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LAC_2/LAC52
Auguste LACAUSSADE
Poèmes et Paysages
1852
POÈMES ET PAYSAGES
XXI
Vox Populi
Sur la mort du Duc d'Orléans
Puisque en tes jours bénis de gloire et de puissance, 12
Du pauvre jusqu'à toi franchissant la distance, 12
Tu l'aidas de sa croix à porter le fardeau ; 12
Et que, sourd aux instincts d'une opulence avare, 12
5 Toi, prince, tu couvris les membres de Lazare 12
Des plis de ton royal manteau ! 8
Puisque aux jours où cueillant les palmes de la guerre, 12
Étranger aux dédains de la tourbe vulgaire, 12
Tu compris que l'épée et la lyre sont sœurs, 12
10 Et qu'appelés tous deux à fonder ou détruire, 12
Le barde et le soldat, du peuple et de l'empire 12
Sont les plus sacrés défenseurs ! 8
Puisque tu l'as compris, ô jeune intelligence ! 12
Puisque, abritant des arts la divine indigence, 12
15 Tu protégeas ceux-là que la Muse a sacrés ; 12
Que, s'ouvrant sur leur sort, noir de pluie et d'orage, 12
Ta royale faveur, arbre au fécond ombrage, 12
Monta jusqu'aux fronts inspirés ! 8
C'est à nous, fils du peuple, aux louanges opimes, 12
20 A nous, enfants des arts, déshérités sublimes, 12
A nous à qui tes bras se sont toujours ouverts, 12
De prier sur la pierre où tu dors sans couronne, 12
Et de faire à ta tombe, à notre tour, l'aumône 12
Et de nos pleurs et de nos vers ! 8
25 C'est à moi, luth en deuil, sur ces lointaines rives, 12
De répéter ton nom sur mes cordes plaintives, 12
D'effeuiller à tes pieds mes strophes et mes fleurs, 12
D'étoiler de mes vers ton linceul funéraire, 12
D'enrichir, à mon tour, ton urne cinéraire 12
30 De l'humble obole de mes pleurs ! 8
Va ! cette obole est pure, elle est sainte, elle est digne ! 12
Pour ton cercueil absous c'est un triomphe insigne 12
Que ces larmes du fils du peuple au fils du roi ! 12
Et tu vaincras l'oubli, toi qui peux — ô victoire ! — 12
35 Nous dire à nous, rêveurs, du haut de ton histoire : 12
« Fils de la Muse, chantez-moi ! » 8
Oui, nous te chanterons ! mais la tête levée, 12
Dans la calme attitude au juge réservée, 12
La lyre sur le cœur et les yeux sur le ciel, 12
40 Comme il sied à ceux-là de qui la bouche austère 12
N'a jamais aux tyrans, opprobre de la terre, 12
Offert qu'un chant trempé de fiel ! 8
Oui, je te chanterai ! car ta loyale épée 12
Dans le sang des partis ne s'est jamais trempée ! 12
45 Car sur nos fiers drapeaux tu veillas à ton tour ! 12
Car en ces temps de lutte, hélas ! et de colère, 12
Tu n'as voulu forger au lion populaire 12
Qu'un joug fait de gloire et d'amour ! 8
Oui, je te chanterai ! car tu fus doux et brave, 12
50 Car tes mains sur nos mains n'ont point rivé d'entrave, 12
Car, du peuple trahi désertant le drapeau, 12
Tu n'as jamais forcé sa bouche à te maudire ! 12
Car, toi, tu n'as rien fait, rien qu'on ne puisse écrire 12
Sur le marbre de ton tombeau ! 8
55 Aussi quand, t'arrêtant dans ta course incomplète, 12
La mort fit un cyprès du laurier de ta tête, 12
La foule, — voix qui loue ou qui flétrit toujours, — 12
Entourant d'un long deuil ta croix précoce et sombre, 12
Les genoux sur ta cendre, a béni ta jeune ombre, 12
60 O toi qui fis bénir tes jours ! 8
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