JUIN |
X |
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Une femme m'a dit ceci : — J'ai pris la fuite. |
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Ma fille que j'avais au sein, toute petite, |
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Criait, et j'avais peur qu'on n'entendît sa voix. |
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Figurez-vous, c'était un enfant de deux mois ; |
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Elle n'avait pas plus de force qu'une mouche. |
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Mes baisers essayaient de lui fermer la bouche, |
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Elle criait toujours ; hélas ! elle râlait. |
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Elle voulait téter, je n'avais plus de lait. |
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Toute une nuit s'était de la sorte écoulée. |
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Je me cachais derrière une porte d'allée, |
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Je pleurais, je voyais les chassepots briller. |
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On cherchait mon mari qu'on voulût fusiller. |
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Tout à coup, le matin, sous cette horrible porte, |
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L'enfant ne cria plus. Monsieur, elle était morte. |
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Je la touchai ; monsieur, elle était froide. Alors, |
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Cela m'était égal qu'on me tuât ; dehors, |
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Au hasard, j'emportai ma fille, j'étais folle, |
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J'ai couru, des passants m'adressaient la parole, |
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Mais je me suis enfuie, et, je ne sais plus où, |
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J'ai creusé de mes mains dans la campagne un trou, |
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Au pied d'un arbre, au coin d'un enclos solitaire ; |
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Et j'ai couché mon ange endormi dans la terre ; |
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L'enfant qu'on allaita, c'est dur de l'enterrer. |
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Et le père était là qui se mit à pleurer. |
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