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LAM_7/LAM123
Alphonse de LAMARTINE
HARMONIES POÉTIQUES ET RELIGIEUSES
1830
LIVRE TROISIÈME
HARMONIE XI
CANTATE POUR LES ENFANTS
D'UNE MAISON DE CHARITÉ
RÉCITATIF
Le temple de Sion était dans le silence ! 12
Les saints hymnes dormaient sur les harpes de Dieu . 12
Les foyers odorants que l'encensoir balance 12
S'éteignaient ; et l'encens, comme un nuage immense, 12
5 S'élevait en rampant sur les murs du saint lieu. 12
Les docteurs de la loi, les chefs de la prière. 12
Étaient assis dans leur orgueil, 8
Sous leurs sourcils pensifs ils cachaient leur paupière. 12
Ou lançaient sur la foule un superbe coup d'œil ; 12
10 Leur voix interrogeait la timide jeunesse, 12
Les rides de leurs fronts témoignaient leur sagesse ; 12
Respirant du Sina l'antique majesté, 12
De leurs cheveux blanchis, de leur barbe touffue, 12
On croyait voir glisser sur leur poitrine nue 12
15 La lumière et la charité, 8
Comme des neiges des montagnes 8
Descendent, ô Sâron, sur tes humbles campagnes 12
Le jour et la fertilité ! 8
Un enfant devant eux s'avança, plein de grâce ; 12
20 La foule, en l'admirant, devant ses pas s'ouvrait, 12
Puis se refermait sur sa trace ; 8
Il semblait éclairer l'espace 8
D'un jour surnaturel que lui seul ignorait ! 12
Des ombres de sa chevelure 8
25 Son front sortait, comme un rayon 8
Échappé de la nue obscure 8
Éclaire un sévère horizon. 8
Ce front pur et mélancolique 8
S'avançait sur l'œil inspiré. 8
30 Tel qu'un majestueux portique 8
S'avance sur un seuil sacré ! 8
L'éclair céleste de son âme 8
S'adoucissait dans son œil pur, 8
Comme une étoile dont la flamme 8
35 Sort plus douce des flots d'azur. 8
Il parla : les sages doutèrent 8
De leur orgueilleuse raison, 8
Et les colonnes l'écoutèrent, 8
Les colonnes de Salomon ! 8
PREMIÈRE VOIX
40 O merveilleuse histoire ! ô prodiges étranges 12
Que la mère à ses fils se plaît à raconter ! 12
DEUXIÈME VOIX
Que disait cet enfant ?
PREMIÈRE VOIX
Interrogez les anges
Eux seuls pourraient le répéter ! 8
DEUXIÈME VOIX
D'où sortait ce Joas ?
PREMIÈRE VOIX
De l'ombre de la vie,
45 De l'exil, du silence et de la pauvreté ! 12
DEUXIÈME VOIX
Comment disparut-il de la foule ravie ? 12
PREMIÈRE VOIX
Il rentra dans l'obscurité ; 8
Dans les humbles travaux d'une vie inconnue, 12
Comme l'aurore sous la nue, 8
50 Il se cacha vingt ans dans son humilité ; 12
On ne le revit plus qu'à la fin du mystère, 12
Enseignant le ciel à la terre. 8
Sur le sable ou sur l'eau semant la vérité, 12
Puis, traînant son supplice au sommet du Calvaire, 12
55 De l'homme qu'il aimait victime volontaire, 12
Revêtir l'iniquité, 7
Arroser de son sang sa semence prospère 12
Et payer à son père 6
Le monde racheté ! 6
LE CHŒUR
60 Du sage et de l'enfant c'est le maître sublime, 12
C'est le flambeau qui nous luit, 7
C'est l'âme qui nous anime, 7
Le chemin qui nous conduit ! 7
PREMIÈRE VOIX
Il disait à celui dont la main nous repousse : 12
65 Laissez-les venir à moi ! 7
DEUXIÈME VOIX
Et voilà qu'une main mystérieuse et douce 12
Tout petits jusqu'à lui nous mène par la foi ! 12
PREMIÈRE VOIX
Il disait : Faites-vous des trésors que la rouille 12
Ne puisse pas ronger sous d'impuissants verrous ! 12
DEUXIÈME VOIX
70 Et voilà que des mains, que ce seul mot dépouille. 12
S'ouvrent devant lui seul et s'épanchent sur nous ! 12
PREMIÈRE VOIX
Il disait : Espérez ! et fiez-vous au Père ! 12
L'hirondelle n'a point de palais sur la terre, 12
Elle trouve au sommet de la tour solitaire 12
75 Une tuile pour ses petits ! 8
Le passereau n'a pas semé la graine amère, 12
Mais de tous ses enfants la Providence est mère. 12
L'une a le toit du riche, et l'autre a ses épis ! 12
LE CHŒUR
Nous sommes l'hirondelle errante et sans asile, 12
80 Le toit de l'étranger nous prête ses abris ; 12
Le passereau de l'Évangile, 8
Nous ne moissonnons pas, et nous sommes nourris ! 12
DEUXIÈME VOIX
Que disait-il encoreencor ?
PREMIÈRE VOIX
Voyez sur la verdure
Éclater le lis du vallon ! 8
85 Pour se composer sa parure 8
Il n'a filé de lin, ni tissu de toison. 12
Et pourtant sa tunique est plus riche et plus pure 12
Que les robes de Salomon ! 8
LE CHŒUR
Nous sommes les lis des vallées, 8
90 Les tièdes laines des brebis 8
Par nous n'ont point été filées, 8
Et la main invisible a tissé nos habits ! 12
DEUXIÈME VOIX
Et nous, enfants, que peut notre reconnaissance ? 12
Nos toits sont sans trésor, et notre âge impuissant ! 12
95 Nous n'avons que nos mains à lever en silence 12
Vers cette Providence 6
D'où vient la récompense. 6
D'où le bienfait descend ! 6
PREMIÈRE VOIX
Et que pourraient de plus les rois et leur puissance ? 12
100 Pour nos modestes bienfaiteurs 8
Priez donc, élevez la voix de l'innocence ; 12
La prière s'épure en passant par vos cœurs ! 12
DEUXIÈME VOIX
Heureux l'homme pour qui la prière attendrie 12
S'élève des lèvres d'autrui ! 8
105 Il obtient par la voix de l'orphelin qui prie 12
Plus qu'il n'a fait pour lui. 6
PREMIÈRE VOIX
La prière est le don sans tache et sans souillure 12
Que devant l'autel du Très-Haut 8
L'homme doit présenter dans une argile pure 12
110 Et dans des vases sans défaut ; 8
Comment offrir ce don dans ce métal profane 12
Que sa sainteté nous défend ? 8
Du cristal ou de l'or que notre encens émane, 12
Le vase le plus pur est le cœur d'un enfant ! 12
DEUXIÈME VOIX
115 Le vœu souvent perdu de nos cœurs s'évapore ; 12
Mais ce vœu de nos cœurs par d'autres présenté, 12
Est comme un faible son dans un temple sonore, 12
Qui d'échos en échos, croissant et répété, 12
S'élève et retentit jusqu'à l'éternité ! 12
PREMIÈRE VOIX
120 Prions donc ! élevons la voix de l'innocence, 12
La prière s'épure en passant par nos cœurs ! 12
Les anges porteront à la Toute-Puissance 12
Nos bénédictions et l'encens de nos pleurs ! 12
Prions donc ! élevons la voix de l'innocence, 12
125 La prière s'épure en passant par nos cœurs ! 12
🙫
PRIÈRE
O toi dont l'oreille s'incline 8
Au nid du pauvre passereau. 8
Au brin d'herbe de la colline 8
Qui soupire après un peu d'eau ! 8
130 Providence qui les console, 8
Toi qui sais de quelle humble main 8
S'échappe la secrète obole 8
Dont le pauvre achète son pain ! 8
Toi qui tiens dans ta main diverse 8
135 L'abondance et la nudité, 8
Afin que de leur doux commerce, 8
Naissent justice et charité ! 8
Charge-toi seule, ô Providence, 8
De connaître nos bienfaiteurs, 8
140 Et de puiser leur récompense 8
Dans les trésors de tes faveurs ! 8
Noire cœur, qui pour eux t'implore, 8
A l'ignorance est condamné ; 8
Car toujours leur main gauche ignore 8
145 Ce que leur main droite a donné ! 8
Mais que le bienfait qui se cache 8
Sous l'humble manteau de la foi, 8
A leurs mains pieuses s'attache 8
Et les trahisse devant toi ! 8
150 Qu'un vœu qui dans leur cœur commence, 8
Que leurs soupirs les plus voilés 8
Soient exaucés dans ta clémence 8
Avant de t'être révélés ! 8
Que leurs mères dans leur vieillesse 8
155 Ne meurent qu'après des jours pleins ! 8
Et que les fils de leur jeunesse 8
Ne restent jamais orphelins ! 8
Mais que leur race se succède, 8
Comme les chênes de Membré, 8
160 Dont aux ans le vieux tronc ne cède 8
Que quand le jeune a prospéré ! 8
Ou comme ces eaux toujours pleines, 8
Dans les sources de Siloé, 8
Où nul flot ne sort des fontaines 8
165 Qu'après que d'autres ont coulé ! 8
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