Métrique en Ligne
LAP_7/LAP75
Victor de LAPRADE
IDYLLES HÉROÏQUES
1858
FRANTZ
PROLOGUE
AVRIL
C’est moi qui décoche à ta vitre 8
Ce rayon d’or leste et joyeux 8
Dont le feu, sur ton noir pupitre, 8
Tombe et rejaillit dans tes yeux. 8
5 Ferme, en chassant ton rêve sombre, 8
Ce livre jaune où tu t’endors ; 8
Fuis gaîment la ville et son ombre 8
Pour me suivre aux prés, d’où je sors. 8
Je suis le printemps ! Dieu m’envoie, 8
10 Plein de musique et de couleurs, 8
Pour semer la vie et la joie 8
Dans les âmes et dans les fleurs. 8
FRANTZ
Je fuirai sans regrets ce toit sombre et mon livre, 12
Ô printemps ! mais je veux du moins, 8
15 Sous ton jeune soleil qui m’invite à le suivre, 12
Marcher sans guide et sans témoins. 8
Je hais tous les sentiers que le passant me nomme, 12
Tout lieu d’où je suis revenu ; 8
Je veux, dans le désert, loin des traces de l’homme, 12
20 Je veux voir de près l’inconnu. 8
LE BÂTON DE L’AÏEUL
Toi qui cherches ton passage, 7
Fier de le trouver tout seul, 7
Si ton cœur est resté sage, 7
Prends le bâton de l’aïeul. 7
25 Quelque jour, entre deux routes, 7
Hésitant, chargé d’ennui, 7
Si tu t’assieds, si tu doutes…, 7
Laisse-toi guider par lui. 7
Tu peux sur sa rude écorce 7
30 T’appuyer en sûreté ; 7
Il a donné de sa force 7
À tous ceux qui l’ont porté. 7
Il n’a pas conduit ses maîtres 7
Vers les orgueilleux sommets ; 7
35 Mais, par lui, de tes ancêtres 7
Le pied n’a tremblé jamais. 7
Ceux-là n’avaient pas l’envie 7
De fuir tout le genre humain, 7
Et, pour traverser la vie, 7
40 Ils prenaient le droit chemin. 7
Par la montagne et la plaine, 7
Partout où le blé mûrit, 7
Ils creusaient, sans perdre haleine, 7
Le sillon qui te nourrit. 7
45 Posant leur sceptre de frêne 7
Sur le seuil de la maison, 7
Ils rentraient, l’âme sereine, 7
Sans rêver d’autre horizon. 7
Fais comme eux : viens, abandonne 7
50 L’oisif orgueil ; il te perd… 7
La nature qui t’est bonne, 7
C’est le champ, non le désert ! 7
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