AVRIL |
IV |
UN CRI |
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Quand finira ceci ? Quoi ! ne sentent-ils pas |
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Que ce grand pays croule à chacun de leurs pas ! |
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Châtier qui ? Paris ? Paris veut être libre. |
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Ici le monde, et là Paris ; c'est l'équilibre. |
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Et Paris est l'abîme où couve l'avenir. |
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Pas plus que l'Océan on ne peut le punir, |
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Car dans sa profondeur et sous sa transparence |
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On voit l'immense Europe ayant pour cœur la France. |
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Combattants ! combattants ! qu'est-ce que vous voulez ? |
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Vous êtes comme un feu qui dévore les blés, |
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Et vous tuez l'honneur, la raison, l'espérance ! |
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Quoi ! d'un côté la France et de l'autre la France ! |
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Arrêtez ! c'est le deuil qui sort de vos succès. |
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Chaque coup de canon de Français à Français |
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Jette, — car l'attentat à sa source remonte, — |
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Devant lui le trépas, derrière lui la honte. |
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Verser, mêler, après septembre et février, |
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Le sang du paysan, le sang de l'ouvrier, |
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Sans plus s'en soucier que de l'eau des fontaines ! |
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Les Latins contre Rome et les Grecs contre Athènes ! |
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Qui donc a décrété ce sombre égorgement ? |
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Si quelque prêtre dit que Dieu le veut, il ment ! |
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Mais quel vent souffle donc ? Quoi ! pas d'instants lucides ! |
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Se retrouver héros pour être fratricides ! |
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Horreur ! |
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Horreur ! Mais voyez donc, dans le ciel, sur vos fronts, |
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Flotter l'abaissement, l'opprobre, les affronts ! |
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Mais voyez donc là-haut ce drapeau d'ossuaire, |
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Noir comme le linceul, blanc comme le suaire ! |
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Pour votre propre chute ayez donc un coup d'œil : |
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C'est le drapeau de Prusse et le drapeau du deuil ! |
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Ce haillon, insolent, il vous a sous sa garde. |
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Vous ne le voyez pas ; lui, sombre, il vous regarde ; |
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Il est comme l'Égypte au-dessus des Hébreux, |
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Lourd, sinistre, et sa gloire est d'être ténébreux. |
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Il est chez vous. Il règne. Ah ! la guerre civile, |
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Triste après Austerlitz, après Sedan est vile ! |
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Aventure hideuse ! ils se sont décidés |
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A jouer la patrie et l'avenir aux dés ! |
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Insensés ! n'est-il pas de choses plus instantes |
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Que d'épaissir autour de ce rempart vos tentes ? |
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Recommencer la guerre ayant encore au flanc, |
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O Paris, ô lion blessé, l'épieu sanglant ! |
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Quoi ! se faire une plaie avant de guérir l'autre ! |
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Mais ce pays meurtri de vos coups, c'est le vôtre ! |
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Cette mère qui saigne est votre mère ! Et puis, |
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Les misères, la femme et l'enfant sans appuis, |
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Le travailleur sans pain, tout l'amas des problèmes |
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Est là terrible, et vous, acharnés sur vous-mêmes, |
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Vous venez, toi rhéteur, toi soldat, toi tribun, |
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Les envenimer tous sans en résoudre aucun ! |
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Vous recreusez le gouffre au lieu d'y mettre un phare ! |
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Des deux côtés la même exécrable fanfare, |
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Le même cri : Mort ! Guerre ! — A qui ? réponds, Caïn ! |
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Qu'est-ce que ces soldats une épée à la main, |
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Courbés devant la Prusse, altiers contre la France ? |
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Gardez donc votre sang pour votre délivrance ! |
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Quoi ! pas de remords ! quoi ! le désespoir complet ! |
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Mais qui donc sont-ils ceux à qui la honte plaît ? |
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O cieux profonds ! opprobre aux hommes, quels qu'ils soient, |
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Qui sur ce pavois d'ombre et de meurtre s'assoient, |
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Qui du malheur public se font un piédestal, |
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Qui soufflent, acharnés à ce duel fatal, |
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Sur le peuple indigné, sur le reître servile, |
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Et sur les deux tisons de la guerre civile ; |
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Qui remettent la ville éternelle en prison, |
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Rebâtissent le mur de haine à l'horizon, |
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Méditent on ne sait quelle victoire infâme, |
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Les droits brisés, la France assassinant son âme, |
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Paris mort, l'astre éteint, et qui n'ont pas frémi |
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Devant l'éclat de rire affreux de l'ennemi ! |
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