Métrique en Ligne
LAP_13/LAP173
Victor de LAPRADE
LE LIVRE D'UN PÈRE
1877
XV
PETITS INGRATS
Petits ingrats, mauvaises têtes, 8
Méchants que je ne veux plus voir, 8
Savez-vous le mal que vous faites 8
Lorsque vous manquez au devoir ? 8
5 Sitôt que vous n’êtes pas sages, 8
Nos amis, de très bonne foi, 8
M’accablent de tristes présages 8
Sur vous tous et même sur moi. 8
« Je vous rends de mauvais services 8
10 J’ai gâté ces vilains enfants ; 8
Je suis cause de tous vos vices… » 8
À peine si je me défends ! 8
Je cherche, au dedans de moi-même, 8
À m’excuser sur quelque point ; 8
15 Pour quelles raisons je vous aime ?… 8
Et, vraiment, je n’en trouve point. 8
Vous travaillez avec paresse, 8
Vous êtes grognons, étourdis ; 8
Et, quand je parle de sagesse, 8
20 Vous riez à ce que je dis. 8
On ne m’a pas fait de mensonge : 8
Je fus trop facile et trop doux… 8
Et — je tremble, hélas ! quand j’y songe, 8
Je suis responsable de vous ! 8
25 Jamais le monde ne fait grâce, 8
Vous le saurez tous, mais trop tard ; 8
Et du châtiment qui menace 8
Le pauvre père aura sa part. 8
Si par orgueil, ou par paresse, 8
30 Vous prenez de mauvais chemins, 8
Songez au nom que je vous laisse : 8
Ma mémoire est entre vos mains. 8
Vous savez le but de ma vie ? 8
C’est vous. Et j’ai mis mon bonheur 8
35 À travailler, sans autre envie 8
due d’accroître un peu votre honneur. 8
Vers ce but j’ai marché sans trêve 8
Et j’y marcherai jusqu’au soir. 8
Pauvres enfants, de mon beau rêve 8
40 Vous pouvez me faire déchoir ! 8
On dira : « Ce n’était, en somme, 8
Qu’un rimeur, à tort à travers ; 8
Mieux vaudrait nous laisser un homme 8
Que ces dix volumes de vers. 8
45 Tous ces rimeurs, en vers, en prose, 8
Ils prennent des airs triomphants… 8
Celui-là ne fut pas grand’chose 8
S’il ressemblait à ses enfants. » 8
Vous ne voudrez pas, je l’espère, 8
50 Rétifs, joueurs immodérés, 8
Qu’on parle ainsi de votre père 8
Et de ceux qu’il a vénérés. 8
Nous avons tous, en ce bas monde, 8
Petits et grands, dès le bercail, 8
55 La même loi simple et féconde : 8
Obéir, aimer le travail. 8
Travaillez ! des heures d’étude 8
Ne perdez pas un seul instant ; 8
Ce serait une ingratitude 8
60 Pour celui qui vous aime tant. 8
Il faut que chacun se surmonte ; 8
Quand je vous vois sots, négligents, 8
Je ne puis pardonner sans honte 8
Même aux yeux les plus indulgents. 8
65 Mais il me semble qu’on raisonne 8
Et qu’on sourit… Petits ingrats ! 8
Ne vous montrez plus à personne… 8
Venez vous cacher dans mes bras. 8
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