Métrique en Ligne
LAM_3/LAM78
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
TROISIÈMES MÉDITATIONS
1812-1847
NEUVIÈME MÉDITATION
À UNE JEUNE FILLE
QUI AVAIT RACONTÉ UN RÊVE
1847
Un baiser sur mon front ! un baiser, même en rêve ! 12
Mais de mon front pensif le frais baiser s’enfuit ; 12
Mais de mes jours taris l’été n’a plus de séve ; 12
Mais l’Aurore jamais n’embrassera la Nuit. 12
5 Elle rêvait sans doute aussi que son haleine 12
Me rendait les climats de mes jeunes saisons, 12
Que la neige fondait sur une tête humaine, 12
Et que la fleur de l’âme avait deux floraisons. 12
Elle rêvait sans doute aussi que sur ma joue 12
10 Mes cheveux par le vent écartés de mes yeux, 12
Pareils aux jais flottants que sa tête secoue, 12
Noyaient ses doigts distraits dans leurs flocons soyeux. 12
Elle rêvait sans doute aussi que l’innocence 12
Gardait contre un désir ses roses et ses lis ; 12
15 Que j’étais Jocelyn et qu’elle était Laurence ; 12
Que la vallée en fleurs nous cachait dans ses plis. 12
Elle rêvait sans doute aussi que mon délire 12
En vers mélodieux pleurait comme autrefois ; 12
Que mon cœur, sous sa main, devenait une lyre 12
20 Qui dans un seul soupir accentuait deux voix. 12
Fatale vision ! Tout mon être frissonne ; 12
On dirait que mon sang veut remonter son cours. 12
Enfant, ne dites plus vos rêves à personne, 12
Et ne rêvez jamais, ou bien rêvez toujours ! 12
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