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LAC_2/LAC86
Auguste LACAUSSADE
Poèmes et Paysages
1852
POÈMES ET PAYSAGES
LV
À un Disciple de Chénier
Parés de lauriers éphémères, 8
Tu vois courir les plus pressés, 8
Et tu souris à leurs chimères, 8
Doux rêveur aux calmes pensers. 8
5 Mais parfois ton esprit s'étonne : 8
Pourquoi produire avant le temps ? 8
Les dons savoureux de l'automne 8
Ne se cueillent point au printemps. 8
N'importe ! dans leur folle ivresse, 8
10 Ils vont, ils vont, les gais chanteurs ! 8
De ta studieuse paresse, 8
Bruyants, ils raillent les lenteurs. 8
Mais, sourd à leur jeune délire, 8
Peu jaloux d'un précoce essor, 8
15 Tu t'enfermes avec ta lyre, 8
Pouvant, ne voulant point encor. 8
De Chénier disciple fidèle, 8
Au but pour atteindre en vainqueur, 8
Tu veux laisser croître ton aile, 8
20 Tu veux laisser mûrir ton cœur. 8
Tu sais ta force et t'en contentes ; 8
Comme à la fleur tu tiens au fruit : 8
Les muses graves que tu hantes 8
Aiment la gloire et non le bruit. 8
25 Dans ses lentes métamorphoses 8
Étudiant l'Art éternel, 8
Pour toi, du suc choisi des choses 8
En silence tu fais ton miel. 8
Heureux de leurs jeunes victoires, 8
30 Tu t'en réjouis à l'écart, 8
Mais tu restes épris des gloires 8
Des vieux patriarches de l'Art. 8
Poursuis ainsi, de nul système 8
N'accepte le joug importun ; 8
35 A toute fleur, à tout poème 8
Ne prends jamais que le parfum. 8
Admire et sens ! jamais n'imite ! 8
Et le beau, cherche-le partout ! 8
L'Art ne connaît point de limite, 8
40 Hormis la limite du goût. 8
Abeille du jardin des rimes, 8
Butine en toute liberté ; 8
Vole aux vallons et vole aux cimes, 8
Partout où fleurit la beauté ! 8
45 Et, muse avide mais discrète, 8
Rapporte ton culte et ton cœur 8
A Virgile, le doux poète, 8
A Shakspeare, le grand penseur. 8
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