Métrique en Ligne
LAP_8/LAP94
Victor de LAPRADE
LES VOIX DU SILENCE
1864
II
PETITE FLEUR SUR MA FENÊTRE
Petite fleur, sur ma fenêtre, 8
Dans ce champ long d’un demi-pas, 8
Fleuris pour consoler ton maître 8
Du grand jardin que je n’ai pas. 8
5 Lorsque accoudé sur mon pupitre, 8
Tout à coup je vois, en rêvant, 8
Le soleil qui dore ma vitre 8
Et ta tige qui tremble au vent ; 8
Quand je t’arrose feuille à feuille, 8
10 Quand, pour t’admirer de plus près, 8
Soir et matin je me recueille 8
Penché sur ton berceau de grès ; 8
Adieu ville, adieu prison noire 8
Où rôdent les esprits méchants ; 8
15 Adieu le livre et l’écritoire ! 8
Mon cœur a pris la clef des champs. 8
Je passe, en rêve, au pied des haies, 8
Des nids joyeux j’entends la voix ; 8
Couché sous les hautes futaies, 8
20 J’aspire encor l’odeur des bois. 8
Je retrouve en pleine verdure 8
Les sommets d’où je t’apportai ; 8
Un petit coin de la nature 8
M’a rendu son immensité. 8
25 Dans cette branche de bruyère, 8
Dans un seul brin d’herbe jauni, 8
Je vois la beauté tout entière, 8
La grandeur de l’être infini. 8
Le monde à mes yeux se déploie : 8
30 Et, si mince qu’y soit ma part, 8
Une fleur suffît à la joie 8
De mon âme et de mon regard. 8
Je songe à des jardins célestes… 8
En vain mon champ me fut ôté, 8
35 Petite fleur, si tu me restes, 8
Dieu ne m’a pas déshérité. 8
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