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LAM_7/LAM120
Alphonse de LAMARTINE
HARMONIES POÉTIQUES ET RELIGIEUSES
1830
LIVRE TROISIÈME
HARMONIE VIII
LE GÉNIE DANS L'OBSCURITÉ
A M. Reboul,
A Nîmes.
Le souffle inspirateur qui fait de l'âme humaine 12
Un instrument mélodieux, 8
Dédaigne des palais la pompe souveraine : 12
Que sont la pourpre et l'or à qui descend à peine 12
5 Des palais rayonnants des cieux ? 8
Il s'abat au hasard sur l'arbre solitaire, 12
Sur la cabane des pasteurs, 8
Sous le chaume indigent des pauvres de la terre, 12
Et couve en souriant un glorieux mystère 12
10 Dans un berceau mouillé de pleurs ! 8
C'est Homère endormi, qu'une esclave sans maître 12
Réchauffe de son seul amour,- 8
C'est un enfant chassé de l'ombre de son hêtre, 12
Qui pleure les chevreaux que ses pas menaient paître 12
15 Et qui sera Virgile un jour ! 8
C'est Moïse flottant dans un berceau fragile 12
Sur l'onde, au hasard des courants, 8
Que l'éclair du Sina visite entre cent mille 12
Pendant qu'il fend le marbre ou qu'il pétrit l'argile 12
20 Pour la tombe de ses tyrans ! 8
Ainsi l'instinct caché dans la nature entière 12
Mûrit pour l'immortalité ! 8
La perle au fond des mers, l'or au sein de la pierre, 12
Le diamant dans l'ombre où languit sa lumière, 12
25 La gloire dans l'obscurité ! 8
La gloire, oiseau divin, phénix né de lui-même, 12
Qui vient tous les cent ans, nouveau, 8
Se poser sur la terre et sur un nom qu'il aime, 12
Et qu'on y voit mourir ainsi que son emblème, 12
30 Mais dont nul ne sait le berceau ! 8
Ne t'étonne donc pas qu'un ange d'harmonie 12
Vienne d'en haut te réveiller, 8
Souviens-toi de Jacob ! Les songes du génie 12
Descendent sur des fronts qui n'ont dans l'insomnie 12
35 Qu'une pierre pour oreiller ! 8
Moi-même, plein des biens dont l'opulence abonde, 12
Que je changerais volontiers 8
Cet or dont la fortune avec dédain m'inonde 12
Pour une heure du temps où je n'avais au monde 12
40 Que ma vigne et que mes figuiers ! 8
Pour ces songes divins qui chantaient dans mon âme, 12
Et que nul or ne peut payer, 8
Pendant que le soleil baissait, et que la flamme 12
Que ma mère allumait ainsi qu'une humble femme 12
45 Éclairait son étroit foyer ! 8
Et qu'assis autour d'elle à la table de hêtre 12
Que nous préparait son amour. 8
Nous rendions grâce à Dieu de ce repas champêtre, 12
Riche des simples fruits que le champ faisait naître, 12
50 Et d'un pain qui suffit au jour !1 8
Voir à la fin de ce volume la réponse de M. Reboul.
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