Métrique en Ligne
HUG_9/HUG726
Victor HUGO
L'année terrible
1872
MARS
I
N'importe, ayons foi ! Tout s'agite, 8
Comme au fond d'un songe effrayant, 8
Tout marche et court, et l'homme quitte 8
L'ancien rivage âpre et fuyant. 8
5 On va de la nuit à l'aurore, 8
Du noir sépulcre au nid sonore, 8
Et des hydres aux alcyons. 8
Les téméraires sont les sages. 8
Ils sondent ces profonds passages 8
10 Qu'on nomme Révolutions. 8
Prophètes maigris par les jeûnes, 8
O poètes au fier clairon, 8
Tous, les anciens comme les jeunes, 8
Isaïe autant que Byron, 8
15 Vous indiquez le but suprême 8
Au genre humain, toujours le même 8
Et toujours nouveau sous le ciel ; 8
Vous jetez dans le vent qui vole 8
La même éternelle parole 8
20 Au même passant éternel. 8
Votre voix tragique et superbe 8
Plonge en bas et remonte en haut ; 8
Vous demandez à Dieu le verbe 8
Et vous donnez au sphinx le mot. 8
25 Tout l'itinéraire de l'homme, 8
Quittant Sion, dépassant Rome, 8
Au prêtre qui chancelle ou fuit 8
Semble une descente d'abîme ; 8
On entend votre bruit sublime, 8
30 Avertissement dans la nuit. 8
Vous tintez le glas pour le traître 8
Et pour le brave le tocsin ; 8
On voit paraître et disparaître 8
Vos hymnes, orageux essaim ; 8
35 Vos vers sibyllins vont et viennent ; 8
Dans son dur voyage ils soutiennent 8
Le peuple, immense pèlerin ; 8
Vos chants, vos songes, vos pensées, 8
Semblent des urnes renversées 8
40 D'où tombent des rythmes d'airain. 8
Bientôt le jour sur son quadrige 8
De l'ombre ouvrira les rideaux ; 8
Vers l'aurore tout se dirige, 8
Même ceux qui tournent le dos ; 8
45 L'un y marche et l'autre y recule ; 8
L'avenir dans ce crépuscule 8
Dresse sa tour étrange à voir, 8
Tour obscure, mais étoilée ; 8
Vos strophes à toute volée 8
50 Sonnent dans ce grand clocher noir. 8
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