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Victor de LAPRADE
LES SYMPHONIES
1855
LIVRE TROISIÈME
IV
L’ÂME DU POÈTE
I
Beau lac, j’ai vu de ce bois sombre, 8
Tes flots s’embraser au soleil ; 8
Ils brillaient de couleurs sans nombre, 8
De bleu, d’orangé, de vermeil. 8
5 Mais cet azur, ces roses vives, 8
Cet or qui serpente là-bas, 8
Ces rayons qui baignent tes rives, 8
Ô lac, ne t’appartiennent pas ! 8
Ce n’est pas de tes flots qu’émane 8
10 Ta clarté si douce à mes yeux ; 8
L’azur de ton sein diaphane, 8
Beau lac, n’est qu’un reflet des cieux. 8
Sur ton lit de roc et de sable, 8
Tu n’as reçu, pour don natal, 8
15 Que ta transparence immuable 8
Et tes profondeurs de cristal. 8
Les couleurs dont ton eau rayonne, 8
Le soleil en toi répété, 8
Cet éclat qu’un beau jour te donne, 8
20 Tu les dois à ta pureté, 8
À tes ondes immaculées 8
Comme les neiges des sommets : 8
Dans la source et l’âme troublées 8
Les cieux ne se peignent jamais. 8
II
25 Toi donc, si tu veux, ô poëte, 8
Vivant miroir de l’univers, 8
Qu’animant ton œuvre imparfaite, 8
Le vrai soleil brille en tes vers ; 8
Si tu veux qu’à travers ses voiles, 8
30 Un meilleur monde, en souriant, 8
Reflète en ton sein les étoiles 8
Et les roses de l’Orient ; 8
Que l’homme à ta voix se console, 8
Et, comme au bord de ce lac bleu, 8
35 Qu’il se penche sur ta parole 8
Pour voir passer l’esprit de Dieu ; 8
Qu’enfin l’adorable nature 8
Respire et vive en tes tableaux… 8
— Garde ton âme toujours pure 8
40 Et profonde comme ces eaux. 8
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