JANVIER 1871 |
VI |
UNE BOMBE AUX FEUILLANTINES |
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Qu'es-tu ? quoi, tu descends de là-haut, misérable ! |
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Quoi ! toi, le plomb, le feu, la mort, l'inexorable, |
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Reptile de la guerre au sillon tortueux, |
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Quoi ! toi, l'assassinat cynique et monstrueux |
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Que les princes du fond des nuits jettent aux hommes, |
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Toi, crime, toi, ruine et deuil, toi qui te nommes |
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Haine, effroi, guet-apens, carnage, horreur, courroux, |
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C'est à travers l'azur que tu t'abats sur nous ! |
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Chute affreuse de fer, éclosion infâme, |
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Fleur de bronze éclatée en pétales de flamme, |
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O vile foudre humaine, ô toi par qui sont grands |
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Les bandits, et par qui sont divins les tyrans, |
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Servante des forfaits royaux, prostituée, |
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Par quel prodige as-tu jailli de la nuée ? |
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Quelle usurpation sinistre de l'éclair ! |
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Comment viens-tu du ciel, toi qui sors de l'enfer ! |
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L'homme que tout à l'heure effleura ta morsure, |
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S'était assis pensif au coin d'une masure. |
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Ses yeux cherchaient dans l'ombre un rêve qui brilla ; |
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Il songeait ; il avait, tout petit, joué là ; |
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Le passé devant lui, plein de voix enfantines, |
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Apparaissait ; c'est là qu'étaient les Feuillantines ; |
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Ton tonnerre idiot foudroie un paradis. |
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Oh ! que c'était charmant ! comme on riait jadis ! |
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Vieillir, c'est regarder une clarté décrue. |
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Un jardin verdissait où passe cette rue. |
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L'obus achève, hélas, ce qu'a fait le pavé. |
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Ici les passereaux pillaient le sénevé, |
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Et les petits oiseaux se cherchaient des querelles ; |
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Les lueurs de ce bois étaient surnaturelles ; |
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Que d'arbres ! quel air pur dans les rameaux tremblants ! |
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On fut la tête blonde, on a des cheveux blancs ; |
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On fut une espérance et l'on est un fantôme. |
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Oh ! comme on était jeune à l'ombre du vieux dôme ! |
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Maintenant on est vieux comme lui. Le voilà. |
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Ce passant rêve. Ici son âme s'envola |
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Chantante, et c'est ici qu'à ses vagues prunelles |
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Apparurent des fleurs qui semblaient éternelles. |
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Ici la vie était de la lumière ; ici |
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Marchait, sous le feuillage en avril épaissi, |
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Sa mère qu'il tenait par un pan de sa robe. |
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Souvenirs ! comme tout brusquement se dérobe ! |
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L'aube ouvrant sa corolle à ses regards a lui |
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Dans ce ciel où flamboie en ce moment sur lui |
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L'épanouissement effroyable des bombes. |
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O l'ineffable aurore où volaient des colombes ! |
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Cet homme, que voici lugubre, était joyeux. |
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Mille éblouissements émerveillaient ses yeux. |
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Printemps ! en ce jardin abondaient les pervenches, |
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Les roses, et des tas de pâquerettes blanches |
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Qui toutes semblaient rire au soleil se chauffant, |
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Et lui-même était fleur, puisqu'il était enfant. |
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