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LAP_6/LAP71
Victor de LAPRADE
LES SYMPHONIES
1855
LIVRE TROISIÈME
IX
LE VOL DE L’ÂME
À MON AMI SAINT-RENÉ TAILLANDIER
I
L’ÂME
Dans cet air sombre et lourd qui pèse sur nos villes ; 12
J’ai peine à soulever le fardeau de mon corps ; 12
Courbé sous les douleurs et les travaux serviles, 12
Quand j’aspire à monter, je tombe et je m’endors. 12
5 J’entrevois du chemin, en marchant sur la boue, 12
Le grand mont qui se dore au soleil printanier ; 12
Une chaîne éternelle, et qu’en vain je secoue, 12
Loin des sommets en fleur me retient prisonnier. 12
Pour fuir ce sol impur et l’odeur de nos tombes, 12
10 Pour m’approcher du ciel et goûter les beaux jours, 12
Ah ! que n’ai-je un instant les ailes des colombes 12
Qui volent sur nos toits en chantant leurs amours ! 12
II
LES AIGLES
Nous montons si haut dans l’espace, 8
Nous planons dans un ciel si pur, 8
15 Que la terre à nos pieds s’efface 8
Comme un rocher noir dans l’azur. 8
Dans la sphère où le jour s’allume, 8
Nous allons baigner notre plume ; 8
La lumière est notre élément ; 8
20 En vain l’aurore en feu ruisselle, 8
Nous n’avons jamais devant elle 8
Baissé nos yeux de diamant. 8
Eh bien, nous te cédons l’empire ! 8
Nous n’avons pu suivre ton cœur, 8
25 Ni respirer l’air qu’il respire 8
Dans son vol sublime et vainqueur. 8
Hier, nous, les porteurs de la foudre, 8
T’avons vu là-bas dans la poudre, 8
Sous les barreaux d’une prison, 8
30 Homme ! Et voilà que ta pensée, 8
Malgré les fers s’est élancée 8
Et nous dépasse à l’horizon. 8
Va donc, plus libre et plus rapide 8
Que l’oiseau roi sur les sommets, 8
35 Jusqu’au monde où l’esprit te guide 8
Nos ailes n’atteindront’jamais ; 8
Nos yeux, que nul soleil ne lasse, 8
Ne sauraient regarder en face 8
Cet astre inconnu qui te luit. 8
40 Nous avons lutté contre l’âme ! 8
Elle monte encor dans la flamme ; 8
L’aigle est repoussé dans la nuit. 8
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