrés de l'Échelle infinie, 12
Foule les dieux couchés dans leurs sacrés tombeaux. 12
L'intelligible cesse, et voici l'agonie, 12
20 Le mépris de soi-même, et l'ombre, et le remord, 12
Et le renoncement furieux du génie. 12
Lumière, où donc es-tu ? Peut-être dans la mort. 12
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