|
Vous savez bien pour qui j’ai ces vastes pensées, |
12 |
|
Et ces ambitions autrefois repoussées. |
12 |
|
Vous savez si, cherchant ou le pouvoir ou l’or, |
12 |
|
Autre part qu’en vos cœurs j’ai placé mon trésor ! |
12 |
45 |
Mais, pour mes bien-aimés, je suis insatiable. |
12 |
|
Qu’importent mes vieux jours que la souffrance accable, |
12 |
|
Si, comblé par le ciel dans mes vœux les plus doux, |
12 |
|
Tout ce que je n’eus pas, je vous le donne à vous ! |
12 |
|
Si, travaillant d’accord avec la Providence, |
12 |
50 |
Je laisse aux chers petits la joie et l’abondance ! |
12 |
|
Si je les ai faits tels, si fiers, si généreux, |
12 |
|
Que l’honneur de mon nom s’agrandisse par eux ! |
12 |
|
S’ils gardent mieux que moi, tout en suivant ma trace, |
12 |
|
Les solides vertus qui fondent une race ! |
12 |
55 |
Si, de plusieurs degrés rehaussant la maison, |
12 |
|
Ils se font de leurs mains un solide blason ! |
12 |
|
Jadis j’avais rêvé d’ennoblir mes ancêtres, |
12 |
|
Je me réglais sur eux, je les prenais pour maîtres… |
12 |
|
Il me serait, au prix des efforts que je fis, |
12 |
60 |
Bien doux d’être à mon tour ennobli par mes fils ! |
12 |
|
Je sais que peu de noms s’inscrivent dans l’histoire ; |
12 |
|
Mais on acquiert l’honneur à défaut de la gloire : |
12 |
|
On se voit estimé des esprits exigeants ; |
12 |
|
Si l’on n’a pas la foule, on a les braves gens. |
12 |
65 |
Fallût-il renoncer à ce lustre modeste, |
12 |
|
Le bonheur est possible et la vertu nous reste ; |
12 |
|
Et, sous son toit obscur, l’honnête homme a du moins |
12 |
|
Les âmes de ses morts et son Dieu pour témoins ! |
12 |
|
J’applaudirais d’en haut vos victoires secrètes… |
12 |
70 |
Mais je reprends mon rêve, et je vous vois poètes. |
12 |
|
Soldats, penseurs, guidant les cités d’un bras fort. |
12 |
|
Et, de plus, satisfaits de vous comme du sort ; |
12 |
|
Puis, joyeux, animés d’une secrète flamme, |
12 |
|
Capables de goûter les voluptés de l’âme, |
12 |
75 |
Atteignant de votre art le suprême degré, |
12 |
|
Et touchant les hauteurs où j’ai tant aspiré. |
12 |
|
Voilà de quels espoirs s’aiguise mon courage ; |
12 |
|
Voilà pourquoi je lutte et m’excite à l’ouvrage ; |
12 |
|
Voilà quels rêves d’or, dans mes nuits sans sommeil, |
12 |
80 |
Me font, sans un murmure, attendre le soleil. |
12 |
|
Enfants ! mon cher secours en mes peines amères, |
12 |
|
Je vous bénis encor pour toutes ces chimères ; |
12 |
|
Mon souci paternel m’est doux et bienfaisant, |
12 |
|
Car il aide mon cœur à fuir loin du présent. |
12 |
85 |
Ainsi, grâce à vous tous, et grâce à ma tendresse, |
12 |
|
Je puis porter encor mes maux et la vieillesse, |
12 |
|
Et, par vos douces mains tiré de ma langueur, |
12 |
|
Retrouver quelquefois mon esprit et mon cœur. |
12 |
|
Peut-être, aidé par vous, j’achèverai ce livre ; |
12 |
90 |
Vous êtes ma raison d’espérer et de vivre. |
12 |