| ODES |
| LIVRE QUATRIÈME |
| 1819-1827 |
| ODE SEPTIÈME |
| LA FILLE D'O-TAÏTI |
Que fait-il donc, celui que sa douleur attend ?
Sans doute il n'arrive pas, celui qu'elle aime tant.
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ALFRED DE VIGNY, Dolorida.
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« Oh ! dis-moi, tu veux fuir ? et la voile inconstante |
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Va bientôt de ces bords t'enlever à mes yeux ? |
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Cette nuit j'entendais, trompant ma douce attente, |
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Chanter les matelots qui repliaient leur tente. |
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Je pleurais à leurs cris joyeux. |
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« Pourquoi quitter notre île ? En ton île étrangère, |
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Les cieux sont-ils plus beaux ? a-t-on moins de douleurs ? |
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Les tiens, quand tu mourras, pleureront-ils leur frère ? |
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Couvriront-ils tes os du plane funéraire |
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Dont on ne cueille pas les fleurs ? |
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« Te souvient-il du jour où les vents salutaires |
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T'amenèrent vers nous pour la première fois ? |
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Tu m'appelas de loin sous nos bois solitaires, |
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Je ne t'avais point vu jusqu'alors sur nos terres, |
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Et pourtant je vins à ta voix. |
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« Oh ! j'étais belle alors ; mais les pleurs m'ont flétrie. |
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Reste, ô jeune étranger ! ne me dis pas adieu. |
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Ici, nous parlerons de ta mère chérie ; |
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Tu sais que je me plais aux chants de ta patrie, |
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Comme aux louanges de ton Dieu. |
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« Tu rempliras mes jours ; à toi je m'abandonne. |
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Que t'ai-je fait pour fuir ? Demeure sous nos cieux. |
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Je guérirai tes maux, je serai douce et bonne, |
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Et je t'appellerai du nom que l'on te donne |
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Dans le pays de tes aïeux ! |
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« Je serai, si tu veux, ton esclave fidèle, |
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Pourvu que ton regard brille à mes yeux ravis. |
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Reste, ô jeune étranger ! reste, et je serai belle. |
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Mais tu n'aimes qu'un temps, comme notre hirondelle ; |
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Moi, je t'aime comme je vis. |
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« Hélas ! tu veux partir. — Aux monts qui t'ont vu naître, |
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Sans doute quelque vierge espère ton retour. |
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Eh bien ! daigne avec toi m'emmener, ô mon maître ! |
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Je lui serai soumise, et l'aimerai peut-être, |
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Si ta joie est dans son amour ! |
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« Loin de mes vieux parents, qu'un tendre orgueil enivre, |
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Du bois où dans tes bras j'accourus sans effroi, |
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Loin des fleurs, des palmiers, je ne pourrai plus vivre. |
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Je mourrais seule ici. Va, laisse-moi te suivre, |
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Je mourrai du moins près de toi. |
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« Si l'humble bananier accueillit ta venue, |
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Si tu m'aimas jamais, ne me repousse pas. |
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Ne t'en va pas sans moi dans ton île inconnue, |
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De peur que ma jeune âme, errante dans la nue, |
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N'aille seule suivre tes pas ! » |
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Quand le matin dora les voiles fugitives, |
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En vain on la chercha sous son dôme léger ; |
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On ne la revit plus dans les bois, sur les rives. |
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Pourtant la douce vierge, aux paroles plaintives, |
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N'était pas avec l'étranger. |
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Janvier 1821.
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