Métrique en Ligne
LAM_3/LAM73
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
TROISIÈMES MÉDITATIONS
1812-1847
QUATRIÈME MÉDITATION
À LAURENCE
Es-tu d’Europe ? es-tu d’Asie ? 8
Es-tu songe ? es-tu poésie ? 8
Es-tu nature, ou fantaisie, 8
Ou fantôme, ou réalité ? 8
5 Dans tes yeux l’Inde se décèle, 8
Sur tes cheveux le Nord ruisselle ; 8
Tout climat a son étincelle 8
Dans le disque de ta beauté ! 8
Sœur des Psychés, ou fille d’Ève ! 8
10 Quand ma jeunesse avait sa séve, 8
C’était sous ces traits que le rêve 8
M’incarnait en un mille amours ; 8
Je leur disais : « Je vous adore ! 8
» Ne disparaissez pas encore !… » 8
15 Mais ils fuyaient avec l’aurore, 8
Et tu renais avec les jours ! 8
Oh ! pourquoi, divine inconnue, 8
Pourquoi si tard es-tu venue, 8
Du ciel, de l’air ou de la nue, 8
20 Passer et luire devant moi ? 8
Du regard je t’aurais suivie ! 8
Ô Dieu ! qui me rendra ma vie ? 8
Ma part de temps me fut ravie, 8
Puisque je vécus avant toi. 8
25 Jour à jour, d’ivresse en ivresse, 8
Tu m’aurais conduit comme en laisse, 8
Sans autre chaîne qu’une tresse, 8
Depuis l’aube jusqu’au trépas ; 8
Sur tout l’univers dispersée, 8
30 Et dans mille coupes versée, 8
Ma vie, immobile pensée, 8
N’eût été qu’un pas sur tes pas ! 8
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Retour perdu vers l’impossible ! 8
Le Temps, sous son aile inflexible, 8
35 A passé ma vie à son crible, 8
Ainsi qu’un rude moissonneur ; 8
Un peu de terre amoncelée 8
Dira bientôt dans la vallée : 8
« De ses jours la gerbe est foulée, 8
40 » Et voilà la part du glaneur ! » 8
Ces heures, en cercle enchaînées, 8
Qui dansaient au seuil des années, 8
Sortent du chœur découronnées, 8
Et leur aspect se rembrunit ; 8
45 La dernière vers moi s’avance, 8
Et du doigt me montre en silence 8
La couche où le sommeil commence 8
Sur un oreiller de granit. 8
Est-ce l’heure d’ouvrir son âme 8
50 À ces songes aux traits de femme, 8
Qui brûlent d’un poison de flamme 8
Les yeux d’abord, le cœur après, 8
Quand des jours l’espace et le nombre 8
Se borne au petit cercle d’ombre 8
55 Que décrit, sur un tertre sombre, 8
La flèche d’un jeune cyprès ? 8
Mais toi, si tu viens jeune encore, 8
Au bras de l’époux qui t’adore, 8
Voir une marguerite éclore 8
60 De ce gazon qui fleurit tard, 8
Dis, en marchant sur ma poussière : 8
« Celui qui dort sous cette pierre 8
» Conserve au ciel, dans sa paupière, 8
» Un rayon qui fut mon regard ! » 8
logo du CRISCO logo de l'université