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LAP_8/LAP100
Victor de LAPRADE
LES VOIX DU SILENCE
1864
VIII
LE NID DE LA MUSE
— « Où donc la Muse ? Où survit-elle 8
À tous les dieux qui ne sont plus ? 8
Où donc sa retraite immortelle 8
Ouverte à de rares élus ? 8
5 Faut-il l’attendre auprès des hommes, 8
Aux lieux que j’aime, où j’ai souffert ? 8
Loin, bien loin du monde où nous sommes, 8
Faut-il la chercher au désert ? » — 8
Partout, chez l’homme et dans les choses, 8
10 Sur la cime, au creux du ravin, 8
Dans les cyprès, autour des roses, 8
Partout, chante l’oiseau divin. 8
Sur la bruyère en chasseresse, 8
En glaneuse au bord des sillons, 8
15 Sous le bandeau de la prêtresse, 8
Sous la pourpre et sous les haillons ; 8
Dans la paix et dans la tourmente, 8
Aux jours de deuil, aux jours d’espoir, 8
Oui, la Muse est partout présente, 8
20 Et sourit à qui sait la voir. 8
Mais, après maintes nuits d’étude, 8
Peut-être, ô pâle amant de l’art, 8
Dans la foule ou la solitude, 8
Elle n’est, pour toi, nulle part. 8
25 Sous ses parures les plus belles, 8
Tu peux, dans son plus frais jardin, 8
Toi qui l’attends, toi qui l’appelles, 8
La coudoyer avec dédain ; 8
Si, dans ta jeunesse ignorée, 8
30 Tu ne la vis amante ou sœur ; 8
Si Dieu ne te l’a pas montrée 8
À ton foyer et dans ton cœur. 8
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