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LAP_13/LAP171
Victor de LAPRADE
LE LIVRE D'UN PÈRE
1877
XIII
LE DROIT D’AÎNESSE
Te voilà fort et grand garçon, 8
Tu vas entrer dans la jeunesse ; 8
Reçois ma dernière leçon : 8
Apprends quel est ton droit d’aînesse. 8
5 Pour le connaître en sa rigueur 8
Tu n’as pas besoin d’un gros livre ; 8
Ce droit est écrit dans ton cœur… 8
Ton cœur ! c’est la loi qu’il faut suivre. 8
Afin de le comprendre mieux, 8
10 Tu vas y lire avec ton père, 8
Devant ces portraits des aïeux 8
Qui nous aideront, je l’espère. 8
Ainsi que mon père l’a fait, 8
Un brave aîné de notre race 8
15 Se montre fier et satisfait 8
En prenant la plus dure place. 8
À lui le travail, le danger, 8
La lutte avec le sort contraire ; 8
À lui l’orgueil de protéger 8
20 La grande sœur, le petit frère. 8
Son épargne est le fonds commun 8
Où puiseront tous ceux qu’il aime ; 8
Il accroît la part de chacun 8
De tout ce qu’il s’ôte à lui-même. 8
25 Il voit, au prix de ses efforts, 8
Suivant les traces paternelles, 8
Tous les frères savants et forts, 8
Toutes les sœurs sages et belles. 8
C’est lui qui, dans chaque saison, 8
30 Pourvoyeur de toutes les fêtes, 8
Fait abonder dans la maison 8
Les fleurs, les livres des poètes, 8
Il travaille, enfin, nuit et jour : 8
Qu’importe ! les autres jouissent. 8
35 N’est-il pas le père à son tour ? 8
S’il vieillit, les enfants grandissent ! 8
Du poste où le bon Dieu l’a mis 8
Il ne s’écarte pas une heure ; 8
Il y fait tête aux ennemis, 8
40 Il y mourra, s’il faut qu’il meure ! 8
Quand le berger manque au troupeau, 8
Absent, hélas ! ou mort peut-être, 8
Tel, pour la brebis et l’agneau, 8
Le bon chien meurt après son maître. 8
45 Ainsi, quand Dieu me reprendra, 8
Tu sais, dans notre humble héritage, 8
Tu sais le lot qui t’écherra 8
Et qui te revient sans partage. 8
Nos chers petits seront heureux, 8
50 Mais il faut qu’en toi je renaisse. 8
Veiller, lutter, souffrir pour eux… 8
Voilà, mon fils, ton droit d’aînesse ! 8
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