Métrique en Ligne
LAC_2/LAC62
Auguste LACAUSSADE
Poèmes et Paysages
1852
POÈMES ET PAYSAGES
XXXI
Bonsoir
La nuit étoilée et sereine 8
Descend ; et déjà, loin du bord, 8
Le vaisseau glisse et nous entraîne… 8
Penché sur le mouvant sabord, 8
5 Je suis la barque fugitive 8
Qui vous reconduit vers la rive, 8
Vous que mes yeux voudraient revoir ! 8
Mais la houle est vaste et profonde ; 8
La barque a disparu sur l'onde : 8
10 Bonsoir, ô mes frères, bonsoir ! 8
Le vaisseau fuit, le vent se lève ; 8
Au large, au large, il suit son cours. 8
Des flots, par instants, sur la grève, 8
J'entends les bruits lointains et sourds. 8
15 Le jeune ami de mon jeune âge 8
Sur les rocs déserts du rivage 8
En pleurant est venu s'asseoir. 8
Aux clartés pâles des étoiles 8
Il voit au loin blanchir nos voiles : 8
20 Bonsoir, mon triste ami, bonsoir ! 8
De mon seul appui dans ce monde 8
J'ai donc quitté le toit si cher ! 8
Et me voilà, roulant sur l'onde, 8
Seul sur la vaste, vaste mer ! 8
25 Là-bas, qui m'aimera comme elle ? 8
Vierge à l'angoisse maternelle, 8
Pardonnez-moi son désespoir ! 8
C'est vous que sur les mers on prie : 8
Consolez-la, Vierge Marie ! 8
30 Bonsoir, ô ma mère, bonsoir ! 8
Hélas ! un compagnon fidèle, 8
Mon chien hurle et me cherche en vain ; 8
Ma sœur à ses côtés l'appelle : 8
Il vient se coucher sous sa main. 8
35 Léchant la main qui le caresse, 8
Sa morne et muette tendresse 8
Semble parler dans son œil noir ! 8
Assise au seuil de ma demeure, 8
Ma sœur se tait, mais elle pleure : 8
40 Bonsoir, ma pauvre sœur, bonsoir ! 8
Oiseau pêcheur, vers le rivage 8
Tu reviens au coucher du jour ; 8
Tu vas retrouver sur la plage 8
Et ton nid d'algue et ton amour. 8
45 Tandis que l'ombre t'y ramène, 8
Vers d'autres cieux le vent m'entraîne. 8
Sur ces bords, mon natal espoir, 8
Porte ma plainte et ma tristesse : 8
Comme il s'éloigne avec vitesse ! 8
50 Bonsoir, heureux oiseau, bonsoir ! 8
Et des monts les sommets sublimes 8
Déjà sont voilés à mes yeux. 8
Pics abaissés des hautes cimes, 8
Recevez mes derniers adieux ! 8
55 Quand le soleil sur cette terre 8
Demain luira, fils solitaire, 8
Hélas ! je ne pourrai plus voir 8
Le ciel si bleu de la patrie : 8
Adieu donc, mon île chérie ! 8
60 Bonsoir, ô mon pays, bonsoir ! 8
En appareillant de la rade de Saint-Denis, île Bourbon.,
logo du CRISCO logo de l'université