BALLADES |
1823-1828 |
BALLADE DIXIÈME |
À UN PASSANT |
Au soleil couchant
Toi qui vas cherchant
Fortune,
Prends garde de choir :
La terre, le soir,
Est brune.
L'océan trompeur
Couvre de vapeur
La dune.
Vois : à l'horizon,
Aucune maison !
Aucune !
Maint voleur te suit ;
La chose est, la nuit,
Commune.
Les dames des bois
Nous gardent parfois
Rancune.
Elles vont errer ;
Crains d'en rencontrer
Quelqu'une.
Les lutins de l'air
Vont danser au clair
De lune.
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La Chanson du fou.
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Voyageur qui, la nuit, sur le pavé sonore |
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De ton chien inquiet passes accompagné, |
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Après le jour brûlant, pourquoi marcher encore ? |
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Où mènes-tu si tard ton cheval résigné ? |
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La nuit ! — Ne crains-tu pas d'entrevoir la stature |
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Du brigand dont un sabre a chargé la ceinture ? |
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Ou qu'un de ces vieux loups près des routes rôdants, |
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Qui du fer des coursiers méprisent l'étincelle, |
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D'un bond brusque et soudain s'attachant à ta selle, |
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Ne mêle à ton sang noir l'écume de ses dents ? |
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Ne crains-tu pas surtout qu'un follet à cette heure |
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N'allonge sous tes pas le chemin qui te leurre, |
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Et ne te fasse, hélas ! ainsi qu'aux anciens jours, |
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Rêvant quelque logis dont la vitre scintille |
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Et le faisan doré par l'âtre qui pétille, |
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Marcher vers des clartés qui reculent toujours ? |
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Crains d'aborder la plaine où le sabbat s'assemble, |
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Où les démons hurlants viennent danser ensemble ; |
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Ces murs maudits par Dieu, par Satan profanés, |
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Ce magique château dont l'enfer sait l'histoire, |
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Et qui, désert le jour, quand tombe la nuit noire |
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Enflamme ses vitraux dans l'ombre illuminés ! |
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Voyageur isolé, qui t'éloignes si vite, |
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De ton chien inquiet la nuit accompagné, |
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Après le jour brûlant, quand le repos t'invite, |
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Où mènes-tu si tard ton cheval résigné ? |
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Octobre 1825.
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