LIVRE TROISIÈME |
ARGUMENT
L’OLYMPE OU LE CIEL.
UNION DE L’ÂME HUMAINE AVEC DIEU DANS UNE AUTRE VIE.
L’absence de Psyché attriste l’Amour son époux et fait un
vide dans le ciel. — Éros vient supplier le père des dieux de
mettre un terme aux épreuves et à l’exil de l’âme à laquelle
il doit s’unir éternellement. — Le dieu médiateur, au
moment de la désobéissance de Psyché, avait laissé tomber
la première larme versée par un immortel. — Il pleure de
nouveau, quoique dieu ; il a expié lui-même la faute de
celle qu’il aime en acceptant sa part des douleurs de l’exil.
— Les Grâces, ces augustes messagères des suppliants,
filles de la Piété, personnification du plus doux attribut de
la nature divine, la clémence, les Grâces prient à leur tour
pour Psyché. — Elles révèlent le sens de la faute primitive ;
elles expliquent cette déchéance si amèrement expiée. —
Par la première faute, l’homme, se détachant de l’être infini
et prenant conscience de lui-même, a passé de l’immobilité
dans le mouvement ascensionnel de la vie. — La douleur
était nécessaire à la formation de la personnalité de l’âme
humaine, à cette évolution sublime qui défait ramener
l’humanité dans le sein de Dieu, comme un être distinct,
comme une nouvelle personne admise à participer à la
félicité infinie. — Les dieux, à leur tour, racontent comment
ils ont désiré cet hymen du ciel et de la terre figuré par
leurs amours avec les filles des hommes. — Lorsque le Père
tout-puissant sortit de son repos éternel, il y fut conduit par
un motif d’amour, car l’amour est le motif essentiel de
l’infini. — L’union de Psyché et d’Éros, de l’homme avec
Dieu, est nécessaire, en quelque sorte, pour compléter l’être
et parfaire l’infini. — Jupiter consent au retour de l’âme
dans le ciel, à la réunion des époux mystiques. — Mais
l’âme ne saurait remonter dans le ciel par ses propres
forces et sans un médiateur divin : Éros descend sur la terre
et rapporte dans ses bras Psyché évanouie. — Les noces se
célèbrent dans l’Olympe. — Les Muses font entendre le
chant nuptial. — Au lieu de la première lampe, pâle et
furtive, un astre immortel inonde de lumière la couche de
l’hymen condamné jadis à l’obscurité. — Hymne de
Psyché : Bénie la première faute ! felix culpa ! bénie la
curiosité aujourd’hui satisfaite par la vérité infinie ; béni le
désir assouvi dans l’amour éternel. — La mort est bénie,
car elle a donné naissance à la résurrection ; la vie de la
résurrection est plus belle que la vie d’avant la mort. — De
l’hymen d’Éros et de Psyché, la Volupté naquit dans
l’Olympe. — Le bonheur infini est engendré par l’union de
l’âme et de l’idéal, par le retour de l’humanité au sein de
Dieu. — Les divinités exilées rentrent dans l’Olympe.
L’hymne universel célèbre la vie bienheureuse et
l’anéantissement du mal.
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Un sommet inconnu même aux regards de l’aigle, |
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Une belle cité dont l’amour est la règle, |
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Où le parfait accord résonne à tous moments. |
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Où la paix en un seul fond tous les éléments, |
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5 |
En son immensité riante et constellée, |
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Voit des dieux immortels la sereine assemblée. |
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Au bord des puits sacrés, sources des grandes eaux, |
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Là, des arbres vivants étendent leurs rameaux ; |
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De leurs fruits lumineux et des parfums qu’ils versent, |
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10 |
Jusqu’au fond des vallons les germes se dispersent. |
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Là, les astres errant avant de flamboyer |
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Allument leurs rayons à l’éternel foyer ; |
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L’être à flots abondants qui jaillit de ce centre |
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Sans cesse à flots égaux comme à son terme y rentre. |
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15 |
Là, tournent gravement, d’un pas mélodieux, |
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Les heures mesurant les voluptés aux dieux ; |
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Et les pieds des Saisons dessinent avec elles |
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Les contours variés des danses éternelles. |
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Chaque Muse à son tour de ces groupes charmants |
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20 |
Soumet aux rhythmes saints les joyeux mouvements, |
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Sur trois modes divers régis par les trois Grâces. |
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Un chœur de dieux bondit et chante sur leurs traces ; |
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D’autres lancent au loin ou le disque ou les traits ; |
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D’autres, dans les détours des ombrages secrets, |
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25 |
De leur amour fécond enivrent les déesses ; |
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Et tout, les jeux, les chants, les danses, les caresses, |
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Observant des accords les souriantes lois, |
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De mille bruits réglés ne forme qu’une voix. |
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Parfois jusqu’aux humains la musique suprême |
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30 |
Arrive en se voilant à travers quelque emblème, |
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Pour rendre aux cœurs dans l’ombre ici-bas engloutis |
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L’espoir des lieux sacrés dont nous sommes sortis. |
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Après les jeux finis, et la lutte et la course, |
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Et les bains odorants pris à leur tiède source, |
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35 |
La splendeur du banquet rappelle au loin les dieux |
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Dans les palais d’airain aux frontons radieux, |
12 |
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Où, gravant le récit des saintes origines, |
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Vulcain sculpta dans l’or les histoires divines, |
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Et les lois de l’augure et l’antique Destin |
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40 |
Oui règne sur l’Olympe invisible et certain. |
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À sa place choisie et qui jamais ne change |
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Aux pieds du souverain, là chaque dieu se range |
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Dans un cercle, et s’étend sur l’ivoire des lits |
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Que la pourpre ondoyante inonde de ses plis. |
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45 |
Des dieux la soif est grande ; il faut, pour y suffire, |
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Qu’un breuvage immortel des cuves de porphyre |
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Jaillisse par torrents dans le vase d’Hébé. |
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Chacun dans le nectar de cette urne tombé |
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Boit aux coupes d’onyx l’éternelle jeunesse. |
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50 |
Quand la soif est calmée, avant qu’elle renaisse, |
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Recommence le chant ; car le chant créateur |
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Est le devoir des dieux, comme il est leur bonheur. |
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De son siège plus haut, du ciel centre immobile |
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D’où rayonne à longs traits une clarté subtile, |
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55 |
Le roi voyait s’unir, sous ses yeux adorés, |
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Les couples bienheureux par lui-même engendrés. |
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Sur tous ces fronts divers, pleins d’une même grâce, |
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Père, il a reconnu les beautés de sa face. |
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Un sourire charmant, dont l’Olympe a relui, |
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60 |
Du dieu passe à ses fils, et de ses fils à lui. |
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La terre en a sa part ; la moisson printanière |
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Sent d’un soleil plus chaud abonder la lumière, |
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Lui cependant, selon qu’ordonne le Destin, |
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Se complaît avec eux au glorieux festin ; |
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65 |
Et son jeune échanson lui verse à fantaisie |
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Le nectar qui fait vivre et la douce ambroisie. |
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Mais une place est vide au cercle tout-puissant : |
12 |
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Les yeux des immortels semblent chercher l’absent, |
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Et le festin languit, et la joie est moins vive ; |
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70 |
Le roi même, inquiet, demande ce convive ; |
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Car dès que son sourire à l’Olympe est ôté, |
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Le front de tous les dieux perd sa sérénité. |
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En de communs transports, c’est lui qui les rallie ; |
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Par lui l’urne d’Hébé d’ivresse est mieux remplie ; |
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75 |
Il est l’âme du chant ; sans lui meurent les jeux ; |
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La douceur des parfums pleut de ses blonds cheveux. |
12 |
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Ouvrant des voluptés les sources recelées, |
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Il fait épanouir les déesses voilées. |
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Par lui peuplant la terre, et la mer et le ciel, |
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80 |
La vie émane à flots du père universel ; |
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C’est lui par qui l’on aime et par qui l’on féconde, |
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Éros, le jeune dieu, charme éternel du monde. |
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Au banquet des heureux pourquoi manquer ainsi ? |
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Quel rêve aux bords lointains t’emporte, ou quel souci |
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85 |
T’égare chaque jour, muet et solitaire, |
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Des sommets de l’Olympe aux vallons de la terre ? |
12 |
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Sous nos joyeux lambris, où tu pleures souvent, |
12 |
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On te voit revenir le front pâle et rêvant. |
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Bien des yeux de déesse en vain t’offrent leur flamme. |
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90 |
De terrestres amours ont-ils blessé ton âme ? |
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De tes ennuis, Éros, tu peux nous faire aveu ; |
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Quelle mortelle ainsi peut attrister un dieu ? |
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Mais c’est la destinée, et, tout dieux que nous sommes, |
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Notre cœur en subit la loi comme les hommes, |
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95 |
Ces mots erraient mêlés au bruit des urnes d’or ; |
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Et le nom de l’Amour retentissait encor, |
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Quand celui dont les dieux invoquaient la présence |
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Apparut. Sa douleur commandait le silence. |
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Il entre, et nul regard n’est cherché par le sien, |
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100 |
Traverse avec lenteur le cercle olympien, |
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Et marche au roi des dieux, dont l’auguste visage |
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D’un sourire à son fils a jeté le présage. |
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Le blond adolescent, sur son arc appuyé, |
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Pâle, et baissant son front de pleurs mal essuyé, |
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105 |
Lève enfin ses yeux bleus auxquels rien ne résiste, |
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Et mêlant de soupirs une voix douce et triste : |
12 |
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« Ô père ! n’est-ce pas l’heure d’être clément ? |
12 |
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D’un regard si rapide, hélas ! et si charmant, |
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Psyché, par tant de pleurs et par tant de constance, |
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110 |
N’a-t-elle pas assez expié l’imprudence, |
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Et payé d’un grand prix, selon vos saints décrets, |
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L’orgueil prématuré d’un dieu vu de trop près ? |
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Des larmes de ce dieu la richesse immortelle |
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N’a-t-elle pas baigné le ciel même pour elle ? |
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115 |
« Ah ! c’est le temps de rendre à ce cœur éprouvé |
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Son époux et l’Olympe, à l’amour réservé. |
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Fidèle à cet hymen qu’elle connut à peine, |
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À travers les douleurs de sa carrière humaine, |
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Son souvenir jamais n’abjura l’idéal. |
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120 |
Pleurant l’amant perdu plus que son propre mal, |
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Sous ses haillons d’esclave ou sa pourpre splendide, |
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Son cœur en a toujours gardé la place vide ; |
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Et les trésors qui font tout homme ambitieux, |
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Sans effleurer son âme, ont passé sous ses yeux. |
12 |
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125 |
« Dans l’Olympe avec moi permets donc qu’elle habite, |
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Et que le lit d’hymen, d’où l’épouse est proscrite, |
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De son lin parfumé lui rouvrant les douceurs, |
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Pour nous en ces jardins se dresse entre les fleurs. |
12 |
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Qu’elle goûte au nectar que les déesses boivent ; |
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130 |
Que la danse et le chant et les jeux la reçoivent ; |
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Sa voix et sa beauté la font digne du ciel : |
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Elle n’y rompra pas l’accord universel. |
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« Si donc je suis ta vie et ta joie, ô mon père ! |
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Et du grand chœur des dieux le charme nécessaire ; |
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135 |
Si leur puissance augmente alors que je souris, |
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Et si l’Amour absent, le ciel même est sans prix, |
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Ô père ! et vous, ô dieux ! pour que l’Amour vous reste, |
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|
Recevez à jamais dans l’empire céleste |
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Cette âme qui m’implore, et qui m’a pour tout bien |
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140 |
Car un nœud immortel lia mon être au sien. » |
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Il dit, et, quoique dieu, supplie avec des larmes. |
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Trois sœurs aux fronts divers, mais égales en charmes, |
12 |
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Parurent après lui. Des tissus clairs et blancs |
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Voilent de plis légers leur sein chaste et leurs flancs, |
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145 |
Et chaque mouvement de leurs pas mélodiques |
12 |
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Décèle une beauté dans leurs formes pudiques. |
12 |
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D’une voix qui se glisse et vibre au fond des cœurs, |
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|
Voici ce que disaient les Grâces, ces trois sœurs : |
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« Ô dieu, père des dieux, qui seul n’as pas d’ancêtres, |
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150 |
Rouvre à l’âme ce sein, source et terme des êtres ; |
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Rappelle à nous Psyché ; nous qui vivons en toi, |
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|
À tes embrassements nous l’offrirons, ô roi ! |
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|
« Tu la laisseras boire, au bout de ses épreuves, |
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Dans les flots du nectar où toi-même t’abreuves : |
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155 |
Car ton cœur est ouvert à notre œil filial : |
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|
Nous savons le vrai sens de la vie et du mal. |
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L’homme encourut-il donc ta haine et ta vengeance, |
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Lorsqu’au prix des douleurs il conquit la science ; |
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L’ardeur de voir son dieu, ce désir infini, |
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160 |
D’un supplice éternel doit-il être puni ? |
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« Pourquoi donc mettre en eux cette soif de connaître, |
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|
Et ce besoin d’amour, si tu devais, ô maître ! |
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Frappant l’humble mortel, qui ne peut s’y ravir, |
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Sans cesse l’exciter, et jamais l’assouvir ? |
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165 |
L’âme, en suivant sa loi par toi-même donnée, |
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|
Appela la lumière au sein de l’hyménée. |
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Et qui donc façonna ses yeux pour la clarté, |
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Du baiser à sa lèvre apprit la volupté ? |
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Qui donc fit le désir si profond, si sublime, |
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170 |
Que le seul infini peut en combler l’abîme ? |
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« Peut-être elle a touché l’arbre avant la saison |
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Où le fruit du savoir est mûr pour la raison ; |
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|
Son cœur vola trop tôt vers la suprême joie ; |
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Il ne s’est pas du moins égaré dans sa voie. |
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175 |
L’épouse fut fidèle, et ses regards si doux |
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|
N’étaient pas adressés à d’autres qu’à l’époux ; |
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Et sa lampe indiscrète, écartant le mystère, |
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N’a pas brillé du moins sur un lit adultère. |
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« À son nocturne hymen si bornant ses désirs, |
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180 |
Avec son ignorance acceptant ses plaisirs, |
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Elle eût de l’âge d’or gardé la paix oisive, |
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Son âme aurait manqué le but où tout arrive, |
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|
Mais elle a, franchissant chaque jour un degré, |
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|
Suivi de tes desseins le mouvement sacré, |
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185 |
Et fait sa part aussi dans l’œuvre créatrice. |
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|
Or le temps est venu que son labeur finisse. |
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|
« Donne-lui le bonheur ; elle peut le porter. |
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|
Si la seule douleur enseigne à le goûter, |
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|
S’il faut conquérir l’être en un combat suprême, |
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190 |
S’il faut avoir lutté pour devenir soi-même, |
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|
Elle peut s’arracher à l’épreuve du mal, |
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|
Et rentrer sans s’y perdre au sein de l’idéal. |
12 |
|
« Comme on doit limiter par les contours du moule |
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|
La lave du métal qui bouillonne et qui coule, |
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195 |
Pour imposer à l’or dans l’argile arrêté |
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|
La figure d’un dieu, la vie et la beauté ; |
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|
S’il faut que la souffrance enveloppe ainsi l’âme, |
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|
Qu’une chair misérable enveloppe sa flamme, |
12 |
|
Afin de condenser sa vie et son pouvoir, |
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200 |
Pour qu’elle n’aille pas, sans force et sans vouloir, |
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|
Dans la vaste nature et ses métamorphoses, |
12 |
|
Comme un fluide éther se perdre au sein des choses ; |
12 |
|
Si la douleur enfin est le moule sacré |
12 |
|
Pour cette humaine essence avec art préparé, |
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205 |
Arrache ta statue à sa prison d’argile : |
12 |
|
Le métal dans sa forme est enfin immobile, |
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|
Ô maître ! et près de toi, de ton bras paternel, |
12 |
|
Pose ta fille d’or sur un socle éternel ! |
12 |
|
|
« Reçois, reçois cette âme ; elle te revient toute : |
12 |
210 |
La douleur n’en a pas laissé perdre une goutte. |
12 |
|
|
« Sur un globe imparfait, si c’est pour le finir, |
12 |
|
Maître, que tu mis l’âme, elle en doit revenir ; |
12 |
|
L’ouvrage est achevé ; l’ouvrière est assise, |
12 |
|
Régnant sur la nature à son pouvoir conquise. |
12 |
215 |
Vois sa main égalant les merveilles des dieux ; |
12 |
|
Vois les lions domptés, vois les flots furieux, |
12 |
|
Les monts portant son joug sur leurs têtes tranquilles, |
12 |
|
Et la lyre élevant les murailles des villes. |
12 |
|
Vois le doux olivier, parmi les blés épais, |
12 |
220 |
Fleurir sur son passage avec l’antique paix ; |
12 |
|
Vois serf et maître unis dans la ronde sacrée, |
12 |
|
Ainsi qu’aux jours heureux de Saturne et de Rhée. |
12 |
|
Vois aux sources du vrai l’homme enfin s’abreuvant, |
12 |
|
Et l’accord fraternel de tout être vivant. |
12 |
225 |
C’est Psyché qui marqua l’univers de ton signe. |
12 |
|
De l’époux idéal par son cœur elle est digne ; |
12 |
|
Sous ses doigts patients pétri jusqu’à ce jour, |
12 |
|
Maître, le monde a pris la forme de l’amour. |
12 |
|
Pour mériter l’hymen qu’interrompit sa faute, |
12 |
230 |
Imaginerais-tu quelque offrande plus haute ! |
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|
|
« Ô père ! reçois donc Psyché, la veuve en pleurs. |
12 |
|
Laisse-nous l’amener, nous, les Grâces ses sœurs ; |
12 |
|
Nous, tes plus purs rayons ; nous, filles du sourire, |
12 |
|
Du regard complaisant que cette âme a vu luire, |
12 |
235 |
Quand du jeune univers tu lui faisais le don, |
12 |
|
Quand tu jugeais ton œuvre en disant : Tout est bon ! |
12 |
|
Nous trois qui, par la main nous tenant sur tes traces, |
12 |
|
Secouons des parfums en tous lieux où tu passes : |
12 |
|
Qui doucement vers toi guidons les suppliants ; |
12 |
240 |
Qui, des belles vertus, te présentons l’encens ; |
12 |
|
Nous, de tes dons sacrés les fidèles courrières, |
12 |
|
Par qui la Pitié sainte et le chœur des Prières |
12 |
|
Au mode lydien ont cadencé leur chant, |
12 |
|
Et levé chastement leur voile en t’approchant ; |
12 |
245 |
Nous par qui la senteur dans l’arbre s’insinue, |
12 |
|
Et le tendre penser dans la vierge ingénue ; |
12 |
|
Nous par qui l’âme aux yeux brille à travers le corps, |
12 |
|
Par qui tout est rangé sous la loi des accords ; |
12 |
|
Qui revêtons le bien de la beauté suprême : |
12 |
250 |
Nous les trois Charités qu’on admire et qu’on aime ! » |
12 |
|
|
Et de leur coupe pleine oublieux un moment, |
12 |
|
Les dieux parlaient aussi pour l’amante et l’amant. |
12 |
|
« Ouvrons, ouvrons l’Olympe à la belle mortelle, |
12 |
|
Et que le lit d’hymen s’y prépare pour elle ; |
12 |
255 |
Qu’Éros par ses baisers de l’exil soit guéri ; |
12 |
|
Quand cet hôte est chagrin le ciel est assombri. |
12 |
|
|
« Quel Dieu ne s’est troublé pour une vierge humaine |
12 |
|
Qu’il vit porter l’amphore au bord de la fontaine, |
12 |
|
Ou qu’il surprit sans voile à travers les roseaux, |
12 |
260 |
Quand d’un pied rougissant elle effleurait les eaux, |
12 |
|
Ou quand d’une voix fraîche en ses vives cadences, |
12 |
|
Sur les gazons en fleur elle réglait les danses ! |
12 |
|
Qui n’a sous les lauriers, et sous les grands épis, |
12 |
|
Éveillé d’un baiser deux beaux yeux assoupis, |
12 |
265 |
Et dormi dans la grotte, aux voluptés ouverte, |
12 |
|
Entre deux bras d’albâtre et sur la mousse verte ? |
12 |
|
|
« Retenu loin du ciel par d’amoureux liens, |
12 |
|
Quel dieu n’a pas connu les champs helléniens, |
12 |
|
Et n’a vu ni Tempé, ni la Crète aux cent villes, |
12 |
270 |
Ni l’Arcadie aux bois odorants et tranquilles, |
12 |
|
Ni le frais Cithéron, ni l’Égypte aux grands blés, |
12 |
|
Ni les flancs du Taygète en cadence foulés ? |
12 |
|
« Que de fois, s’égarant aux terrestres montagnes, |
12 |
|
Des dieux olympiens les volages compagnes |
12 |
275 |
Ont poursuivi d’amour les pasteurs les plus beaux, |
12 |
|
Sous le hêtre chantant au milieu des troupeaux ! |
12 |
|
|
« Que de fois un chasseur, au bord de l’Ërymanthe, |
12 |
|
Implora sous l’ombrage une céleste amante, |
12 |
|
Foulant ses javelots et son arc oubliés ! |
12 |
280 |
Les chiens trouvaient en vain le pas des sangliers ; |
12 |
|
Vainement fleurs et fruits jetés d’entre les saules, |
12 |
|
Atteignaient le rêveur à ses brunes épaules : |
12 |
|
Négligeant Amymone et le plaisir certain, |
12 |
|
Son cœur suivait Diane et le croissant lointain. |
12 |
|
285 |
« Que de fois, près du puits posant son urne pleine |
12 |
|
Sur le métier oisif laissant dormir la laine, |
12 |
|
Seule à travers les bois, et s’écartant des jeux, |
12 |
|
D’Argos ou de Corinthe une fille aux doux yeux, |
12 |
|
Lassant de ses mépris des amoureux sans nombre, |
12 |
290 |
Rêva d’un jeune dieu qu’elle entrevit dans l’ombre ! |
12 |
|
|
« Les enfants de la terre et les enfants du ciel |
12 |
|
Se poursuivent ainsi d’un désir mutuel. |
12 |
|
|
« Le nectar coule à flots dans nos coupes divines ; |
12 |
|
Quel vin pareil mûrit, ô terre ! en tes collines ? |
12 |
295 |
Et pourtant, attirés de nos palais d’azur, |
12 |
|
Nous dirigeons nos chars vers quelque toit obscur ! |
12 |
|
Hors des jardins féconds du céleste domaine, |
12 |
|
Qui pousse ainsi les dieux parmi la foule humaine, |
12 |
|
Et, quand le lit d’hymen abonde en voluptés, |
12 |
300 |
Leur fait chercher l’amour des terrestres beautés, |
12 |
|
Soumettre à la douleur leur nature impassible |
12 |
|
Pour le cœur d’un enfant, quelquefois insensible ; |
12 |
|
Subir la faim, le froid, tous les travaux du corps : |
12 |
|
Et, sanglant, traverser le noir séjour des morts ? |
12 |
|
305 |
« Sans doute du Destin, qui régit le ciel même, |
12 |
|
Cet attrait invincible est une loi suprême. |
12 |
|
Vers le séjour des dieux l’homme aspire d’en bas, |
12 |
|
Et vers l’homme en secret les dieux portent leurs pas. |
12 |
|
Par un désir pareil nos races attirées |
12 |
310 |
Doivent-elles toujours être ainsi séparées ? |
12 |
|
|
« Sans doute, pour un temps, l’homme triste et banni, |
12 |
|
Comme nous lui manquons, manque à notre infini ; |
12 |
|
Et votre hymen, Éros, est attendu peut-être, |
12 |
|
Pour peupler tout le ciel et pour parfaire l’Être. |
12 |
315 |
À l’accord idéal du chant olympien, |
12 |
|
L’homme, pour l’achever, doit réunir le sien, |
12 |
|
Et lier, de ses mains, en y prenant sa place, |
12 |
|
|
Le grand cercle dansant qui tourne dans l’espace. |
12 |
|
« Relève donc, Éros, ton front pâle et penché ; |
12 |
320 |
Nous voulons partager le ciel avec Psyché. |
12 |
|
Nous avons comme toi souvent gémi sur elle ; |
12 |
|
Son sort nous est connu, nous savons qu’elle est belle. |
12 |
|
Sèche tes yeux, Éros ; tes pleurs ont tout guéri. |
12 |
|
Vois, le père des dieux avec nous t’a souri : |
12 |
325 |
Car notre esprit est un, nos volontés sont unes, |
12 |
|
Et les lois du Destin à tous nous sont communes. |
12 |
|
Par lui souffrit Psyché ; tout ce qu’il fait est bon. |
12 |
|
Ton hymen attend l’âme et sera son pardon ; |
12 |
|
Au banquet immortel elle peut prendre place ; |
12 |
330 |
Des fleurs neuves au ciel germeront sur sa trace ; |
12 |
|
Chaque Dieu lui gardant son présent le meilleur |
12 |
|
La voit avec tes yeux et l’aime avec ton cœur. |
12 |
|
C’est d’elle que nous vient l’attrait plein de mystère |
12 |
|
Qui nous invite encore à fréquenter la terre ; |
12 |
335 |
Elle que nous cherchons ; c’est toi, bel être humain, |
12 |
|
Que l’amour chez les dieux conduira par la main. |
12 |
|
|
« À sentir ton retour chez nous la joie est grande : |
12 |
|
Viens, pour se compléter, l’Olympe te demande. |
12 |
|
Ta tâche est accomplie, et Dieu t’ouvre son sein. |
12 |
340 |
Ton œil dans l’idéal peut plonger sans larcin ; |
12 |
|
Un astre y brille au lieu de la lampe première. |
12 |
|
Viens connaître l’époux sur un lit de lumière ; |
12 |
|
Nous nous réjouissons d’entendre dans le ciel |
12 |
|
Sur vos lèvres chanter un baiser éternel ! |
12 |
|
345 |
« Vers la terre d’épreuve où gît ta pale amante, |
12 |
|
Toi, vole, ô jeune Éros ! sur sa tête charmante |
12 |
|
L’extatique désir brisé dans son effort |
12 |
|
Répand un froid sommeil avant-coureur de mort. |
12 |
|
Serre-la dans tes bras, vole, et nous la ramène ; |
12 |
350 |
Ses roses renaîtront au feu de ton haleine ; |
12 |
|
Les Grâces, la prenant à la porte des cieux, |
12 |
|
Au son des lyres d’or feront ouvrir ses yeux. » |
12 |
|
|
|
Le père avec amour contemplait sa pensée |
12 |
|
En sons harmonieux par ses fils retracée. |
12 |
355 |
Ses décrets éternels par leurs voix ont parlé ; |
12 |
|
Et le pardon promis, d’un sourire scellé, |
12 |
|
De son front abaissé sur le dieu qui l’implore, |
12 |
|
Comme sur un sommet le regard de l’aurore |
12 |
|
Tombe, et de ses cheveux agités doucement, |
12 |
360 |
L’ambrosienne odeur pleut à ce mouvement, |
12 |
|
Et suit à flots égaux, dans la vaste étendue, |
12 |
|
L’onduleuse clarté de ses yeux répandue. |
12 |
|
De ces saintes lueurs l’Olympe est radieux ; |
12 |
|
Elles ont pénétré le cœur même des dieux, |
12 |
365 |
Et, glissant sur les flancs des hauteurs qu’ils habitent, |
12 |
|
Dans la terrestre plaine elles se précipitent, |
12 |
|
Portent vers les humains un message d’amour |
12 |
|
Et du soleil antique annoncent le retour. |
12 |
|
|
À peine ce sourire où réside la grâce |
12 |
370 |
A du dieu père et roi fait flamboyer la face, |
12 |
|
Le doux mot de pardon sur ses lèvres encor |
12 |
|
Coule comme le miel versé d’une urne d’or ; |
12 |
|
Du signe de ce front d’où la splendeur émane |
12 |
|
L’éther oscille encore en sa mer diaphane ; |
12 |
375 |
Et, plus vite qu’un trait de son arc d’or chassé, |
12 |
|
Déjà vers notre monde Éros s’est élancé, |
12 |
|
À l’épouse apportant des voluptés certaines, |
12 |
|
Et la fin de l’espoir la plus douce des peines. |
12 |
|
|
Au-dessus des cités, des golfes, des déserts, |
12 |
380 |
La flamme de son aile a sillonné les airs. |
12 |
|
Telle, au souffle d’Eurus, de pourpre et d’or chargée, |
12 |
|
Des monts orientaux jusqu’à la mer Égée, |
12 |
|
La nue au sein fécond vole et rougit les flots |
12 |
|
À la fois de Samos, d’Icare et de Délos, |
12 |
385 |
Et va, dans la même heure, ouvrir ses flots humides |
12 |
|
Et baigner les fruits d’or au fond des Hespérides. |
12 |
|
|
Tel, et plus promptement, vers le cœur plein d’ennui, |
12 |
|
Vers l’amante éplorée et qui se meurt pour lui, |
12 |
|
Descend le jeune Éros. Sur la terre émaillée, |
12 |
390 |
Psyché gisait encor sans s’être réveillée, |
12 |
|
Et l’aube au-dessus d’elle ouvrant ses yeux en pleurs |
12 |
|
Mouillait son corps de marbre en abreuvant les fleurs. |
12 |
|
|
Sur ses deux bras pliés l’époux divin l’enlève ; |
12 |
|
Elle dormait toujours de son sommeil sans rêve ; |
12 |
395 |
Et l’Amour, la gardant pour un réveil plus beau, |
12 |
|
Non sans mille baisers, porte ce doux fardeau, |
12 |
|
Par la route éthérée aux hommes interdite, |
12 |
|
Jusqu’au sommet d’Olympe où l’idéal habite. |
12 |
|
|
D’ineffables accords, quand ils passent le seuil, |
12 |
400 |
Des sourires sacrés partout leur font accueil ; |
12 |
|
Un cortège les suit où la lyre résonne. |
12 |
|
Déposant l’âme aux pieds de celui qui pardonne, |
12 |
|
Éros prie, attendant le regard paternel, |
12 |
|
Le dieu qui fit les cœurs pour en peupler le ciel. |
12 |
405 |
Pâle encore est Psyché ; près d’eux agenouillées, |
12 |
|
Les Grâces, blanches sœurs aux paupières mouillées, |
12 |
|
Soutiennent son beau corps. Le père souverain, |
12 |
|
Enveloppant Psyché d’un sourire serein, |
12 |
|
Touchant du doigt ses yeux, les rouvre ; la jeune âme |
12 |
410 |
S’éveille et resplendit dans un cercle de flamme, |
12 |
|
Voit l’Olympe et les dieux, et sans étonnement |
12 |
|
L’invisible conquis et l’éternel amant. |
12 |
|
|
|
Le Père a prononcé l’arrêt clément et juste |
12 |
|
Qui du toit nuptial ouvre l’asile auguste ; |
12 |
415 |
Et les époux, heureux des malheurs oubliés, |
12 |
|
Chez les dieux à jamais par l’amour sont liés |
12 |
|
Et les Muses en chœur disaient la chanson tendre, |
12 |
|
Que le lit de l’hymen se réjouit d’entendre : |
12 |
|
|
« Des longues voluptés l’asile est prêt pour vous ; |
12 |
420 |
Une lampe sans ombre y sourit aux époux ; |
12 |
|
Ouvrant, sans les troubler, son œil sur leurs caresses, |
12 |
|
Elle porte un jour calme au fond de leurs ivresses. |
12 |
|
|
« Là, tout désir sans voile est saint par son ardeur. |
12 |
|
Viens, jeune âme, les dieux ignorent la pudeur : |
12 |
425 |
L’homme la connaît seul. Amours, beautés humaines, |
12 |
|
Redoutent la clarté comme des ombres vaines. |
12 |
|
|
« Là-bas, voir c’est douter, c’est désirer le mieux ; |
12 |
|
L’amour doit s’y garder de l’atteinte des yeux. |
12 |
|
C’est par l’endroit secret, voilé toujours en elle, |
12 |
430 |
Que toute beauté plaît, et qu’elle reste belle. |
12 |
|
Le soleil n’y paraît que d’ombres entouré. |
12 |
|
Là, le cœur est puni s’il a trop aspiré. |
12 |
|
Aux voluptés sans fin la force se refuse ; |
12 |
|
L’attrait meurt du plaisir, la lèvre aux baisers s’use ; |
12 |
435 |
Le corps se meurtrit même aux roses des coussins ; |
12 |
|
Les travaux de l’hymen déforment les beaux seins ; |
12 |
|
En des yeux alanguis s’éteint la jeune grâce, |
12 |
|
Et du front qui charmait l’enchantement s’efface. |
12 |
|
Alors, le cœur s’affaisse et s’enfuit l’idéal, |
12 |
440 |
Comme un feu trop subtil pour ce faible métal, |
12 |
|
Qui dans l’urne fragile allumé par surprise, |
12 |
|
Sous ses flots jaillissants la fait fondre ou la brise. |
12 |
|
« Au pays d’où tu viens, tout désir fort et grand, |
12 |
|
Toute soif de bonheur, est un mal dévorant ; |
12 |
445 |
Une amour combattue, aussi bien qu’assouvie, |
12 |
|
Ravage également les sources de la vie. |
12 |
|
Mais dans l’Olympe, oh ! viens t’abreuver de ce feu : |
12 |
|
Il consume un mortel, mais il fait vivre un dieu. |
12 |
|
|
« Viens boire à ce torrent sans fin et sans mesure. |
12 |
450 |
S’abstenir fut la loi de l’humaine nature. |
12 |
|
Mais, ô déesse ! viens, cœur d’amour altéré, |
12 |
|
Viens, et plonge en délire au fond du flot sacré ! |
12 |
|
|
« L’astre qui luit là-bas sur la terre profonde |
12 |
|
Flétrit s’il fait éclore, et brûle s’il féconde ; |
12 |
455 |
L’ombre seule conserve aux zéphyrs de demain |
12 |
|
La fleur dont l’aube ouvrit les lèvres de carmin. |
12 |
|
Ainsi les fleurs de l’âme ont besoin du mystère |
12 |
|
Pour garder plus d’un jour leur éclat solitaire. |
12 |
|
|
« Mais chez les dieux, l’amour, ce soleil infini, |
12 |
460 |
Père de la beauté, n’a jamais rien terni. |
12 |
|
Quand un rameau languit, son regard le relève ; |
12 |
|
Il y verse à la fois la chaleur et la sève ; |
12 |
|
Et l’arbre en un matin ouvre tous ses bourgeons |
12 |
|
Sans crainte de tarir aux futures saisons. |
12 |
|
465 |
« Sans réserve et sans voile ici les cœurs se livrent ; |
12 |
|
Sans lasser les époux, leurs bonheurs les enivrent ; |
12 |
|
Rien ne redoute en vous le doigt ni le flambeau ; |
12 |
|
Le millième baiser pour vous sera nouveau. |
12 |
|
|
« L’amant vient revêtu de sa seule lumière |
12 |
470 |
Vers la couche de pourpre, où, montant la première, |
12 |
|
L’amante de ses bras qu’elle dénoue enfin, |
12 |
|
Sur les pieds d’or du lit laisse tomber le lin. |
12 |
|
|
« Ah ! tu peux à présent rassasier ta vue |
12 |
|
De la divine forme autrefois entrevue. |
12 |
475 |
Approche-toi, Psyché, de ton céleste amant ; |
12 |
|
Qu’il soit ton seul spectacle et ton seul vêtement. |
12 |
|
Toi, jeune Éros, répands tes parfums et l’enivre, |
12 |
|
Elle qui vit par toi, comme elle te fait vivre ; |
12 |
|
Et que le soleil vrai, saint, fécond, immortel, |
12 |
480 |
Ravonnant sur ta couche, ô couple aimé du ciel ! |
12 |
|
Sur ton amour unique aux douceurs variées, |
12 |
|
Fasse germer l’émail des fleurs multipliées. |
12 |
|
Mêlez-vous l’un à l’autre, et pour l’éternité, |
12 |
|
Sur un lit radieux, ô vous, Amour, Beauté ! » |
12 |
|
485 |
Hors du cercle des dieux, dont les graves sourires |
12 |
|
Les suivent longuement avec la voix des lyres, |
12 |
|
Glissent les deux époux vers les toits retirés |
12 |
|
Que leur garde l’Hymen au fond des bois sacrés. |
12 |
|
Se tenant par la main, ils vont : les hautes branches |
12 |
490 |
S’inclinent pour toucher à leurs épaules blanches. |
12 |
|
|
Tels on voit s’enfoncer à travers les roseaux |
12 |
|
Deux cygnes amoureux balancés sur les eaux ; |
12 |
|
Tels s’effacent au loin ces deux corps pleins de grâces |
12 |
|
Dans les arbustes verts refermés sur leurs traces ; |
12 |
495 |
Et la grande foret, ouvrant sa profondeur, |
12 |
|
Du couple nuptial a voilé la splendeur. |
12 |
|
|
Quel mode de la lyre, et quelle voix humaine |
12 |
|
Dira du lit d’hymen où ton dieu te ramène, |
12 |
|
Ô Psyché ! la douceur et les ravissements, |
12 |
500 |
Après l’exil souffert, les discours des amants, |
12 |
|
La sainte volupté déliant leurs ceintures, |
12 |
|
L’intime fusion des divines natures, |
12 |
|
Et par les nœuds riants des baisers infinis |
12 |
|
L’Amour et la Beauté dans la lumière unis ? |
12 |
505 |
Celui-là pourrait seul en retracer quelque ombre |
12 |
|
Dont la bouche, abondante en puissances sans nombre, |
12 |
|
Saurait fondre et mêler, dans l’or de ses chansons, |
12 |
|
À la fois des clartés, des parfums et des sons, |
12 |
|
Et dérobant au ciel la forme inaccessible, |
12 |
510 |
Rendre à chacun des sens la parole visible. |
12 |
|
Mais quel artiste ainsi montre à l’homme charmé, |
12 |
|
L’idéal tout entier dans son verbe enfermé ? |
12 |
|
Celui-là, qui de l’être écrivant le poème, |
12 |
|
Dans l’espace rempli vit en son œuvre même. |
12 |
|
|
515 |
Or, les Heures, portant deux vases inégaux |
12 |
|
Qui versent aux mortels et les biens et les maux, |
12 |
|
Autour du genre humain tournaient dans la durée |
12 |
|
D’un pas sombre ou brillant par elle mesurée ; |
12 |
|
Et l’ivresse d’hymen, si rapide chez nous, |
12 |
520 |
Coulait intarissable aux célestes époux ; |
12 |
|
Et dans leur âme encor vierge après ces délices, |
12 |
|
L’amour éternisait la douceur des prémices. |
12 |
|
|
Sans qu’un instant jamais de la main ou des yeux |
12 |
|
L’époux quittât l’épouse, en ces bois merveilleux, |
12 |
525 |
Où l’ombrage odorant luit de leurs auréoles, |
12 |
|
Souvent ils s’en allaient, échangeant leurs paroles. |
12 |
|
L’Olympe recueillait leur souffle dans ses fleurs, |
12 |
|
Et le bruit de leur voix dans ses oiseaux chanteurs. |
12 |
|
|
À travers les clartés d’une existence neuve, |
12 |
530 |
Psyché revoit les temps du deuil et de l’épreuve ; |
12 |
|
Le présent s’embellit de tous les maux passés, |
12 |
|
Des tableaux de l’exil à l’époux retracés ; |
12 |
|
Et l’âme, alors, planant d’une sphère plus haute, |
12 |
|
Rend grâce du bonheur à la première faute. |
12 |
|
535 |
« Oh ! comme ton regard, séchant mes yeux en pleurs, |
12 |
|
A tari vite en moi la source des douleurs ! |
12 |
|
Comme il a dissipé la nuit et ses mensonges, |
12 |
|
Et fait fuir tous mes maux dans le pays des songes ! |
12 |
|
|
« Laisse de tes rayons mon cœur enveloppé ! |
12 |
540 |
Des neiges de l’exil pauvre oiseau tout trempé, |
12 |
|
Frileux, et tout meurtri par les vents et les grêles, |
12 |
|
Ce doux soleil essuie et réchauffe mes ailes. |
12 |
|
|
« Regarde-moi toujours ! C’est à travers tes yeux |
12 |
|
Que coule en mon esprit la lumière des cieux ; |
12 |
545 |
C’est par leurs rayons seuls que s’allume la flamme |
12 |
|
Pour s’élancer vers toi du foyer de mon âme. |
12 |
|
|
« Reste sous mes regards, comme moi sous les tiens ! |
12 |
|
Si ta vie est ma vie, et si tu m’appartiens, |
12 |
|
Laisse errer sur ton sein mes yeux que tu ranimes ; |
12 |
550 |
Ouvre-moi de ton cœur les asiles intimes. |
12 |
|
Posséder tout l’Olympe, être immortel et roi, |
12 |
|
Être heureux, ô mon Dieu ! ce n’est que voir en toi ! |
12 |
|
|
« Mais moi, pour satisfaire à ta vue éternelle, |
12 |
|
Me suis-je assez parée, et rendue assez belle ? |
12 |
555 |
Suis-je pour quelque chose au moins dans ton bonheur ? |
12 |
|
T’ai-je payé celui que tu mets dans mon cœur ? |
12 |
|
Pour valoir à tes yeux, pour gagner quelques charmes, |
12 |
|
Je recommencerais et la vie et mes larmes ! |
12 |
|
|
« Bénie entre les nuits, celle où mon jeune instinct |
12 |
560 |
M’arma de ce flambeau voulu par le Destin, |
12 |
|
Troubla de ses lueurs nos voluptés obscures, |
12 |
|
Et conquit l’avenir en bravant les augures ; |
12 |
|
Et, même entre tes bras, me lassant du plaisir, |
12 |
|
D’un hymen plus parfait mit en moi le désir ! |
12 |
|
565 |
« Si le bonheur des sens eût dompté ton amante, |
12 |
|
De l’ivresse du corps et de l’ombre contente ; |
12 |
|
Si, pour un temps, mon cœur de ton âme altéré, |
12 |
|
Du miel de tes baisers n’avait été sevré, |
12 |
|
Psyché ne connaîtrait qu’à travers les ténèbres |
12 |
570 |
Son dieu toujours voilé par des terreurs funèbres ; |
12 |
|
Et, d’un étroit jardin faisant son univers, |
12 |
|
N’eût jamais vu l’Olympe et ses palais ouverts ! |
12 |
|
Jamais, en toi plongeant, ce cœur qui te pénètre |
12 |
|
Ne se fût à loisir enivré de ton être ! |
12 |
|
575 |
« T’admirer longuement, jouir de nos amours |
12 |
|
Sans qu’ils soient divisés par des nuits ou des jours ; |
12 |
|
Boire avec toi du ciel l’extase ardente et pure, |
12 |
|
Sans que le Temps avare à nos cœurs la mesure : |
12 |
|
N’être avec toi qu’un dieu !… je le dois à l’orgueil |
12 |
580 |
Qui, dans l’antique nuit, de mon âme ouvrit l’œil ; |
12 |
|
Et, las de tout plaisir que le soleil n’éclaire, |
12 |
|
Accepta la douleur au prix de la lumière. |
12 |
|
« Peut-être un cœur plus humble et par les sens guidé, |
12 |
|
Satisfait de l’époux à demi possédé, |
12 |
585 |
Sans chercher de l’amour l’entière plénitude, |
12 |
|
De l’ombre et du sommeil eût gardé l’habitude. |
12 |
|
Mais un esprit plus fier habita dans mon sein, |
12 |
|
Et tu choisis Psyché pour un plus grand dessein. |
12 |
|
Goûter dans l’ignorance une volupté molle, |
12 |
590 |
C’est le lot du troupeau des êtres sans parole, |
12 |
|
De l’argile pétrie, en qui ne vit nul feu ; |
12 |
|
Il fallait autre chose à l’amante d’un dieu ! |
12 |
|
|
« J’ai bien maudit ma lampe et la clarté nouvelle, |
12 |
|
Car en moi la douleur s’introduisit par elle. |
12 |
595 |
L’heure où je l’allumai reçut un nom fatal ; |
12 |
|
La science passa pour la mère du mal, |
12 |
|
Et de l’orgueil sacré la terre fit un crime. |
12 |
|
Mais, pour le ciel conquis, pour notre hymen sublime, |
12 |
|
Pour le flot de splendeur qui m’inonde aujourd’hui, |
12 |
600 |
Je bénis cet orgueil, car tout est né de lui ! |
12 |
|
|
« Désirs, brûlants désirs de sentir, de connaître, |
12 |
|
Par qui Psyché monta vers les sources de l’être ; |
12 |
|
Orgueil, ô Volupté ! soif des biens infinis, |
12 |
|
Vous, blasphémés jadis, enfin, soyez bénis ! |
12 |
605 |
Du triste genre humain le malheur vous accuse ; |
12 |
|
Mais le désir demeure, et la souffrance s’use. |
12 |
|
Désirs, vous êtes saints ; car saint est votre but ; |
12 |
|
Et l’Olympe, après tout, vous doit payer tribut. |
12 |
|
À travers tous les maux, l’homme est né pour vous suivre ; |
12 |
610 |
Avant vous j’existais, et vous m’avez fait vivre ! |
12 |
|
|
« Dans la première nuit je ramperais encor, |
12 |
|
Orgueil et Volupté, sans vos deux ailes d’or. |
12 |
|
|
« Jouissant du bonheur de l’aveugle matière, |
12 |
|
L’hymen ne m’eût montré que sa forme grossière ; |
12 |
615 |
J’ignorerais encor ses secrets les plus doux, |
12 |
|
Et je ne verrais pas que j’ai dieu pour époux ! |
12 |
|
Par vous, ô saints désirs, sur la terre inféconde, |
12 |
|
Un éclair descendu révèle un meilleur monde. |
12 |
|
Tout ce qui vit, par vous arrive au port caché. |
12 |
620 |
Par vous, le seuil des dieux s’est ouvert à Psyché ; |
12 |
|
Et l’amant idéal, cédant à votre audace, |
12 |
|
À l’amante mortelle a dévoilé sa face. » |
12 |
|
|
Entre les jeux, souvent, les baisers, le repos, |
12 |
|
Mêlant le discours grave et les tendres propos, |
12 |
625 |
Comme sur l’oranger aux branches étoilées |
12 |
|
Avec l’or des fruits mûrs les jeunes fleurs mêlées, |
12 |
|
À la langue du ciel empruntant ses doux sons, |
12 |
|
L’épouse se parait d’abondantes chansons. |
12 |
|
|
Déployant sur son cœur les caresses divines, |
12 |
630 |
Comme de chauds rayons sur les vertes collines, |
12 |
|
L’époux lui répondait, et versait à son tour |
12 |
|
Le chaste enivrement des paroles d’amour. |
12 |
|
Non, jamais au printemps, quand la vierge encor pure, |
12 |
|
S’abreuve de l’espoir qu’exhale la nature, |
12 |
635 |
Et des premiers aveux, avec l’air plein d’encens, |
12 |
|
Aspire la musique à travers tous ses sens ; |
12 |
|
Même à l’heure où, laissant tomber ses bras pudiques |
12 |
|
Éperdue, elle cède aux prières magiques ; |
12 |
|
Où tous les sons divins, voix des flots, bruit du vent, |
12 |
640 |
Tout semble avoir passé dans la voix de l’amant, |
12 |
|
Jamais femme ici-bas n’ouït choses pareilles |
12 |
|
À la voix, ô Psyché ! qui charmait tes oreilles ! |
12 |
|
|
Leur extase ainsi coule en paisibles discours, |
12 |
|
Comme un flot non troublé, mais qui parle en son cours : |
12 |
645 |
Et chaque heure embellit ce fleuve au bord sonore |
12 |
|
Des mille fleurs sans nom que le ciel voit éclore. |
12 |
|
Tantôt des voluptés les asiles lointains |
12 |
|
Abritent leur amour ; ou, dans les gais festins, |
12 |
|
Parmi les immortels qui cherchent leur sourire, |
12 |
650 |
Ils échangent tous deux et la coupe et la lyre ; |
12 |
|
Ou la flûte conduit leurs pas entrelacés |
12 |
|
Sur les modes divers à la danse tracés. |
12 |
|
|
Tantôt penchés ensemble au bord des sources vives, |
12 |
|
Ils tiennent sur les flots leurs âmes attentives ; |
12 |
655 |
Des nids et des bourgeons surprenant les secrets, |
12 |
|
Ils écoutent germer les célestes forêts. |
12 |
|
Convive du nectar, à l’Amour même unie, |
12 |
|
Psyché revêt des dieux la nature infinie. |
12 |
|
Tous ses jours, mesurés comme on mesure au ciel, |
12 |
660 |
Ne forment qu’un instant, mais il est éternel. |
12 |
|
Sans s’épuiser jamais aux plaisirs qu’elle goûte |
12 |
|
Des biens déjà sentis la volupté s’ajoute ; |
12 |
|
Et, des fleuves d’en haut merveilleux réservoir, |
12 |
|
Son cœur toujours rempli, peut toujours recevoir. |
12 |
|
|
665 |
Or, selon les destins, Psyché devint féconde, |
12 |
|
Et l’épouse d’Éros mit une fille au monde, |
12 |
|
Enfant donnée aux cieux pour en charmer la paix, |
12 |
|
Mais cachée aux mortels sous des voiles épais. |
12 |
|
Sans jamais l’entrevoir, nous aspirons vers elle ; |
12 |
670 |
Du peuple des vivants, c’est la soif éternelle, |
12 |
|
L’attrait par qui tout être au but est excité ; |
12 |
|
Mais l’homme n’en sait rien que son nom : Volupté ! |
12 |
|
Nom qu’usurpent chez nous d’éphémères ivresses ! |
12 |
|
Nul n’en goûte ici-bas les suprêmes caresses ; |
12 |
675 |
Elle habite un Olympe à l’abri du désir ; |
12 |
|
On n’en voit rien que l’ombre à travers le plaisir. |
12 |
|
L’amour seul, aux instants d’extase la plus pure, |
12 |
|
En révèle à nos cœurs l’idée encore obscure. |
12 |
|
|
ÉPILOGUE |
|
Chaque fois que je vis, rêveur adolescent, |
12 |
680 |
Comme une aube aux doux feux, mais éteinte en naissant |
12 |
|
Flotter à l’horizon ta robe purpurine, |
12 |
|
Soudain au fond du ciel, sur la vague marine, |
12 |
|
Tes pieds comme un éclair glissaient, ô Volupté ! |
12 |
|
Et, sur la pale mer, alors, de mon côté, |
12 |
685 |
Une figure en deuil s’avançait à ta place : |
12 |
|
Sa grande ombre effaçait les roses de ta trace. |
12 |
|
L’ache et le nénuphar, dans ses cheveux séchés, |
12 |
|
Se posaient sur mon front en couronne attachés. |
12 |
|
Autour d’elle un essaim de noires mélodies |
12 |
690 |
Heurtait en voltigeant mes tempes engourdies ; |
12 |
|
Et comme un flot des mers affaissé sous son poids, |
12 |
|
Mon cœur cessait de battre au toucher de ses doigts. |
12 |
|
|
Sombre Mélancolie ! ô fatale déesse |
12 |
|
Qu’à sa place en fuyant la Volupté nous laisse, |
12 |
695 |
De tes pavots amers goutte à goutte abreuvé, |
12 |
|
Nul homme plus que moi sur ton sein n’a rêvé ; |
12 |
|
Nul n’a vu si souvent, frappé de ton vertige, |
12 |
|
Fruits ou fleurs avorter dès qu’il touchait leur tige ; |
12 |
|
Nul, malgré les rayons pendant l’aube aperçus, |
12 |
700 |
N’a plus d’ombre en son âme et plus d’espoirs déçus ; |
12 |
|
Nul n’a mieux, en tout temps, reconnu sur sa voie |
12 |
|
La tristesse présente au fond de toute joie. |
12 |
|
|
Mais oublie, ô poète ! et monte avec tes vers, |
12 |
|
Puisqu’ils portent Psyché dans un autre univers ; |
12 |
705 |
Puisqu’au nombre des dieux tu l’as déjà placée, |
12 |
|
Ah ! parle-nous du ciel sans arrière-pensée ! |
12 |
|
Parle-nous d’idéal, de l’époux inconnu, |
12 |
|
Et du jour de l’hymen, qu’il soit ou non venu ! |
12 |
|
Oublie une heure encore, et fais trêve à la plainte. |
12 |
710 |
Laisse arriver à nous l’écho de l’hymne sainte |
12 |
|
Qu’à la fille d’Ëros, tout étant consommé, |
12 |
|
Au bruit des lyres d’or, dit l’Olympe charmé. |
12 |
|
Le chœur olympien, voix suprême du monde, |
12 |
|
Chante, ô couple attendu ! sur ta couche féconde : |
12 |
715 |
Car le retour de l’âme à l’époux amoureux |
12 |
|
Nous réjouit autant, nous parfaits, nous les dieux, |
12 |
|
Impassibles, sereins, éternels que nous sommes, |
12 |
|
Que l’aube réjouit la tristesse des hommes. |
12 |
|
|
Le ciel même, ô Psyché ! s’éclaire à ton regard. |
12 |
720 |
Déjà depuis mille ans convives du nectar, |
12 |
|
Nous en goûtions l’ivresse et tu n’étais pas née : |
12 |
|
Et pourtant chez les dieux ta beauté ramenée |
12 |
|
Ajoute à ce bonheur à qui rien ne manquait. |
12 |
|
Tu fixeras Ëros au céleste banquet. |
12 |
725 |
Notre vie est en lui, nous respirons sa flamme ; |
12 |
|
Par lui nous t’épousons, et nous t’aimons, jeune âme ! |
12 |
|
Tout être a tressailli du baiser nuptial |
12 |
|
Qui relie en vous deux la terre et l’idéal ; |
12 |
|
Et, des mêmes désirs calmant les saintes fièvres, |
12 |
730 |
L’homme et dieu dans le ciel s’embrassent par vos lèvres ; |
12 |
|
|
Ce berceau nous sourit d’une fille par vous, |
12 |
|
Parure de l’Olympe, enfant chéri de tous, |
12 |
|
Né de la Beauté même, avec l’Amour unie. |
12 |
|
Volupté, Volupté, doux fruit de l’harmonie ! |
12 |
735 |
Joyeux autour de toi, des plus belles chansons |
12 |
|
Chacun te salûra ; comme au jour des moissons |
12 |
|
Un chœur sacré, de fleurs couronné pour la danse, |
12 |
|
Chante autour de Cérès espoir de l’abondance. |
12 |
|
|
Dieux des bois, dieux des mers, rentrez, ô dieux épars ! |
12 |
740 |
Dieu qui dans l’air guidez l’or brûlant de vos chars, |
12 |
|
Dieux répandus partout, l’Olympe vous rappelle ; |
12 |
|
Revenez, saluez la déesse nouvelle ! |
12 |
|
Des vieux chênes, des flots, des antres souterrains, |
12 |
|
Dieux, ministres de l’Être, ô Cyclopes, Sylvains, |
12 |
745 |
Nymphes, Zéphyrs, Tritons, dieux légers, dieux énormes, |
12 |
|
Esprits universels qui supportez les formes : |
12 |
|
Rentrez dans votre ciel, dieux exilés là-bas ! |
12 |
|
Et vous, Titans, l’Olympe est ouvert sans combats ! |
12 |
|
Entre les dieux rivaux, toute haine s’oublie ; |
12 |
750 |
Leur chaîne par tes mains à ses deux bouts se lie, |
12 |
|
Ô Psyché ! toi par qui l’amour est triomphant ! |
12 |
|
La ronde au pied sonore entoure ton enfant, |
12 |
|
Et la couvre de fleurs, et chante, et la dit reine, |
12 |
|
Et respire à longs traits sa grâce souveraine. |
12 |
|
755 |
Esprits des éléments, loin du foyer bannis, |
12 |
|
Chantez, ô dieux ! chantez, vos travaux sont finis ! |
12 |
|
Esprits du feu, de l’air, de la terre et des fleuves, |
12 |
|
Serfs ou tyrans de l’homme, instruments des épreuves, |
12 |
|
Par qui l’âme a senti, souffert, lutté, vaincu, |
12 |
760 |
Venez ! assez de jours la Discorde a vécu. |
12 |
|
|
L’amour a tout guéri ; l’être a retrouvé l’être ; |
12 |
|
Cet hymen est fécond, Volupté vient de naître ! |
12 |
|
Elle rassemble autour de son berceau sacré |
12 |
|
Le grand peuple des dieux pour un temps séparé. |
12 |
765 |
Prenez-vous par la main, formez la danse unique, |
12 |
|
Chantez à l’unisson l’éternelle musique. |
12 |
|
Dans l’Olympe natal revenez tous, ô Dieux ! |
12 |
|
Comme y revient Psyché. Flots épars en tous lieux |
12 |
|
Où l’exilée a bu, revenez à la source. |
12 |
770 |
Oiseaux, rentrez au nid. Rayons qui de sa course |
12 |
|
Éclairiez les détours, ô peuple universel ! |
12 |
|
Rentrez dans l’unité de l’astre paternel. |
12 |
|
|
Et vous, voiles, tombez ; songes, vapeurs, chimères, |
12 |
|
Pales ombres de l’être, ô formes éphémères ! |
12 |
775 |
Ô voiles de l’époux, l’âme a su vous percer. |
12 |
|
Sur son sein qu’à loisir elle peut embrasser, |
12 |
|
Elle voit désormais l’éternelle substance, |
12 |
|
Et l’amour la nourrit sans fin de son essence ; |
12 |
|
Elle touche au réel. Apparences, tombez ! |
12 |
|
780 |
À toi vont tous les flots, en un flot absorbés, |
12 |
|
Ô vaste Olympe ! étends tes plaines sans limite, |
12 |
|
Puisque l’amour brisa ta barrière interdite. |
12 |
|
Tout un peuple t’arrive ; oh ! pour le recevoir, |
12 |
|
Grandis, sois infini comme était son espoir ! |
12 |
785 |
Ouvre à tous les vivants ta voûte heureuse et sainte ; |
12 |
|
Rien ne doit exister par delà ton enceinte. |
12 |
|
|
Vous, mondes ; vous, soleil ; toi, globe des humains, |
12 |
|
Germes errants dans l’air sans trouver vos chemins, |
12 |
|
Âmes des feux éteints, fleurs sèches, races mortes, |
12 |
790 |
Venez à flots pressés, l’Olympe ouvre ses portes ; |
12 |
|
Habitez en un seul réunis pour toujours ; |
12 |
|
Il n’est plus aujourd’hui deux peuples, deux séjours : |
12 |
|
|
Ici joie et clarté ; là souffrance et mystère, |
12 |
|
Dans l’azur un Olympe et dans l’ombre une terre. |
12 |
795 |
Pour l’éternel palais de l’Être universel, |
12 |
|
Il n’est plus qu’un seul monde, et ce monde est le Ciel. |
12 |
|
|
Dans l’Olympe nouveau que toute vie habite ! |
12 |
|
Vers votre enfant, Ëros, l’heureux peuple gravite. |
12 |
|
Règne, ô fille d’amour ! sur le chaos dompté ; |
12 |
800 |
Règne dans l’harmonie, ô sainte Volupté ! |
12 |
|
|
Et toi meurs, ô Douleur ! vieille reine des hommes ! |
12 |
|
Leur terre est arrivée avec eux où nous sommes : |
12 |
|
Tout vit là d’où jamais tu ne pus approcher : |
12 |
|
Quel asile te reste, ô Mal ! pour t’y cacher ? |
12 |
805 |
Meurs ! Psyché brave ici ta poursuite fatale ; |
12 |
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Le dieu qui la rend mère en a fait son égale. |
12 |
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Meurs ! La Volupté nait de leur hymen puissant. |
12 |
|
Tu ne fus rien, ô Mal ! que l’idéal absent, |
12 |
|
Et caché par l’époux aux âmes qu’il éprouve ; |
12 |
810 |
Tu n’es rien, maintenant que Psyché le retrouve, |
12 |
|
Rien près de cette couche, aux transports infinis, |
12 |
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Où l’éternel baiser les garde réunis. |
12 |
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Meurs donc ! Mais, ô Douleur ! simple absence de l’être, |
12 |
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Tu n’as pas à mourir, ô Mal ! pour disparaître. |
12 |
815 |
Qu’es-tu ? vide et néant, ombre sans fixité |
12 |
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Des choses que le jour frappait d’un seul côté. |
12 |
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Meurs ! Tout baigne aujourd’hui dans la clarté suprême, |
12 |
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Et l’être abonde ici, c’est un monde où l’on aime ; |
12 |
|
Monde en qui tout afflue et qui contient tous lieux. |
12 |
820 |
Expire donc, ô Mal ! il n’est plus que des dieux ! |
12 |
|
|