Métrique en Ligne
LAM_1/LAM35
Alphonse de LAMARTINE
MÉDITATIONS POÉTIQUES
PREMIÈRES MÉDITATIONS
1820
TRENTE-CINQUIÈME MÉDITATION
L’AUTOMNE
Salut, bois couronnés d’un reste de verdure ! 12
Feuillages jaunissants sur les gazons épars ! 12
Salut, derniers beaux jours ! le deuil de la nature 12
Convient à la douleur, et plaît à mes regards. 12
5 Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire ; 12
J’aime à revoir encor, pour la dernière fois, 12
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière 12
Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois. 12
Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire, 12
10 À ses regards voilés je trouve plus d’attraits ; 12
C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire 12
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais. 12
Ainsi, près de quitter l’horizon de la vie, 12
Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui, 12
15 Je me retourne encore, et d’un regard d’envie 12
Je contemple ces biens dont je n’ai pas joui. 12
Terre, soleil, vallons, belle et douce nature, 12
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ! 12
L’air est si parfumé ! la lumière est si pure ! 12
20 Aux regards d’un mourant le soleil est si beau ! 12
Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie 12
Ce calice mêlé de nectar et de fiel : 12
Au fond de cette coupe où je buvais la vie, 12
Peut-être restait-il une goutte de miel ! 12
25 Peut-être l’avenir me gardait-il encore 12
Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ! 12
Peut-être, dans la foule, une âme que j’ignore 12
Aurait compris mon âme, et m’aurait répondu ! 12
La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ; 12
30 À la vie, au soleil, ce sont là ses adieux : 12
Moi, je meurs ; et mon âme, au moment qu’elle expire, 12
S’exhale comme un son triste et mélodieux. 12
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