Métrique en Ligne
LAC_3/LAC219
Auguste LACAUSSADE
Les Épaves
1876
ÉTUDES POÉTIQUES
XII
Les deux Corbeaux
Un jour morne et blafard s'éteignait dans la nue ; 12
À l'horizon brumeux grondait le flot des mers. 12
Des arbres dépouillés la flèche aride et nue, 12
Squelette au noir profil, se dressait dans les airs. 12
5 Sur la grève lugubre où rampait la lumière 12
J'errais et j'entendis se parler deux corbeaux. 12
L'un à l'autre disait : « Où dînons-nous, mon frère ? 12
L'espace est nu, la neige a durci les tombeaux. » 12
Et l'autre : « Un chevalier immobile et sans âme, 12
10 Frais égorgé, là-bas est gisant pour toujours. 12
Nul ne sait qu'il est là, nul, excepté sa dame, 12
Son faucon et son chien, ses uniques amours. 12
« Le faucon dans le ciel poursuit l'oiseau sauvage, 12
Par la plaine le chien chasse joyeusement, 12
15 La dame endort aux bras d'un autre son veuvage ; 12
De sa chair nous pouvons dîner tranquillement. 12
« Toi, d'un ongle tranchant fouille dans sa poitrine ; 12
Moi, du bec je ferai sortir ses grands yeux bleus ; 12
Puis de ses cheveux blonds, toison épaisse et fine, 12
20 Arrachons les fils d'or pour notre nid frileux. » 12
Sa maison vainement guettera son passage ; 12
Ses grands bois au printemps refleuriront en paix : 12
Tout l'oublie… et les vents désolés de la plage 12
Sur ses blancs ossements soufflent seuls à jamais ! 12
Imité d'une vieille ballade anglaise
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