Métrique en Ligne
LAF_2/LAF54
Jules LAFORGUE
Les Complaintes
1885
COMPLAINTE DES BLACKBOULÉS
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« Ni vous, ni votre art, monsieur. » C'était un dimanche, 12
Vous savez où. 4
À vos genoux, 4
Je suffoquai, suintant de longues larmes blanches. 12
5 L'orchestre du jardin jouait ce « si tu m'aimes » 12
Que vous savez ; 4
Et je m'en vais 4
Depuis, et pour toujours, m'exilant sur ce thème. 12
Et toujours, ce refus si monstrueux m'effraie 12
10 Et me confond 4
Pour vous au fond, 4
Si Regard-Incarné ! Si moi-même ! Si vraie ! 12
Bien. ‒ Maintenant, voici ce que je vous souhaite, 12
Puisque, après tout, 4
15 En ce soir d'août, 4
Vous avez craché vers l'Art, par-dessus ma tête. 12
Vieille et chauve à vingt ans, sois prise pour une autre 12
Et sans raison, 4
Mise en prison, 4
20 Très loin, et qu'un geôlier, sur toi, des ans, se vautre. 12
Puis, passe à Charenton, parmi de vagues folles, 12
Avec Paris 4
Là-bas, fleuri, 4
Ah ! Rêve trop beau ! Paris où je me console. 12
25 Et demande à manger, et qu'alors on confonde ! 12
Qu'on croie à ton 4
Refus ! Et qu'on 4
Te nourrisse, horreur ! Horreur ! Horreur ! À la sonde. 12
La sonde t'entre par le nez, Dieu vous bénisse ! 12
30 À bas, les mains ! 4
Et le bon vin, 4
Le lait, les œufs te gavent par cet orifice. 12
Et qu'après bien des ans de cette facétie, 12
Un interne (aux 4
35 Regards loyaux ! ) 4
Se trompe de conduit ! Et verse, et t'asphyxie. 12
Et voilà ce que moi, guéri, je vous souhaite, 12
Cœur rose, pour 4
Avoir un jour 4
40 Craché sur l'Art ! L'Art pur ! Sans compter le poète. 12
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