XXXIV |
MORTS POUR LA PATRIE |
Lu à l’inauguration du monument consacré par les anciens élèves
du Lycée de Lyon aux camarades morts pour la France 1870-1871.
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Quand viendra votre tour d’entrer dans la carrière, |
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Jeunes gens qu’on prépare à de mâles travaux, |
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Si parmi vos aînés dont la patrie est fière, |
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Vous prenez un modèle et cherchez des rivaux, |
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Ni l’or, ni le pouvoir, ni la gloire elle-même, |
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Ne vous désigneront les plus grands, les meilleurs, |
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N’ayez pas le succès pour idéal suprême : |
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Levez plus haut votre âme et regardez ailleurs. |
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La vertu difficile est le but de la vie ; |
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Des héros de tout temps, amis, vous l’apprendrez : |
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Pour être ambitieux d’un sort digne d’envie, |
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Lisez ces noms obscurs… et désormais sacrés ! |
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Ils rentreront, demain, dans le silence et l’ombre ; |
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Mais sur ces humbles murs vous viendrez les revoir. |
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Bienheureux ces martyrs oubliés dans le nombre : |
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Ils ont plus que la gloire… ILS ONT FAIT LEUR DEVOIR ! |
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Leur nom n’est pas signé sur quelque œuvre éphémère, |
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Nul titre étincelant ne luit sur leur tombeau ; |
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Mais, soldats, ils sont morts pour la France leur mère. |
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Honneur à la vertu, le génie est moins beau. |
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Ils sont morts écrasés par les destins contraires ; |
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Mais ne parlons pas d’eux, amis, en gémissant : |
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À ces nobles vaincus, vous leurs fils, ou leurs frères, |
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Ne donnez pas de pleurs, vous leur devez du sang ! |
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Ils ont fait leur devoir, et vous ferez le vôtre ! |
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Vous le ferez, amis, avec plus de bonheur. |
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Votre combat sera plus vaillant que le nôtre : |
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Nous avons eu le deuil, et vous aurez l’honneur. |
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Prononcez mieux que nous ce saint nom : la Patrie ! |
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Osez enfin tout haut vous proclamer Français. |
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Soyez digne de vaincre, ô jeunesse aguerrie ! |
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FAITES VOTRE DEVOIR… Dieu fera le succès. |
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Vous apprenez ici toute noble science ; |
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On vous dresse à porter l’esprit et le cœur haut. |
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Avant tout, connaissez, adorez bien la France : |
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Voilà le grand savoir, aujourd’hui, qu’il nous faut. |
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Jadis, enfant, assis sur ces bancs où vous êtes, |
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Entre ces mêmes murs où nous menons un deuil, |
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J’entendais des récits de gloire et de conquêtes, |
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Et ce doux nom de France était tout mon orgueil. |
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Épris d’elle et d’Athène, et de Sparte et de Rome, |
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Je pleurais sur Caton et sur Léonidas. |
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Ces pleurs m’ont fait poète et m’ont fait honnête homme : |
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Amis, vous serez plus… vous serez des soldats ! |
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Depuis ces quarante ans, la lyre s’est trompée |
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En nous prêchant l’amour de nos voisins jaloux. |
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Réparez son erreur, enfants, à coups d’épée. |
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Vous aimerez après… mais, d’abord, vengez-nous. |
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Français, rien que Français, n’aimons plus que la France : |
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Sur nous, sur notre sang elle seule a des droits ; |
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Dans ces seules vertus plaçons notre espérance, |
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Et n’attendons plus rien des peuples et des rois. |
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De nos moindres soldats honorons la mémoire : |
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Ils sont morts sans prétendre à devenir fameux ; |
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C’est assez pour forcer quelque jour la victoire |
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D’obéir, de combattre et de mourir comme eux. |
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Savez-vous bien, amis, devant ces funérailles, |
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Pour vous, objets sacrés de nos plus chers souhaits. |
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Pour vous nos fils, pour vous le sang de nos entrailles. |
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Le destin que je rêve et le vœu que je fais ? |
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Je le fais pour nous tous, vieillards ou jeunes hommes, |
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Et tous à l’accomplir tenons-nous préparés ! |
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Ce vœu n’est qu’un devoir dans le deuil où nous sommes ; |
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La France me le dicte et vous l’approuverez : |
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Puissent, un jour, après les exploits les plus rares, |
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Au milieu des transports, dans nos murs triomphants, |
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À l’ombre des drapeaux repris sur les barbares, |
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Vos noms être inscrits LÀ des mains de vos enfants ! |
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Octobre 1875.
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