Métrique en Ligne
LAP_14/LAP228
Victor de LAPRADE
VARIA
1844-1879
XXIII
L'INVALIDATION DE JEANNE D'ARC
Très bien ! vengez sur le bon Dieu 8
Les dépits causés à Voltaire : 8
Ses amis ont parlé trop peu. 8
Ceux de Jeanne devront se taire. 8
5 Vous avez fait un grand effort 8
En interdisant, sur nos places, 8
Avec son vieux refrain de mort 8
Le défilé des populaces ; 8
Et Paris n'aura pas, ce soir, 8
10 Le bouquet de leur fête obscène, 8
L'ineffable bonheur de voir 8
Jeter quelque prêtre à la Seine. 8
Craignant les transports indiscrets 8
Des amis de la tolérance. 8
15 Vous avez dans les cabarets 8
Relégué leur haute éloquence. 8
Mais les principes, la raison, 8
L'égalité, le bon exemple, 8
Veulent que le Christ en prison 8
20 Ne se montre pas hors du temple. 8
Et, puisqu'ils n'ont pu, sous un dais, 8
Porter l'auteur de la Pucelle, 8
Il faut à tous ces vieux dadais 8
Donner leur revanche contre elle ; 8
25 Qu'à la Vierge de Vaucouleurs 8
Nos femmes, nos enfants, personne 8
N'ose apporter les moindres fleurs 8
Et tresser la moindre couronne ! 8
Vos tendres cœurs vont en saigner ; 8
30 Vous pleurez, la chose est certaine ! 8
Il fallait bien nous enseigner 8
L'égalité républicaine. 8
Du même droit que les tripots, 8
Les bouges des filles soumises, 8
35 Si nous payons bien nos impôts, 8
Nous pourrons ouvrir nos églises. 8
Entre Fénelon et Marat 8
Vous tiendrez la balance égale : 8
Il n'est ni saint ni scélérat 8
40 Dans la République légale. 8
Qu'un tel régime a de douceurs, 8
D'espoir, de promesses flatteuses, 8
Plaçant nos mères et nos sœurs 8
De pair avec vos tricoteuses ! 8
45 Donc, il faut oublier les saints, 8
Les mœurs et la mort de nos pères, 8
Par égard pour leurs assassins… 8
Puis nous verrons des temps prospères. 8
Je fus presque un de vos amis, 8
50 Étant l'ennemi de l'Empire ; 8
A vos lois je suis très soumis, 8
Voyant venir une loi pire. 8
Mais vous réveillez, malgré moi. 8
Flatteurs des bêtes populaires, 8
55 En outrageant ma vieille foi, 8
L'ardeur de mes vieilles colères. 8
Vous dites le contre et le pour. 8
Tantôt Voltaire et tantôt Jeanne… 8
Vous escorterez, quelque jour, 8
60 Le buste de la Marianne. 8
Là-bas, vos frères égarés 8
Vous tendent les bras de Cayenne ; 8
Rendez ces bataillons sacrés 8
A votre garde citoyenne. 8
65 Ils ont beaucoup à faire encor ! 8
Voici l'ère d'amour qui s'ouvre ; 8
Ils vont ramener l'âge d'or… 8
Et vous verrez flamber le Louvre. 8
En attendant, au grand bazar, 8
70 tétez l'empereur de la Chine, 8
Les rois, les grands-ducs, le césar. 8
Et courbez devant eux l'échine. 8
Amphitryons du genre humain, 8
Donnez-leur des fêtes royales ; 8
75 Et, surtout, grattez, dans la main, 8
Bismarck et le prince de Galles. 8
Pour que l'étranger sache mieux 8
Qu'il peut, chez nous, se mettre à l'aise. 8
Vous invalidez, sous ses yeux, 8
80 La grande héroïne française ! 8
Classez-la parmi les suspects ; 8
C'est de la haute politique. 8
Mais renoncez à nos respects 8
Pour vous et votre république. 8
85 Je n'aime pas les vers moqueurs ; 8
Mais on nous insulte et je crie ! 8
Vous blessez tous les nobles cœurs ; 8
Car Jeanne d'Arc, c'est la patrie. 8
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