Métrique en Ligne
LAC_1/LAC10
Auguste LACAUSSADE
Les Salaziennes
1839
X
Bonsoir
En appareillant de la rade de Saint-Denis
La nuit au front brillant d'étoiles 8
Amène l'instant du départ, 8
Et le vaisseau fuit sous ses voiles 8
Des bords où vole mon regard. 8
5 Je suis la barque fugitive 8
Qui vous reconduit vers la rive, 8
Vous que mes yeux veulent revoir ; 8
Mais, hélas ! la nef vagabonde 8
S'éloigne et disparaît sur l'onde. 8
10 Bonsoir, ô mes frères, bonsoir ! 8
Le souffle des nuits qui se lève 8
Nous entraîne insensiblement ; 8
Par intervalles, de la grève 8
J'entends le sourd mugissement. 8
15 L'unique ami de mon jeune âge 8
Sur les rocs déserts du rivage 8
En pleurant est venu s'asseoir ; 8
Aux faibles rayons des étoiles 8
Il voit au loin blanchir nos voiles. 8
20 Bonsoir, mon triste ami, bonsoir ! 8
De mon plus doux ange en ce monde 8
J'ai reçu les baisers d'adieux, 8
Et me voilà seul, seul sur l'onde, 8
Emporté vers de nouveaux cieux. 8
25 Là bas qui m'aimera comme elle ? 8
Ah ! cette pensée est cruelle ! 8
Je pleure… Et d'un crêpe plus noir 8
La nuit couvre notre navire, 8
Et ma voix faiblement soupire : 8
30 Bonsoir, o ma mère, bonsoir ! 8
Hélas ! un compagnon fidèle, 8
Mon pauvre chien me cherche en vain ; 8
Ma sœur à ses cotés l'appelle 8
Et sur lui laisse errer sa main. 8
35 Léchant la main qui le caresse, 8
Ses yeux semblent avec tristesse 8
Interroger son désespoir ; 8
Assise au seuil de ma demeure, 8
Ma sœur se tait, mais elle pleure. 8
40 Bonsoir, ma pauvre sœur, bonsoir ! 8
Oiseau pêcheur, vers le rivage 8
Tu reviens au coucher du jour ; 8
Tu vas rejoindre sur la plage 8
La compagne de ton amour. 8
45 Tandis que l'ombre t'y ramène, 8
Vers d'autres lieux le vent m'entraîne. 8
Sur les bords que tu vas revoir 8
Porte ma plainte et ma tristesse ; 8
Mais il s'éloigne avec vitesse. 8
50 Bonsoir, heureux oiseau, bonsoir ! 8
Et des monts les sommets sublimes 8
Déjà sont voilés à mes yeux. 8
Pics abaissés des hautes cimes 8
Recevez mes derniers adieux ! 8
55 Lorsque l'astre de la lumière 8
Demain reprendra sa carrière 8
Hélas ! je ne pourrai plus voir 8
Le beau ciel bleu de la patrie ; 8
Adieu donc, ma terre chérie ! 8
60 Bonsoir, ô mon pays, bonsoir ! 8
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