Métrique en Ligne
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Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
PREMIÈRES MÉDITATIONS
1820
NEUVIÈME MÉDITATION
SOUVENIR
En vain le jour succède au jour, 8
Ils glissent sans laisser de trace ; 8
Dans mon âme rien ne t’efface, 8
Ô dernier songe de l’amour ! 8
5 Je vois mes rapides années 8
S’accumuler derrière moi, 8
Comme le chêne autour de soi 8
Voit tomber ses feuilles fanées. 8
Mon front est blanchi par le temps ; 8
10 Mon sang refroidi coule à peine, 8
Semblable à cette onde qu’enchaîne 8
Le souffle glace des autans. 8
Mais ta jeune et brillante image, 8
Que le regret vient embellir, 8
15 Dans mon sein ne saurait vieillir : 8
Comme l’âme, elle n’a point d’âge. 8
Non, tu n’as pas quitté mes yeux ; 8
Et quand mon regard solitaire 8
Cessa de te voir sur la terre, 8
20 Soudain je te vis dans les cieux. 8
La, tu m’apparais telle encore 8
Que tu fus à ce dernier jour, 8
Quand vers ton céleste séjour 8
Tu t’envolas avec l’aurore. 8
25 Ta pure et touchante beauté 8
Dans les cieux même t’a suivie ; 8
Tes yeux, où s’éteignait la vie, 8
Rayonnent d’immortalité ! 8
Du zéphyr l’amoureuse haleine 8
30 Soulève encor tes longs cheveux ; 8
Sur ton sein leurs flots onduleux 8
Retombent en tresses d’ébène. 8
L’ombre de ce voile incertain 8
Adoucit encor ton image, 8
35 Comme l’aube qui se dégage 8
Des derniers voiles du matin. 8
Du soleil la céleste flamme 8
Avec les jours revient et fuit ; 8
Mais mon amour n’a pas de nuit, 8
40 Et tu luis toujours sur mon âme. 8
C’est toi que j’entends, que je vois : 8
Dans le désert, dans le nuage ; 8
L’onde réfléchit ton image ; 8
Le zéphyr m’apporte ta voix. 8
45 Tandis que la terre sommeille, 8
Si j’entends le vent soupirer, 8
Je crois t’entendre murmurer 8
Des mots sacrés à mon oreille. 8
Si j’admire ces feux épars 8
50 Qui des nuits parsèment le voile, 8
Je crois te voir dans chaque étoile 8
Qui plaît, le plus à mes regards. 8
Et si le souffle du zéphyre 8
M’enivre du parfum des fleurs, 8
55 Dans ses plus suaves odeurs 8
C’est ton souffle que je respire. 8
C’est ta main qui sèche mes pleurs, 8
Quand je vais, triste et solitaire, 8
Répandre en secret ma prière 8
60 Près des autels consolateurs. 8
Quand je dors, tu veilles dans l’ombre ; 8
Tes ailes reposent sur moi ; 8
Tous mes songes viennent de toi, 8
Doux comme le regard d’une ombre. 8
65 Pendant mon sommeil, si ta main 8
De mes jours déliait la trame, 8
Céleste moitié de mon âme, 8
J’irais m’éveiller dans ton sein ! 8
Comme deux rayons de l’aurore, 8
70 Comme deux soupirs confondus, 8
Nos deux âmes ne forment plus 8
Qu’une âme, et je soupire encore ! 8
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