Métrique en Ligne
LAP_13/LAP195
Victor de LAPRADE
LE LIVRE D'UN PÈRE
1877
XXXVII
EN PROVENCE
Sur les collines de Provence, 8
Décembre est un mois de printemps. 8
Voici le soir, l’heure s’avance, 8
Et les cieux restent éclatants. 8
5 De chaque plante que je foule, 8
De chaque arbuste où je m’assieds, 8
Un torrent de parfums s’écoule, 8
Un oiseau s’envole à mes pieds. 8
L’air, à lui seul, est un remède, 8
10 Et je suis venu sur ces monts, 8
Dans ces flots de lumière tiède, 8
Humer la vie à pleins poumons. 8
Je vois briller de ma fenêtre 8
Des nuits plus belles que des jours, 8
15 On a cru que j’allais renaître… 8
Et pourtant, je souffre toujours ! 8
La douce maison que j’habite, 8
Sous l’abri de ses murs épais, 8
Me sourit, m’enchaîne et m’invite 8
20 À m’épanouir dans sa paix. 8
Aux propos de la cheminée, 8
Esprit et cœur sont de moitié ; 8
Elle est joyeuse, elle est ornée 8
Et chaude comme l’amitié. 8
25 À petits pas nous allons prendre 8
Nos bains d’air pur et de soleil, 8
Et de bonne heure un adieu tendre 8
Souhaite à chacun le sommeil. 8
L’AVE du soir tinte et s’élance, 8
30 Volant des clochers aux sommets ; 8
Puis, tout rentre dans le silence… 8
Et pourtant je ne dors jamais ! 8
Si l’amitié, si la nature 8
Avaient un remède à m’offrir, 8
35 S’il est un baume à ma blessure, 8
C’est là que je devais guérir. 8
Mais, puisque je vais, pâle et triste, 8
Au mal rongeur toujours soumis, 8
Puisque ma souffrance résiste 8
40 A ce soleil, à ces amis, 8
Chers enfants, il faut que j’achève 8
Ce voyage au pays des fleurs ; 8
Car c’est trop de subir, sans trêve, 8
Et votre absence et mes douleurs. 8
45 Je pense à notre maison pleine 8
De tous ceux à qui j’appartiens… 8
Réchauffez-moi de votre haleine, 8
Ouvrez-moi vos cœurs !… je reviens, 8
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