Métrique en Ligne
LAF_2/LAF50
Jules LAFORGUE
Les Complaintes
1885
COMPLAINTE
DES NOSTALGIES PRÉHISTORIQUES
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La nuit bruine sur les villes. 8
Mal repu des gains machinals, 8
On dîne ; et, gonflé d'idéal, 8
Chacun sirote son idylle, 8
5 Ou furtive, ou facile. 6
Échos des grands soirs primitifs ! 8
Couchants aux flambantes usines, 8
Rude paix des sols en gésine, 8
Cri jailli là-bas d'un massif, 8
10 Violuptés à vif ! 6
Dégringolant une vallée, 8
Heurter, dans des coquelicots, 8
Une enfant bestiale et brûlée 8
Qui suce, en blaguant les échos, 8
15 De jûteux abricots 6
Livrer aux langueurs des soirées 8
Sa toison où du cristal luit, 8
Pourlécher ses lèvres sucrées, 8
Nous barbouiller le corps de fruits 8
20 Et lutter comme essui ! 6
Un moment, béer, sans rien dire, 8
Inquiets d'une étoile là-haut ; 8
Puis, sans but, bien gentils satyres, 8
Nous prendre aux premiers sanglots 8
25 Fraternels des crapauds. 6
Et, nous délèvrant de l'extase, 8
Oh ! Devant la lune en son plein, 8
Là-bas, comme un bloc de topaze, 8
Fous, nous renverser sur les reins, 8
30 Riant, battant des mains ! 6
La nuit bruine sur les villes : 8
Se raser le masque, s'orner 8
D'un frac deuil, avec art dîner, 8
Puis, parmi des vierges débiles, 8
35 Prendre un air imbécile. 6
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