Métrique en Ligne
LAM_7/LAM134
Alphonse de LAMARTINE
HARMONIES POÉTIQUES ET RELIGIEUSES
1830
LIVRE QUATRIÈME
HARMONIE XI
NOVISSIMA VERBA
OU
MON ÂME EST TRISTE JUSQU'A LA MORT !
La nuit roule en silence autour de nos demeures 12
Sur les vagues du ciel la plus noire des heures ; 12
Nul rayon sur mes yeux ne pleut du firmament. 12
Et la brise n'a plus, même un gémissement. 12
5 Une plainte, qui dise à mon âme aussi sombre : 12
Quelque chose avec toi meurt et se plaint dans l'ombre 12
Je n'entends au dehors que le lugubre bruit 12
Du balancier qui dit : le temps marche et te fuit ! 12
Au dedans, que le pouls, balancier de la vie, 12
10 Dont les coups inégaux, dans ma tempe engourdie, 12
M'annoncent sourdement que le doigt de la mort 12
De la machine humaine a pressé le ressort. 12
Et que, semblable au char qu'un coursier précipite, 12
C'est pour mieux se briser qu'il s'élance plus vite ! 12
🙫
15 El c'est donc là le terme ! — Ah ! s'il faut une fois 12
Que chaque homme à son tour élève enfin la voix, 12
C'est alors ! c'est avant qu'une terre glacée 12
Engloutisse avec lui sa dernière pensée ! 12
C'est à cette heure même, où prête à s'exhaler, 12
20 Toute âme a son secret qu'elle veut révéler. 12
Son mot à dire au monde, à la mort, à la vie, 12
Avant que pour jamais, éteinte, évanouie, 12
Elle n'ait disparu, comme un feu de la nuit 12
Oui ne laisse après soi ni lumière ni bruit ! 12
25 Que laissons-nous, ô vie, hélas ! quand tu t'envoles ? 12
Rien, que ce léger bruit des dernières paroles, 12
Court écho de nos pas, pareil au bruit plaintif 12
Que fait en palpitant la voile de l'esquif. 12
Au murmure d'une eau courante et fugitive, 12
30 Qui gémit sur sa pente, et se plaint à sa rive ; 12
Ah ! donnons-nous du moins ce charme consolant 12
D'entendre murmurer ce souffle en l'exhalant ! 12
Parlons ! puisqu'un vain son que suit un long silence 12
Est le seul monument de toute une existence, 12
35 La pierre qui constate une vie ici-bas ! 12
Comme ces marbres noirs qu'on élève au trépas, 12
Dans ces champs, du cercueil solitaire domaine, 12
Qui marquent d'une date une poussière humaine. 12
Et disent à noire œil de néant convaincu : 12
40 Un homme a passé là ! celte argile a vécu 12
🙫
Paroles, faible écho qui trompez le génie ! 12
Enfantement sans fruit ! douloureuse agonie 12
De l'âme consumée en efforts impuissants, 12
Qui veut se reproduire au moins dans ses accents, 12
45 Et qui, lorsqu'elle croit contempler son image, 12
Vous voit évanouir en fumée, en nuage ! 12
Ah ! du moins aujourd'hui servez mieux ma douleur ! 12
Condensez-vous, semblable à l'ardente vapeur 12
Qui s'élevant le soir des sommets de la terre, 12
50 Se condense en nuée et jaillit en tonnerre ; 12
Comme l'eau des torrents, parole, amasse-toi ! 12
Afin de révéler ce qui s'agite en moi ! 12
Pour dire à cet abîme appelé vie ou tombe, 12
A la nuit d'où je sors, à celle où je retombe, 12
55 A ce je ne sais quoi qui m'envie un instant ; 12
Pour lui dire à mon tour, sans savoir s'il m'entend : 12
Et moi je passe aussi parmi l'immense foule 12
D'êtres créés, détruits, qui devant toi s'écoule ; 12
J'ai vu, pensé, senti, souffert, et je m'en vais, 12
60 Ébloui d'un éclair qui s'éteint pour jamais. 12
Et saluant d'un cri d'horreur ou d'espérance 12
La rive que je quitte et celle où je m'élance, 12
Comme un homme jugé, condamné sans retour 12
A se précipiter du sommet d'une tour. 12
65 Au moment formidable où son pied perd la cime. 12
D'un cri de désespoir remplit du moins l'abîme ! 12
🙫
J'ai vécu ; c'est-à-dire à moi même inconnu 12
Ma mère en gémissant m'a jeté faible et nu ; 12
J'ai compté dans le ciel le coucher et l'aurore 12
70 D'un astre qui descend pour remonter encore, 12
El dont l'homme qui s'use à les compter en vain ! 12
Attend toujours trompé, toujours un lendemain ; 12
Mon âme a, quelques jours, animé de sa vie 12
Un peu de cette fange à ces sillons ravie, 12
75 Qui répugnait à vivre et tendait à la mort, 12
Faisait pour se dissoudre un éternel effort, 12
Et que par la douleur je retenais à peine ; 12
La douleur ! nœud fatal, mystérieuse chaîne, 12
Qui dans l'homme étonné réunit pour un jour 12
80 Deux natures luttant dans un contraire amour 12
Et dont chacune à part serait digne d'envie, 12
L'une dans son néant et l'autre dans sa vie, 12
Si la vie et la mort ne sont pas même, hélas ! 12
Deux mots créés par l'homme et que Dieu n'entend pas ! 12
85 Maintenant ce lien que chacun d'eux accuse, 12
Prêt à se rompre enfin sous la douleur qui l'use, 12
Laisse s'évanouir comme un rêve léger 12
L'inexplicable tout qui veut se partager ; 12
Je ne tenterai pas d'en renouer la trame. 12
90 J'abandonne à leur chance et mes sens et mon âme : 12
Qu'ils aillent où Dieu sait, chacun de leur côté. 12
Adieu monde fuyant ! nature, humanité, 12
Vaine forme de l'être, ombre d'un météore. 12
Nous nous connaissons trop pour nous tromper encore ! 12
🙫
95 Oui, je te connais trop, ô vie ! et j'ai goûté 12
Tous tes flots d'amertume et de félicité, 12
Depuis les doux flocons de la brillante écume 12
Qui nage aux bords dorés de (a coupe qui fume, 12
Quand l'enfant enivré lui sourit et croit voir 12
100 Une immortalité dans l'aurore et le soir, 12
Ou que brisant ses bords contre sa dent avide 12
Le jeune homme d'un trait la savoure et la vide 12
Jusqu'à la lie épaisse et fade, que le temps 12
Dépose au fond du vase, et mêle aux flots restants ; 12
105 Quand de sa main tremblante un vieillard la soulève 12
Et par seule habitude en répugnant l'achève ; 12
Tu n'es qu'un faux sentier qui retourne à la mort ! 12
Un fleuve qui se perd au sable dont il sort. 12
Une dérision d'un être habile à nuire, 12
110 Qui s'amuse sans but à créer pour détruire. 12
Et qui de nous tromper se fait un divin jeu ! 12
Ou plutôt, n'es-tu pas une échelle de feu 12
Dont l'échelon brûlant s'attache au pied qui monte. 12
Et qu'il faut cependant que tout mortel affronte ? 12
🙫
115 Que tu sais bien dorer ton magique lointain ! 12
Qu'il est beau l'horizon de ton riant matin ! 12
Quand le premier amour et la fraîche espérance 12
Nous entr'ouvrent l'espace où notre âme s'élance 12
N'emportant avec soi qu'innocence et beauté, 12
120 Et que d'un seul objet notre cœur enchanté 12
Dit comme Roméo : « Non, ce n'est pas l'aurore ! 12
« Aimons toujours ! l'oiseau ne chante pas encore ! » 12
Tout le bonheur de l'homme est dans ce seul instant ; 12
Le sentier de nos jours n'est vert qu'en le montant ! 12
125 De ce point de la vie où l'on en sent le terme 12
On voit s'évanouir tout ce qu'elle renferme ; 12
L'espérance reprend son vol vers l'orient ; 12
On trouve au fond de tout le vide et le néant ; 12
Avant d'avoir goûté l'Âme se rassasie ; 12
130 Jusque dans cet amour qui peut créer la vie 12
On entend une voix : Vous créez pour mourir ! 12
Et le baiser de feu sent un frisson courir ! 12
Quand le bonheur n'a plus ni lointain ni mystère, 12
Quand le nuage d'or laisse à nu cette terre, 12
135 Quand la vie une fois a perdu son erreur, 12
Quand elle ne ment plus, c'en est fait du bonheur ! 12
🙫
Amour, être de l'être ! amour, âme de l'âme ! 12
Nul homme plus que moi ne vécut de ta flamme ! 12
Nul brûlant de ta soif sans jamais l'épuiser 12
140 N'eût sacrifié plus pour l'immortaliser ! 12
Nul ne désira plus dans l'autre âme qu'il aime 12
De concentrer sa vie en se perdant soi-même, 12
Et dans un monde à part de toi seul habité 12
De se faire à lui seul sa propre éternité ! 12
145 Femmes ! anges mortels ! création divine ! 12
Seul rayon dont la vie un moment s'illumine ! 12
Je le dis à cette heure, heure de vérité. 12
Comme je l'aurais dit, quand devant la beauté 12
Mon cœur épanoui qui se sentait éclore 12
150 Fondait comme une neige aux rayons de l'aurore 12
Je ne regrette rien de ce monde que vous ! 12
Ce que la vie humaine a d'amer et de doux, 12
Ce qui la fait brûler, ce qui trahit en elle 12
Je ne sais quel parfum de la vie immortelle. 12
155 C'est vous seules ! Par vous toute joie est amour ! 12
Ombre des biens parfaits du céleste séjour, 12
Vous êtes ici-bas la goutte sans mélange 12
Que Dieu laissa tomber de la coupe de l'ange ! 12
L'étoile qui brillant dans une vaste nuit 12
160 Dit seule à nos regards qu'un autre monde luit ! 12
Le seul garant enfin que le bonheur suprême, 12
Ce bonheur que l'amour puise dans l'amour même. 12
N'est pas un songe vain créé pour nous tenter, 12
Qu'il existe, ou plutôt qu'il pourrait exister, 12
165 Si, brûlant à jamais du feu qui nous dévore, 12
Vous et l'être adoré dont l'âme vous adore, 12
L'innocence, l'amour, le désir, la beauté, 12
Pouvaient ravir aux dieux leur immortalité ! 12
🙫
Quand vous vous desséchez sur le cœur qui vous aime. 12
170 Ou que ce cœur flétri se dessèche lui-même . 12
Quand le foyer divin qui brûle encore en nous 12
Ne peut plus rallumer sa flamme éteinte en vous. 12
Que nul sein ne bat plus quand le nôtre soupire. 12
Que nul front ne rougit sous notre œil qu'il attire. 12
175 Et que la conscience avec un cri d'effroi 12
Nous dit : Ce n'est plus toi qu'elles aiment en toi ! 12
Alors, comme un esprit exilé de sa sphère 12
Se résigne en pleurant aux ombres de la terre, 12
Détachant de vos pas nos yeux voilés de pleurs, 12
180 Aux faux biens d'ici-bas nous dévouons nos cœurs ; 12
Les uns, sacrifiant leur vie à leur mémoire. 12
Adorent un écho qu'ils appellent la gloire ; 12
Ceux-ci de la faveur assiègent les sentiers 12
Et veulent au néant arriver les premiers ! 12
185 Ceux-là, des voluptés vidant la coupe infâme. 12
Pour mourir tout vivants assoupissent leur âme ; 12
D'autres, accumulant pour enfouir encor. 12
Recueillent dans la fange une poussière d'or ; 12
Mais mon œil a percé ces ombres de la vie ; 12
190 Aucun de ces faux biens que le vulgaire envie. 12
Gloire, puissance, orgueil, éprouvés tour à tour, 12
N'ont pesé dans mon cœur un soupir de l'amour, 12
D'un de ses souvenirs même effacé la trace, 12
Ni de mon âme une heure agité la surface, 12
195 Pas plus que le nuage ou l'ombre des rameaux 12
Ne ride en s'y peignant la surface des eaux. 12
Après l'amour éteint si je vécus encore, 12
C'est pour la vérité, soif aussi qui dévore ! 12
🙫
Ombre de nos désirs, trompeuse vérité, 12
200 Que de nuits sans sommeil ne m'as-tu pas coûté ! 12
A moi, comme aux esprits fameux de tous les âges 12
Que l'ignorance humaine, hélas ! appela sages. 12
Tandis qu'au fond du cœur riant de leur vertu. 12
Ils disaient en mourant : Science, que sais-tu ? 12
205 Ah ! si ton pur rayon descendait sur la terre. 12
Nous tomberions frappés comme par le tonnerre ! 12
Mais ce désir est faux comme tous nos désirs ; 12
C'est un soupir de plus parmi nos vains soupirs ! 12
La tombe est de l'amour le fond lugubre et sombre . 12
210 La vérité toujours a nos erreurs pour ombre, 12
Chaque jour prend pour elle un rêve de l'esprit 12
Qu'un autre jour salue, adore et puis maudit ! 12
🙫
Avez-vous vu, le soir d'un jour mêlé d'orage, 12
Le soleil qui descend de nuage en nuage, 12
215 A mesure qu'il baisse et relire le jour 12
De ses reflets de feu les dorer tour à tour ? 12
L'œil les voit s'enflammer sous son disque qui passe. 12
Et dans ce voile ardent croit adorer sa trace ; 12
Le voilà ! dites-vous, dans la blanche toison 12
220 Que le souffle du soir balance à l'horizon ! 12
Le voici dans les feux dont celte pourpre éclate ! 12
Non, non, c'est lui qui lient ces flocons d'écarlate ! 12
Non, c'est lui qui, trahi par ce flux de clarté, 12
A fendu d'un rayon ce nuage argenté ! 12
225 Voile impuissant ! le jour sous l'obstacle étincelle ! 12
C'est lui ! la nue est pleine et la pourpre en ruisselle ! 12
Et tandis que votre œil à cette ombre attaché 12
Croit posséder enfin l'astre déjà couché, 12
La nue à vos regards fond et se décolore ; 12
230 Ce n'est qu'une vapeur qui flotte et s'évapore ; 12
Vous le cherchez plus loin, déjà, déjà trop tard ! 12
Le soleil est toujours au delà du regard ! 12
Et le suivant en vain de nuage en nuage. 12
Non, ce n'est jamais lui, c'est toujours son image ! 12
235 Voilà la vérité ! Chaque siècle à son tour 12
Croit soulever son voile et marcher à son jour. 12
Mais celle qu'aujourd'hui notre ignorance adore 12
Demain n'est qu'un nuage ; une autre est près d'éclore ! 12
A mesure qu'il marche et la proclame en vain, 12
240 La vérité qui fuit trompe l'espoir humain, 12
Et l'homme qui la voit dans ses reflets sans nombre 12
En croyant l'embrasser n'embrasse que son ombre ! 12
Mais les siècles déçus sans jamais se lasser 12
Effacent leur chemin pour le recommencer ! 12
🙫
245 La vérité complète est le miroir du monde ; 12
Du jour qui sort de lui Dieu le frappe et l'inonde, 12
Il s'y voit face à face, et seul il peut s'y voir ; 12
Quand l'homme ose toucher à ce divin miroir, 12
Il se brise en éclats sous la main des plus sages. 12
250 Et ses fragments épars sont le jouet des âges ! 12
Chaque siècle, chaque homme, assemblant ses débris, 12
Dit : Je réunirai ces lueurs des esprits, 12
Et dans un seul foyer concentrant la lumière, 12
La nature à mes yeux paraîtra tout entière ! 12
255 Il dit, il croit, il tente, il rassemble en tous lieux 12
Les lumineux fragments d'un tout mystérieux. 12
D'un espoir sans limite eh rêvant il s'embrase. 12
Des systèmes humains il élargit la base, 12
Il encadre au hasard, dans cette immensité, 12
260 Système, opinion, mensonge, vérité ! 12
Puis, quand il croit avoir ouvert assez d'espace 12
Pour que dans son foyer l'infini se retrace, 12
Il y plonge ébloui ses avides regards, 12
Un jour foudroyant sort de ces morceaux épars ! 12
265 Mais son œil, partageant l'illusion commune. 12
Voit mille vérités où Dieu n'en a mis qu'une ! 12
Ce foyer, où le tout ne peut jamais entrer, 12
Disperse les lueurs qu'il devait concentrer ; 12
Comme nos vains pensers l'un l'autre se détruisent. 12
270 Ses rayons divergents se croisent et se brisent ; 12
L'homme brise à son tour son miroir en éclats, 12
Et dit, en blasphémant : Vérité, tu n'es pas ! 12
🙫
Non, tu n'es pas en nous ! lu n'es que dans nos songes ! 12
Le fantôme changeant de nos propres mensonges ! 12
275 Le reflet fugitif de quelque astre lointain. 12
Que l'homme croit saisir et qui fond sous sa main ! 12
L'écho vide et moqueur des mille voix de l'homme, 12
Oui nous répond toujours par le mot qu'on te nomme ! 12
Ta poursuite insensée est sa dernière erreur ! 12
280 Mais ce vain désir même a tari dans mon cœur, 12
Je ne cherche plus rien à tes clartés funèbres. 12
Je m'abandonne en paix à ces flots de ténèbres, 12
Comme le nautonnier, quand le pôle est perdu. 12
Quand sur l'étoile même un voile est étendu. 12
285 Laissant flotter la barre au gré des vagues sombres, 12
Croise les bras et siffle, et se résigne aux ombres. 12
Sûr de trouver partout la ruine et la mort, 12
Indifférent au moins par quel vent, sur quel bord ! 12
🙫
Ah ! si vous paraissiez sans ombre et sans emblème, 12
290 Source de la lumière et toi lumière même. 12
Âme de l'infini, qui resplendit de toi ! 12
Si, frappés seulement d'un rayon de la foi. 12
Nous te réfléchissions dans notre intelligence. 12
Comme une mer obscure où nage un disque immense. 12
295 Tout s'évanouirait devant ce pur soleil. 12
Comme l'ombre au matin, comme un songe au réveil ; 12
Tout s'évaporerait sous le rayon de flamme, 12
La matière, et l'esprit, et les formes, et l'âme, 12
Tout serait pour nos yeux à ta pure clarté 12
300 Ce qu'est la pâle image à la réalité ! 12
La vie, à ton aspect, ne serait plus la vie. 12
Elle s'élèverait triomphante et ravie, 12
Ou, si ta volonté comprimait son transport. 12
Elle ne serait plus qu'une éternelle mort ! 12
305 Malgré le voile épais qui te cache à ma vue, 12
Voilà, voilà mon mal ! c'est ta soif qui me lue ! 12
Mon âme n'est vers toi qu'un éternel soupir, 12
Une veille, que rien ne peut plus assoupir. 12
Je meurs de ne pouvoir nommer ce que j'adore. 12
310 Et si tu m'apparais ! tu vois, je meurs encore ! 12
🙫
Et de mon impuissance à la fin convaincu, 12
Me voilà ! demandant si j'ai jamais vécu, 12
Touchant au terme obscur de mes courtes années, 12
Comptant mes pas perdus et mes heures sonnées. 12
315 Aussi surpris de vivre, aussi vide, aussi nu. 12
Que le jour où l'on dit : Un enfant m'est venu ! 12
Prêt à rentrer sous l'herbe, à tarir, à me taire, 12
Comme le filet d'eau qui, surgi de la terre, 12
Y rentre de nouveau par la terre englouti 12
320 A quelques pas du sol dont il était sorti ! 12
Seulement, celte eau fuit sans savoir qu'elle coule ; 12
Ce sable ne sait pas où la vague le roule ; 12
Ils n'ont ni sentiment, ni murmure, ni pleurs. 12
Et moi, je vis assez pour sentir que je meurs ! 12
325 Mourir ! ah ! ce seul mot fait horreur de la vie ! 12
L'éternité vaut-elle une heure d'agonie ? 12
La douleur nous précède, et nous enfante au jour, 12
La douleur à la mort nous enfante à son tour ! 12
Je ne mesure plus le temps qu'elle me laisse. 12
330 Comme je mesurais, dans ma verte jeunesse, 12
En ajoutant aux jours de longs jours à venir. 12
Mais, en les retranchant de mon court avenir. 12
Je dis : Un jour de plus, un jour de moins ; l'aurore 12
Me retranche un de ceux qui me restaient encore ; 12
335 Je ne les attends plus, comme dans mon matin, 12
Pleins, brillants, et dorés des rayons du lointain, 12
Mais ternes, mais pâlis, décolorés et vides 12
Comme une urne fêlée et dont les flancs arides 12
Laissent fuir l'eau du ciel que l'homme y cherche en vain. 12
340 Passé sans souvenir, présent sans lendemain. 12
Et je sais que le jour est semblable à la veille. 12
Et le malin n'a plus de voix qui me réveille. 12
Et j'envie au tombeau le long sommeil qu'il dort, 12
Et mon âme est déjà triste comme la mort ! 12
🙫
345 Triste comme la mort ? et la mort souffre-t-elle ? 12
Le néant se plaint-il à la nuit éternelle ? 12
Ah ! plus triste cent fois que cet heureux néant 12
Qui n'a point à mourir et ne meurt pas vivant ! 12
Mon âme est une mort qui se sent et se souffre ; 12
350 Immortelle agonie ! abîme, immense gouffre, 12
Où la pensée eu vain cherchant à s'engloutir 12
En se précipitant ne peut s'anéantir ! 12
Un songe sans réveil ! une nuit sans aurore, 12
Un feu sans aliment qui brûle et se dévore !… 12
355 Une cendre brûlante où rien n'est allumé. 12
Mais où tout ce qu'on jette est soudain consumé ; 12
Un délire sans terme, une angoisse éternelle ! 12
Mon âme avec effroi regarde derrière elle 12
Et voit son peu de jours, passés, et déjà froids 12
360 Comme la feuille sèche autour du tronc des bois ; 12
Te regarde en avant et je ne vois que doute 12
Et ténèbres, couvrant le terme de la route ! 12
Mon être à chaque souffle exhale un peu de soi. 12
C'était moi qui souffrais, ce n'est déjà plus moi ! 12
365 Chaque parole emporte un lambeau de ma vie ; 12
L'homme ainsi s'évapore et passe ; et quand j'appuie 12
Sur l'instabilité de cet être fuyant, 12
A ses tortures près tout semblable au néant, 12
Sur ce moi fugitif insoluble problème 12
370 Oui ne se connaît pas et doute de soi-même. 12
Insecte d'un soleil, par un rayon produit, 12
Qui regarde une aurore et rentre dans sa nuit, 12
Et que sentant en moi la stérile puissance 12
D'embrasser l'infini dans mon intelligence. 12
375 J'ouvre un regard de Dieu sur la nature et moi, 12
Que je demande à tout : Pourquoi ? pourquoi ? pourquoi : 12
Et que pour seul éclair, et pour seule réponse. 12
Dans mon second néant je sens que je m'enfonce, 12
Que je m'évanouis en regrets superflus. 12
380 Qu'encore une demande et je ne serai plus !!! 12
Alors je suis tenté de prendre l'existence 12
Pour un sarcasme amer d'une aveugle puissance, 12
De lui parler sa langue ! et, semblable au mourant 12
Qui trompe l'agonie et rit en expirant. 12
385 D'abîmer ma raison dans un dernier délire 12
Et de finir aussi par un éclat de rire ! 12
🙫
Ou de dire : Vivons ! et dans la volupté 12
Noyons ce peu d'instants au néant disputé ! 12
Le soir vient ! dérobons quelques heures encore 12
390 Au temps qui nous les jette et qui nous les dévore ; 12
Enivrons-nous du moins de ce poison humain 12
Que la mort nous présente en nous cachant sa main ! 12
Jusqu'aux bords de la tombe il croît encor des roses, 12
De naissantes beautés pour le désir écloses. 12
395 Dont le cœur feint l'amour, dont l'œil sait l'imiter, 12
Et que l'orgueil ou l'or font encor palpiter ! 12
Plongeons-nous tout entiers dans ces mers de délices ; 12
Puis, au premier dégoût trouvé dans ces calices. 12
Avant l'heure où les sens de l'ivresse lassés 12
400 Font monter l'amertume et disent : C'est assez ! 12
Voilà la coupe pleine où de son ambroisie 12
Sous les traits du sommeil la mort éteint la vie ! 12
Buvons : voilà le flot qui ne fera qu'un pli 12
Et nous recouvrira d'un éternel oubli, 12
405 Glissons-y ; dérobons sa proie à l'existence ! 12
A la mort sa douleur, au destin sa vengeance. 12
Ces langueurs que la vie au fond laisse croupir. 12
Et jusqu'au sentiment de son dernier soupir ; 12
Et fût-il un réveil même à ce dernier somme. 12
410 Défions le destin de faire pis qu'un homme ! 12
🙫
Mais cette lâche idée, où je m'appuie en vain, 12
N'est qu'un roseau pliant qui fléchit sous ma main 12
Elle éclaire un moment le fond du précipice. 12
Mais comme l'incendie éclaire l'édifice, 12
415 Comme le feu du ciel dans le nuage errant 12
Éclaire l'horizon, mais en le déchirant ! 12
Ou comme la lueur lugubre et solitaire 12
De la lampe des morts qui veille sous la terre, 12
Éclaire le cadavre aride et desséché 12
420 Et le ver du sépulcre à sa proie attaché. 12
Non ! dans ce noir chaos, dans ce vide sans terme. 12
Mon âme sent en elle un point d'appui plus ferme, 12
La conscience ! instinct d'une autre vérité. 12
Oui guide par sa force et non par sa clarté, 12
425 Comme on guide l'aveugle en sa sombre carrière, 12
Par la voix, par la main, et non par la lumière. 12
Noble instinct ! conscience ! ô vérité du cœur ! 12
D'un astre encor voilé prophétique chaleur ! 12
Tu m'annonces toi seule en tes mille langages 12
430 Quelque chose qui luit derrière ces nuages ! 12
Dans quelque obscurité que tu plonges mes pas, 12
Même au fond de ma nuit lu ne t'égares pas ! 12
Quand ma raison s'éteint ton flambeau luit encore ! 12
Tu dis ce qu'elle tait ; tu sais ce qu'elle ignore ; 12
435 Quand je n'espère plus, l'espérance est ta voix ; 12
Quand je ne crois plus rien, tu parles et je crois ! 12
🙫
Et ma main hardiment brise et jette loin d'elle 12
La coupe des plaisirs, et la coupe mortelle ; 12
Et mon âme qui veut vivre et souffrir encor, 12
440 Reprend vers la lumière un généreux essor. 12
Et se fait dans l'abîme où la douleur la noie 12
De l'excès de sa peine une secrète joie ; 12
Comme le voyageur parti dès le matin. 12
Qui ne voit pas encor le terme du chemin, 12
445 Trouve le ciel brûlant, le jour long, le sol rude. 12
Mais fier de ses sueurs et de sa lassitude. 12
Dit en voyant grandir les ombres des cyprès : 12
J'ai marché si longtemps que je dois être près ! 12
A ce risque fatal, je vis, je me confie ; 12
450 Et dût ce noble instinct, sublime duperie, 12
Sacrifier en vain l'existence à la mort. 12
J'aime à jouer ainsi mon âme avec le sort ! 12
A dire, en répandant au seuil d'un autre monde 12
Mon cœur comme un parfum et mes jours comme une onde : 12
455 Voyons si la vertu n'est qu'une sainte erreur, 12
L'espérance un dé faux qui trompe la douleur, 12
Et si, dans cette lutte où son regard m'anime, 12
Le Dieu serait ingrat quand l'homme est magnanime ? 12
🙫
Alors, semblable à l'ange envoyé du Très-Haut 12
460 Qui vint sur son fumier prendre Job en défaut, 12
Et qui, trouvant son cœur plus fort que ses murmures, 12
Versa l'huile du ciel sur ses mille blessures ; 12
Le souvenir de Dieu descend, et vient à moi, 12
Murmure à mon oreille, et me dit : Lève-loi ! 12
465 Et ravissant mon âme à son lit de souffrance, 12
Sous les regards de Dieu l'emporte et la balance ; 12
Et je vois l'infini poindre et se réfléchir 12
Jusqu'aux mers de soleils que la nuit fait blanchir ; 12
Il répand ses rayons et voile la nature ; 12
470 Les concentre, et c'est Dieu ; lui seul est sa mesure ; 12
Il puise sans compter les êtres et les jours 12
Dans un être et des temps qui débordent toujours ; 12
Puis les rappelle à soi comme une mer immense 12
Qui relire sa vague et de nouveau la lance, 12
475 Et la vie et la mort sont sans cesse et sans fin 12
Ce flux et ce reflux de l'océan divin ! 12
Leur grandeur est égale et n'est pas mesurée 12
Par leur vile matière ou leur courte durée ; 12
Un monde est un atome à son immensité, 12
480 Un moment est un siècle à son éternité, 12
Et je suis, moi, poussière à ses pieds dispersée 12
Autant que les soleils, car je suis sa pensée ! 12
Et chacun d'eux reçoit la loi qu'il lui prescrit, 12
La matière en matière et l'esprit en esprit ! 12
485 Graviter est la loi de ces globes de flamme ; 12
Souffrir pour expier est le destin de l'âme ; 12
Et je combats en vain l'arrêt mystérieux. 12
Et la vie et la mort, tout l'annonce à mes yeux. 12
L'une et l'autre ne sont qu'un divin sacrifice ; 12
490 Le monde a pour salut l'instrument d'un supplice : 12
Sur ce rocher sanglant où l'arbre en fut planté 12
Les temps ont vu mûrir le fruit de vérité, 12
Et quand l'homme modèle et le Dieu du mystère, 12
Après avoir parlé, voulut quitter la terre. 12
495 Il ne couronna pas son front pâle et souffrant 12
Des roses que Platon respirait en mourant ; 12
Il ne fît point descendre une échelle de flamme 12
Pour monter triomphant par les degrés de l'âme ! 12
Son échelle céleste, à lui, fut une croix, 12
500 Et son dernier soupir, et sa dernière voix 12
Une plainte à son Père, un pourquoi sans réponse 12
Tout semblable à celui que ma bouche prononce !. 12
Car il ne lui restait que le doute à souffrir. 12
Cette mort de l'esprit qui doit aussi mourir !… 12
🙫
505 Ou bien de ces hauteurs rappelant ma pensée, 12
Ma mémoire ranime une trace effacée. 12
Et de mon cœur trompé rapprochant le lointain. 12
A mes soirs pâlissants rend l'éclat du matin, 12
Et de ceux que j'aimais l'image évanouie 12
510 Se lève dans mon âme ; et je revis ma vie ! 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Un jour, c'était aux bords où les mers du midi 12
Arrosent l'aloès de leur flot attiédi, 12
Au pied du mont brûlant dont la cendre féconde 12
Des doux vallons d'Enna fait le jardin du monde ; 12
515 C'était aux premiers jours de mon précoce été, 12
Quand le cœur porte en soi son immortalité, 12
Quand nulle feuille encor par l'orage jaunie 12
N'a tombé sous nos pas de l'arbre de la vie, 12
Quand chaque battement qui soulève le cœur 12
520 Est un immense élan vers un vague bonheur, 12
Que l'air dans notre sein n'a pas assez de place, 12
Le jour assez de feux, le ciel assez d'espace, 12
Et que le cœur plus fort que ses émotions 12
Respire hardiment le vent des passions, 12
525 Comme au réveil des flots la voile du navire 12
Appelle l'ouragan, palpite, et le respire ! 12
Et je ne connaissais de ce monde enchanté 12
Que le cœur d'une mère et l'œil d'une beauté ; 12
Et j'aimais ; et l'amour, sans consumer mon âme, 12
530 Dans une âme de feu réfléchissait sa flamme, 12
Comme ce mont brûlant que nous voyons fumer 12
Embrasait cette mer, mais sans la consumer ! 12
Et notre amour était beau comme l'espérance. 12
Long comme l'avenir, pur comme l'innocence. 12
🙫
535 Et son nom ? — Eh ! qu'importe un nom ! Elle n'est plus 12
Qu'un souvenir planant dans un lointain confus, 12
Dans les plis de mon cœur une image cachée, 12
Ou dans mon œil aride une larme séchée ! 12
Et nous étions assis à l'heure du réveil. 12
540 Elle et moi, seuls, devant la mer et le soleil. 12
Sur les pieds tortueux des châtaigniers sauvages 12
Oui couronnent l'Etna de leurs derniers feuillages ; 12
Et le jour se levait aussi dans notre cœur, 12
Long, serein, rayonnant, tout lumière et chaleur ; 12
545 Les brises qui du pin touchaient les larges faîtes, 12
Y prenaient une voix et chantaient sur nos têtes. 12
Par l'aurore attiédis les purs souffles des airs 12
En vagues de parfum montaient du lit des mers, 12
Et jusqu'à ces hauteurs apportaient par bouffées 12
550 Des flots sur les rochers les clameurs étouffées. 12
Des chants confus d'oiseaux, et des roucoulements, 12
Des cliquetis d'insecte ou des bourdonnements, 12
Mille bruits dont partout la solitude est pleine. 12
Que l'oreille retrouve et perd à chaque haleine, 12
555 Témoignages de vie et de félicité. 12
Qui disaient : Tout est vie, amour et volupté ! 12
Et je n'entendais rien que ma voix et la sienne, 12
La sienne, écho vivant qui renvoyait la mienne ; 12
Et ces deux voix d'accord, vibrant à l'unisson. 12
560 Se confondaient en une et ne formaient qu'un son ! 12
🙫
Et nos yeux descendaient d'étages en étages. 12
Des rochers aux forêts, des forêts aux rivages, 12
Du rivage à la mer, dont l'écume d'abord 12
D'une frange ondoyante y dessinait le bord, 12
565 Puis, étendant sans fin son bleu semé de voiles, 12
Semblait un second ciel tout blanchissant d'étoiles ; 12
Et les vaisseaux allaient et venaient sur les eaux, 12
Rasant le flot de l'aile ainsi que des oiseaux. 12
Et quelques-uns, glissant le long des hautes plages, 12
570 Mêlaient leurs mâts tremblants aux arbres des rivages. 12
Et jusqu'à ces sommets on entendait monter 12
Les voix des matelots que le flot fait chanter ! 12
Et l'horizon noyé dans des vapeurs vermeilles 12
S'y perdait ; et mes yeux, plongés dans ces merveilles, 12
575 S'égarant jusqu'aux bords de ce miroir si pur, 12
Remontaient dans le ciel de l'azur à l'azur, 12
Puis venaient, éblouis, se reposer encore 12
Dans un regard plus doux que la mer et l'aurore, 12
Dans les yeux enivrés d'un être ombre du mien. 12
580 Où mon délire encor se redoublait du sien ! 12
Et nous étions en paix avec cette nature, 12
Et nous aimions ces prés, ce ciel, ce doux murmure. 12
Ces arbres, ces rochers, ces astres, cette mer ; 12
Et toute notre vie était un seul aimer ! 12
585 Et notre âme, limpide et calme comme l'onde. 12
Dans la joie et la paix réfléchissait le monde ; 12
Et les traits concentrés dans ce brillant milieu 12
Y formaient une image, et l'image était… Dieu ! 12
Et cette idée, ainsi dans nos cœurs imprimée, 12
590 N'en jaillissait point tiède, inerte, inanimée. 12
Comme l'orbe éclatant du céleste soleil, 12
Oui flotte terne et froid dans l'océan vermeil. 12
Mais vivante, et brûlante, et consumant notre âme. 12
Comme sort du bûcher une odorante flamme ! 12
595 Et nos cœurs embrasés en soupirs s'exhalaient. 12
Et nous voulions lui dire… et nos cœurs seuls parlaient ; 12
Et qui m'eût dit alors qu'un jour la grande image 12
De ce Dieu pâlirait sous l'ombre du nuage, 12
Qu'il faudrait le chercher en moi, comme aujourd'hui. 12
600 Et que le désespoir pouvait douter de lui ? 12
J'aurais ri dans mon cœur de ma crainte insensée. 12
Ou j'aurais eu pitié de ma propre pensée ! 12
Et les jours ont passé courts comme le bonheur, 12
Et les ans ont brisé l'image de mon cœur. 12
605 Tout s'est évanoui !… mais le souvenir reste 12
De l'apparition matinale et céleste, 12
Et comme ces mortels des temps mystérieux 12
Que visitaient jadis des envoyés des cieux, 12
Quand leurs yeux avaient vu la divine lumière 12
610 S'attendaient à la mort et fermaient leur paupière 12
Au rayon pâlissant de mon soir obscurci, 12
Je dis : J'ai vu mon Dieu ; je puis mourir aussi ! 12
Mais celui dont la vie et l'amour sont l'ouvrage 12
N'a pas fait le miroir pour y briser l'image ! 12
🙫
615 Et, sûr de l'avenir, je remonte au passé ; 12
Quel est sur ce coteau du matin caressé, 12
Aux bords de ces flots bleus qu'un jour du matin dore, 12
Ce toit champêtre et seul d'où rejaillit l'aurore ? 12
La fleur du citronnier l'embaume, et le cyprès 12
620 L'enveloppe au couchant d'un rempart sombre et frais, 12
Et la vigne y couvrant de blanches colonnades, 12
Court en festons joyeux d'arcades en arcades ! 12
La colombe au col noir roucoule sur les toits. 12
Et sur les flots dormants se répand une voix, 12
625 Une voix qui cadence une langue divine, 12
Et d'un accent si doux que l'amour s'y devine. 12
Le portique au soleil est ouvert ; une enfant 12
Au front pur, aux yeux bleus, y guide en triomphant 12
Un lévrier folâtre aussi blanc que la neige. 12
630 Dont le regard aimant la flatte et la protège ; 12
De la plage voisine ils prennent le sentier 12
Qui serpente à travers le myrte et l'églantier ; 12
Une barque non loin, vide et légère encore, 12
Ouvre déjà sa voile aux brises de l'aurore. 12
635 Et berçant sur leurs bancs les oisifs matelots, 12
Semble attendre son maître, et bondit sur les flots ! 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
logo du CRISCO logo de l'université